Depuis deux semaines, un pétrolier chargé d’un million de barils de brut brûle en haute mer, à 140 kilomètres des côtes du Yémen. Mauvaise nouvelle : ce n’est pas près de s’arrêter. Selon la mission de l’Union européenne engagée dans cette opération, les conditions ne sont “pas réunies” pour remorquer ce navire, attaqué le 21 août dernier par les rebelles yéménites.
“Les sociétés privées responsables de l’opération de sauvetage ont conclu que les conditions n’étaient pas réunies pour mener à bien l’opération de remorquage et qu’il n’était pas sûr de continuer”, a indiqué, sur son compte X, la mission Aspides de l’UE. Une chose est sûre : cette attaque fait peser un risque environnemental en mer Rouge et représente une “menace imminente de pollution régionale”, a-t-elle prévenu.
The European Union’s naval mission, Aspides, announced that it is suspending efforts to salvage the MV Sounion, a Greek-flagged oil tanker stranded in the Red Sea after an attack by the Yemeni Houthi forces.https://t.co/oKJtorgtsQ
— teleSUR English (@telesurenglish) September 5, 2024
Le “Sounion”, qui bat pavillon grec et transporte 150 000 tonnes de pétrole brut, avait été touché par des projectiles lancés par les Houthis. Ces derniers, soutenus par l’Iran, avaient ensuite revendiqué le fait d’avoir fait exploser des charges sur le navire, provoquant plusieurs incendies à bord, avant “d’autoriser” son sauvetage. La mission Aspides, déployée en février pour protéger la navigation marchande des attaques de ces rebelles, avait indiqué, lundi 2 septembre, que le navire était toujours en feu, et qu’elle assurerait la protection des remorqueurs “pour prévenir une catastrophe environnementale” en mer Rouge. Le Commandement militaire américain pour le Moyen-Orient (Centcom) indiquait, lui, lundi, que l’opération de sauvetage était en cours.
“Une catastrophe environnementale potentielle”
Mercredi 4 septembre, des images aériennes du Sounion montraient plusieurs incendies en cours sur le pont. Bien qu’il n’y ait pas encore de fuite de pétrole apparente, le Pentagone a exprimé, mardi, ses inquiétudes face à une “catastrophe environnementale potentielle”. En cas de pollution, la catastrophe pourrait mettre également le feu aux marchés d’assurance européens. “Tous les moyens mis en œuvre ont un coût, les conséquences à traiter peuvent être gigantesques, et les moyens pour y faire face semblent bien faibles”, estimait un expert de l’assurance en transport maritime dans les colonnes de Libération.
Le Département d’État américain a déclaré que le déversement d’un million de barils de pétrole serait quatre fois plus important que la catastrophe de l’Exxon Valdez, en Alaska, en 1989. Une catastrophe qui provoqua une importante marée noire et la mort de 300 000 oiseaux. Ainsi, une pollution a grande échelle en mer Rouge pourrait avoir un impact dévastateur sur son écosystème, d’autant qu’il s’agit également d’un lieu stratégique pour l’économie des pays riverains. Mais ces derniers sont peu équipés contre les pollutions accidentelles, à l’exception de l’Arabie saoudite, réticente à l’idée de coopérer pour des raisons politiques.
Selon l’agence de protection de l’environnement du gouvernement yéménite basé à Aden et reconnu par la communauté internationale, dont les données ont été reprises par Le Monde, 78 000 pêcheurs et leurs familles, soit près d’un demi-million de personnes, pourraient être affectés par une pollution massive.
Le transport maritime mondial “bouleversé”
“Les Houthis, alignés sur l’Iran, ont coulé deux navires et tué au moins trois membres d’équipage au cours d’une campagne de dix mois qui a bouleversé le transport maritime mondial en obligeant les armateurs à éviter le raccourci du canal de Suez”, rappelle le quotidien britannique The Guardian.
En mars 2024, c’était le Rubymar, battant pavillon du Belize, touché par les Houthis, qui avait coulé avec sa cargaison de 21 000 tonnes d’engrais à base de sulfate de phosphate d’ammonium. “Nous demandons aux Houthis de cesser immédiatement ces actions et nous exhortons les autres nations à intervenir pour aider à éviter cette catastrophe environnementale”, a affirmé, ce samedi 7 septembre dans un communiqué, le porte-parole du département d’Etat américain, Matthew Miller.
Depuis novembre, les rebelles yéménites visent les navires qu’ils estiment liés à Israël, disant agir en solidarité avec les Palestiniens de la bande de Gaza, où une guerre oppose le mouvement islamiste Hamas à l’Etat hébreu depuis le 7 octobre. Leurs attaques ont poussé les Etats-Unis à mettre en place une coalition maritime internationale et à frapper des cibles rebelles au Yémen, parfois avec l’aide du Royaume-Uni. Mais au-delà des enjeux géopolitiques ou stratégiques, c’est la survie de la biodiversité en mer Rouge qui est en jeu.