Diplomatie : pourquoi Javier Milei enchaîne les déclarations outrancières

Diplomatie : pourquoi Javier Milei enchaîne les déclarations outrancières

L’Espagne a “définitivement” retiré son ambassadrice en Argentine. L’annonce du ministre espagnol des Affaires étrangères, mardi 21 mai, a acté le sérieux coup de froid sur les relations diplomatiques entre l’Espagne et son ancienne colonie. L’ambiance n’était déjà guère chaleureuse au terme d’une visite, mi-mai, de Javier Milei en Espagne où celui-ci n’a même pas pris le temps de rencontrer le Premier ministre espagnol et après que le président argentin a traité l’épouse de Pedro Sánchez de “corrompue”. Celle-ci fait l’objet d’une enquête préliminaire dont la justice espagnole a demandé le classement sans suite en avril.

L’Argentine, dirigée depuis décembre 2023 par le populiste exubérant et outrancier Javier Milei, ne cesse de se faire des ennemis à l’étranger. Et ce alors que ce pays en crise fait face à un cruel besoin d’investissements. L’amélioration de certains indicateurs économiques – le ralentissement d’une inflation parmi les plus importantes de la planète, la hausse des réserves de change – ces derniers mois masque une grave récession. Le choc d’austérité voulu par le nouvel exécutif a fait exploser la pauvreté.

Héritier de Donald Trump et Jair Bolsonaro – plus décomplexé et grossier encore –, le libertarien Javier Milei pourfend sans relâche le socialisme, dont tout partisan serait “un déchet, un excrément humain”. Oubliant que de nombreux pays d’Amérique latine sont dirigés par des personnalités de gauche, Javier Milei s’est mis à dos plusieurs chefs d’Etat de la région.

Isolé en Amérique latine

Il a ainsi qualifié le Brésilien Lula de “communiste furieux”, traité le Colombien Gustavo Petro d'”assassin terroriste” – en référence au passé guérillero du président –, insulté le Mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador, qui serait selon lui un “ignare”. Ce dernier n’est d’ailleurs pas en reste, ayant appelé son homologue argentin “facho conservateur”. Pour Bernabé Malacalza, chercheur spécialiste en relations internationales au Conicet (équivalent argentin du CNRS), “Milei s’est lancé dans une croisade contre quiconque ne partage pas sa vision du monde”. Cette posture “l’isole en Amérique latine, et laisse les dirigeants de la région abasourdis, tant Milei rompt les codes diplomatiques”, poursuit-il.

Mais le président argentin ne se limite pas aux dirigeants latino-américains dans ses diatribes. Javier Milei cible aussi régulièrement la Chine, pays qui figurait pourtant au deuxième rang – derrière le Brésil de Lula le “corrompu” – dans les importations de l’Argentine l’an dernier. En août 2023, alors candidat, Milei déclarait à Bloomberg : “Les gens ne sont pas libres en Chine, ils ne peuvent pas faire ce qu’ils veulent et, quand ils le font, ils sont tués. Tu aurais des relations commerciales avec un assassin ?”

Qu’a-t-il à gagner de ces brouilles diplomatiques ? Lui reste-t-il seulement des alliés ? “Milei est un narcissique, il veut être le leader de la nouvelle droite internationale, en être le nouveau point de référence”, estime Bernabé Malacalza. Le président argentin, qui se revendique anti-système, ne se soucie guère de vexer les dirigeants du monde entier. “Les chefs d’Etat lui importent peu, il est plus intéressé par le monde des finances, des grandes technologies”, poursuit le politologue. En témoigne sa rencontre avec Elon Musk dans l’une des gigafactories du milliardaire, au Texas, en avril. Comme ses prédécesseurs, Milei mise gros sur le lithium contenu en grande quantité dans les sols du nord-ouest de l’Argentine.

Fermement pro-Israël

L’excentrique président est un fervent soutien de Donald Trump aux côtés duquel il s’est affiché en février aux Etats-Unis en marge d’une conférence de conservateurs. Sur la vidéo de leur rencontre, même l’ex-président américain semble mal à l’aise devant l’exaltation de son interlocuteur ébouriffé. “Mais Milei entretient également de bonnes relations avec les démocrates américains puisque dans sa lecture du monde, les Etats-Unis sont de toute façon du’bon côté’de la guerre froide, contre les Chinois, qui incarnent selon lui le mal”, pointe Bernabé Malacalza.

Le président argentin, qui a déclaré envisager de se convertir au judaïsme, est aussi fermement pro-Israël. Il y a effectué en février son premier voyage présidentiel à l’étranger, à l’occasion duquel il a annoncé le déplacement de l’ambassade argentine de Tel-Aviv à Jérusalem. Milei est aujourd’hui l’un des rares dirigeants dans le monde à n’avoir émis aucune critique sur l’offensive israélienne sur la bande de Gaza. “Israël ne commet pas un seul excès” dans cette guerre, a-t-il soutenu en mars.

Il s’affiche par ailleurs aux côtés des représentants de l’extrême droite européenne. Son déplacement espagnol, mi-mai, n’était pas uniquement consacré à insulter l’épouse de Pedro Sánchez : le président argentin était l’un des invités d’honneur du congrès du parti espagnol d’extrême droite Vox, grand raout de l’ultradroite européenne auquel a également pris part Marine Le Pen.

Interrogée par les médias français sur Milei, l’ex-présidente du Rassemblement national a pour sa part tenu à marquer ses distances avec le populiste argentin, affirmant avoir des positions “radicalement différentes” des siennes. Une posture prudente qui tranche avec l’accueil enthousiaste réservé au “loco” (fou, en espagnol, l’un de ses surnoms) à Madrid, où des milliers de partisans d’extrême droite ont repris en chœur son slogan : “Vive la liberté, bordel !”

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