La “thérapie” par les ventouses est-elle bénéfique ? Pourquoi Brut a rétropédalé

La “thérapie” par les ventouses est-elle bénéfique ? Pourquoi Brut a rétropédalé

Ne manie pas la “ventouse thérapeutique” qui veut. Le média en ligne Brut vient d’en faire les frais. Après avoir tenté d’informer ses auditeurs sur cette pratique en postant sur les réseaux sociaux une vidéo sur le sujet, la rédaction s’est pris une volée de bois vert. Une dizaine de spécialistes se sont immédiatement inquiétés du propos véhiculé. Car le média vantait sans guère de nuances les mérites de cette méthode pourtant unanimement décriée par les autorités médicales.

La polémique a même été si forte que quelques heures après avoir publié son contenu, Brut l’a tout bonnement supprimé. Le média, spécialisé dans l’information sur les réseaux sociaux, a admis “une erreur” : “Cette vidéo […] n’apportait pas l’ensemble des informations nécessaires à la compréhension de cette pratique et à ses dangers”, pouvait-on lire, mardi 4 juin, dans un communiqué en forme de mea culpa.

Très en vogue chez les sportifs, la thérapie par les ventouses, aussi appelée “cupping” ou “hijama”, consiste à aspirer la peau et à la maintenir ainsi pendant de longues minutes, avec ou sans massage. Sur les réseaux sociaux, de nombreuses vidéos montrent des stars se plier à l’exercice et ressortir avec des marques rouges sur le corps, le résultat de l’effet de succion. S’il n’y a évidemment aucun mal à rendre compte de la popularité du phénomène, la rédaction de Brut a oublié de préciser qu’il était… dangereux, et proscrit.

Ni bénéfique, ni même autorisé

Dans la vidéo, un ostéopathe interrogé par Brut expliquait ainsi que seuls les “kinésithérapeutes” ou un “médecin” peuvent manipuler les ventouses. Et qu’elles montreraient un effet bénéfique sur la récupération ou sur certains inconforts. C’est pourtant tout l’inverse : cette méthode est tout simplement interdite aux kinésithérapeutes depuis le 18 mars 2021, à la suite d’un avis du conseil national de l’Ordre, instance de régulation interne de la profession.

Dans ce document, il est écrit : “La pratique des ventouses étant, à ce jour, insuffisamment éprouvée et faisant courir au patient un risque injustifié de lésion (saignement, brûlure etc.), le kinésithérapeute ne peut proposer ce procédé”. Une simple recherche sur Google, ou un appel au secrétariat de l’Ordre des kinésithérapeutes aurait permis de le savoir. Mais à aucun moment cet élément n’était rappelé dans le contenu.

Même son de cloche chez les médecins. “Aucune reconnaissance scientifique, ni formation reconnue” n’est associée au cupping, statuait l’Ordre des médecins, dans un rapport sur les pratiques non conventionnelles, publié en 2023. L’instance rappelle : “Les médecins doivent aux patients des soins consciencieux et basés sur les données acquises de la science. Il leur est interdit de proposer des traitements insuffisamment éprouvés, la pratique du charlatanisme et de faire courir aux patients un risque injustifié”.

Effets indésirables, et pertes de chance

Si la pratique est autant conspuée par le monde médical, c’est aussi parce qu’elle est souvent proposée en lieu et place de vrais traitements. “Le risque essentiel est d’écarter les patients présentant des pathologies graves des traitements dont l’efficacité a été démontrée, ce qui peut entraîner une perte de chance ou un risque vital pour ces patients”, explique ainsi l’Ordre dans le même rapport.

Les thérapies autour des ventouses présentent aussi des “risques de dérives”, selon la Miviludes, la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. L’organisation ne cesse d’alerter à ce sujet depuis une dizaine d’années, et dit faire face à de plus en plus de saisines pour des problèmes d’emprise et de pertes de chance en lien avec les ventouses.

De nombreux pseudo-thérapeutes aux allures de gourou en ont fait ainsi leur “acte” préféré. C’est notamment le cas des médecins prophétiques, ces faux docteurs qui assurent soigner grâce à l’islam, une des religions qui met à l’honneur les ventouses, appelées dans ce cas “hijama”. En octobre 2023, L’Express avait notamment rapporté plusieurs opérations judiciaires menées à Mulhouse pour contenir le phénomène.

Comment autant d’alertes, aussi sérieuses et sans équivoque, ont-elles pu être ignorées par les équipes du média ? Contacté, Brut n’a pas souhaité répondre à L’Express. L’ostéopathe interviewé dans la vidéo évoque, lui, un montage raté, qui aurait occulté les éléments négatifs. Et assure que, contrairement à ce que la vidéo laisse entendre, il n’est “pas le défenseur de cette pratique”.

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