Yaïr Golan, le héros du 7 octobre, a-t-il une chance d’accéder au pouvoir en Israël ?

Yaïr Golan, le héros du 7 octobre, a-t-il une chance d’accéder au pouvoir en Israël ?

Le 7 octobre au matin, Nir Gontage, journaliste du quotidien Haaretz, tente désespérément de sauver son fils Amir, réfugié dans un verger tout près du festival de musique Nova. Autour du jeune homme de 23 ans, des dizaines de terroristes du Hamas surarmés tirent à vue sur les festivaliers. Au téléphone, Amir décrit à son père une scène d’apocalypse. “Il me disait qu’on lui tirait dessus et j’entendais les tirs dans le téléphone”, raconte Nir Gontage. Roulant à 180 kilomètres-heure et brûlant tous les feux rouges, le père descend à toute allure vers le sud d’Israël. Mais il se retrouve bloqué par la police à 15 kilomètres du festival.

Désespéré, Gontage apprend sur les réseaux sociaux la présence de Yaïr Golan sur les lieux des massacres. Député d’opposition et général de réserve, Golan a pris le chemin de la région de Gaza dès l’annonce de l’invasion du Hamas. “J’ai appelé Yaïr Golan, retrace Nir Gontage. Il a demandé que mon fils envoie une localisation par WhatsApp puis m’a dit qu’il allait le chercher. Et effectivement, il l’a ramené sain et sauf. Sa mère a donné la vie à mon fils en 2000. Yaïr Golan lui a redonné la vie en 2023.”

Dans l’horreur, Golan devient un symbole d’unité

Ce matin-là, Yaïr Golan aura sorti au moins six personnes de l’enfer du 7 octobre. Ancien chef d’état-major adjoint de l’armée, familier des combats urbains, il a aussi coordonné l’action de dizaines d’Israéliens en civil affluant spontanément vers la région de Gaza. La veille encore, Yaïr Golan n’était qu’un banal politicien de gauche. Le 7 octobre, il devient un héros national, emblématique d’une société unie dans l’épreuve au-delà de ses féroces affrontements idéologiques. “Je te détestais pour tes opinions politiques, maintenant je t’aime. Pardonne-moi pour cette haine”, lui a lancé une jeune orthodoxe alors qu’il revenait aux abords de Gaza avec une équipe de la télévision israélienne.

Sincèrement convaincu de n’avoir fait que son devoir, Yaïr Golan sait que sa bravoure lui a rapporté gros électoralement. Le 28 mai, les militants du Parti travailliste l’ont porté à la tête de leur formation avec plus de 95 % des voix. Un sacre. Souhaitant une alternative au gouvernement de Benyamin Netanyahou, “le plus raté de l’histoire d’Israël”, Golan a promis de revivifier un parti travailliste moribond, jamais réellement remis de l’échec des accords d’Oslo au début des années 2000. Crédité d’une poignée de députés dans les sondages en cas d’élections anticipées, Golan devra affronter les deux poids lourds de l’opposition à Netanyahou : le centriste Benny Gantz et le social-démocrate Yaïr Lapid. Les coups commencent déjà à pleuvoir.

La controverse porte sur un sujet explosif en Israël. Quelques jours après sa victoire à la primaire travailliste, Yaïr Golan a appelé les réservistes de Tsahal – une ressource essentielle de l’armée israélienne -, à refuser de servir tant que Netanyahou dirige le pays. Immense tollé à droite mais aussi au sein du parti de Benny Gantz, lui-même ancien chef d’État-major. “On ne refuse pas les ordres, on ne refuse pas de servir dans l’armée. Je le dis à Yaïr Golan et à tous les responsables politiques : laissez l’armée en dehors des polémiques”, a tancé le chef de l’opposition, membre du cabinet de guerre.

“Ce type est dangereux pour Israël”

Volontairement ou non, Gantz instruit un procès en gauchisme déjà ancien. En 2016, Yaïr Golan avait fait scandale en comparant la radicalisation de la droite israélienne à la montée du nazisme dans l’Allemagne des années 1930. Idem en 2020 quand, au nom de la liberté d’expression, il défend le droit d’une députée arabe de la Knesset à rendre hommage à Samir Kuntar, un célèbre terroriste libanais qui a tué de ses propres mains une petite fille israélienne en 1979. “Ce type est dangereux pour Israël”, a décrété cette semaine une éditorialiste de la chaîne 14, l’équivalent de CNews en Israël.

La route vers le pouvoir s’annonce longue et compliquée pour Yaïr Golan. S’il semble avoir réussi à fédérer les protestataires de Kaplan, l’avenue de Tel-Aviv où se rassemblent chaque samedi soir des dizaines de milliers d’opposants à Benyamin Netanyahou, il devra prouver sa capacité à rassembler au-delà de la gauche pure et dure. “Bien que Yaïr Golan soit perçu comme un adversaire facile pour Netanyahou, qui va souligner sa radicalité, la bataille entre Golan, Gantz et Lapid ne fait que commencer pour savoir qui dirigera le bloc de centre-gauche”, annonce l’analyste politique Ouri Vertman.

Le destin politique de Yaïr Golan dépendra évidemment de l’évolution du conflit entre Israël et le Hamas. Si Benyamin Netanyahou échoue à ramener les otages et à terrasser l’organisation terroriste, le héros du 7 octobre aura beau jeu d’affirmer que seule la gauche sait protéger Israël, comme au temps de David Ben Gourion et d’Itzhak Rabin. Un héritage lourd à porter.

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