Macron, sauveur ou fossoyeur de Renaissance avant les européennes ?

Macron, sauveur ou fossoyeur de Renaissance avant les européennes ?

Emmanuel Macron est un indécrottable optimiste. Le chef de l’Etat ne se laisse pas abattre par les sondages en berne de la liste Renaissance aux européennes et la campagne poussive de sa cheffe de file, Valérie Hayer. Au diable les défaitistes de son camp, qui iront aux urnes le 9 juin comme on va à l’échafaud. Le président de la République espère encore dépasser dimanche 20 % des suffrages, malgré des intentions de vote encalminées entre 15 % et 16 %. Il juge en privé que l’opinion n’est pas encore cristallisée, sa volatilité laissant présager d’intenses transferts de voix dans la dernière ligne droite. Surtout, seuls 55 % de ses électeurs de 2022 pensent effectuer leur devoir électoral. Mobiliser ce socle est une priorité.

Emmanuel Macron juge avoir un As dans son jeu pour provoquer un sursaut de participation : lui-même. “Il pense que s’il ne fait pas le boulot, c’est le bordel”, sourit un interlocuteur régulier. Alors, il s’y colle. Le chef de l’Etat entame ce mercredi trois jours de commémorations du 80e anniversaire du Débarquement des Alliés.

Le chef de l’Etat n’a pas forcé la main à Eisenhower en 1944 pour prendre les plages normandes un 6 juin. Mais ce hasard du calendrier fait ses affaires, tant il va jouir d’une surexposition médiatique d’ici au 9 juin. Ceux qui sont sensibles à son talent oratoire pourront l’écouter ce mercredi à Saint-Lô (Manche) lors d’un discours sur les victimes civiles des bombardements alliés ou vendredi à Bayeux, théâtre d’une grande allocution du général de Gaulle en 1946.

“Ne pas avoir honte du président”

Les Français amateurs de grandes cérémonies auront les yeux rivés sur Omaha Beach. Il prononcera jeudi un discours devant Joe Biden, le prince William pour le Royaume-Uni, le chancelier allemand Olaf Scholz, le président ukrainien Volodymyr Zelensky et une quinzaine d’autres chefs d’Etat et de gouvernement. Des rendez-vous bilatéraux ponctueront ces trois jours, tout comme une interview aux JT de TF1 et France 2 consacrée à l’actualité internationale. N’en jetez plus !

Dans le camp présidentiel, on veut croire que cette boulimie médiatique poussera aux urnes les électeurs d’Emmanuel Macron. L’état-major de Renaissance n’a jamais invisibilisé le chef de l’Etat durant la campagne. Son visage apparaît sur les tracts, la profession de foi de la candidate, et sa présence a été un temps envisagée au grand meeting parisien de Valérie Hayer, le 7 mai. “Les gens disent qu’elle est la candidate macroniste, analyse une ministre. Autant l’assumer, et ne pas avoir honte du président. 30 % des Français soutiennent encore son action.”

“Notre meilleure chance, c’est le président”

Macron, levier de mobilisation : l’analyse est partagée au sein de la majorité. Elle est professée avec pragmatisme, sans enthousiasme excessif. Toutes les tentatives de mobiliser l’électorat macroniste ont pour l’heure échoué. La situation ukrainienne ? Inaudible. Le débat télévisé Bardella-Attal ? Il n’a pas enrayé l’ascension sondagière du frontiste, malgré une prestation jugée décevante. Alors, autant se réfugier derrière une valeur sûre. L’irruption d’Emmanuel Macron aux européennes de 2019 avait bien permis à Nathalie Loiseau de limiter la casse. “Notre meilleure chance dans la campagne, c’est le président”, tranche un stratège Renaissance.

L’usure du pouvoir est passée par là. Le fringant président, incarnation du parti de l’ordre face aux gilets jaunes, n’est plus. La fin de règne guette, la majorité relative le prive d’une entière capacité d’action. La tentation du vote sanction nourrit la campagne de Jordan Bardella, crédité de près de 33 % d’intentions de vote. Des cadres LR sont frappés de constater que des électeurs de droite déposeront un bulletin RN dans l’urne pour amplifier la “gifle” au président.

L’exhibition d’Emmanuel Macron suscite une interrogation : provoquera-t-elle davantage de participation des partisans ou des adversaires du président ? Qui de l’amour ou de la haine prendra l’ascendant ? Question fondamentale dans une élection où le taux d’abstention avoisine les 50 %.

“C’est le sujet du verre à moitié vide ou à moitié plein, glisse un conseiller de l’exécutif. D’un côté, cette période dramatise l’enjeu de l’élection et peut mobiliser notre électorat. Mais il est aussi accusé d’instrumentaliser, à tort, sa position de chef de l’Etat pour écraser le débat.” En allant au front, Emmanuel Macron penche pour la première hypothèse. Sans surprise, sourit un visiteur du soir. “Il se dit : ‘les gens m’aiment, ils ne supportent pas le gouvernement’.” Le 9 juin, il saura si la lucidité lui faisait défaut.

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