“Il n’y a pas d’endroit au Moyen-Orient qu’Israël ne puisse atteindre”. L’avertissement de Benyamin Netanyahou ce 30 septembre est sans ambiguïté adressé à Téhéran. “Le régime plonge notre région plus profondément dans l’obscurité et plus profondément dans la guerre”, a insisté le Premier ministre israélien.
Si Israël veut en finir avec la menace existentielle qui pèse sur son Etat, c’est à Téhéran que se trouve sa réponse. Netanyahou le sait. Biden, le président américain, le sait. Khamenei, le numéro un iranien, le sait. A vrai dire, tout le monde le sait. Mohammed ben Salmane, le leader saoudien, ne s’y était pas trompé. Avant le 7 octobre, le prince voulait dans son élan modernisateur, couper la chique à Khamenei, et assurer sa domination régionale en négociant une paix fondamentalement révolutionnaire avec l’Etat hébreu.
Le Hamas le sentait aussi. Avant le 7 octobre, cette paix menaçait tout l’équilibre des forces qui était au service de l’organisation. L’accord entre l’Arabie saoudite et Israël aurait ouvert la voie au règlement de la question palestinienne. Il était inconcevable que le leader du monde musulman, qui abrite les lieux saints de l’islam, laisse tant de ses frères dans une situation intenable. Et Israël peut-être plus que jamais aurait cédé. Parce qu’entrevoir une fin à la lutte existentielle de l’Etat hébreu, même pour un leader cynique comme Netanyahou, aurait été une victoire politique d’une portée historique.
Il n’y a pas de paix possible avec le régime des mollahs
Cette paix-là a été enterrée par le 7 octobre. Quand se brise le rêve, on se réveille dans un cauchemar. Le cauchemar où l’espoir a cédé la place à l’extrême, et où seule la loi du talion existe.
Israël le sait, s’il veut enfin dormir tranquille, le plus grand défi qui lui est posé est né il y a 45 ans. La République islamique d’Iran s’est fondée sur l’idée même de la destruction d’Israël. Son “proxy”, le Hezbollah, encore plus. Par essence, la révolution islamique de 1979 est totale, sans nuance. “Khamenei a une idéologie qui n’a pas cillé depuis qu’il a atteint le pouvoir à la mort de l’ayatollah Khomeyni en 1989”, décryptait le chercheur de Stanford Abbas Milani, dans un entretien avec L’Express. “Il pense que le monde occidental est en déclin, et qu’aujourd’hui c’est au tour de l’islam de dominer le monde”.
Il n’y a pas de paix possible avec le régime des mollahs. Pas de pragmatisme, pas de négociation, pas de “realpolitik”. Le réalisme, l’approche rationnelle, est ici de comprendre que les leaders iraniens d’aujourd’hui n’ont qu’un objectif : gagner du temps pour asseoir leur assise définitive par le biais d’une arme atomique qui les rendraient intouchable. Pourquoi, nous Européens, négocions depuis vingt ans avec eux sur ce programme nucléaire sans obtenir grand-chose, reste de l’ordre du mystère. Par peur du chaos, par peur de l’après-mollah, par peur de la Libye, du chaos irakien, de Daech. Oui, le Moyen-Orient est un espace complexe, que des politiques de courte vue des Occidentaux ont façonné en un bourbier qui semble inextricable. Mais dans toute cette complexité, certaines choses sont simples : à Téhéran perdure un régime qui a soutenu le Hamas et le 7 octobre, qui a créé le Hezbollah et donc une grande partie de l’instabilité au Liban, qui assassine ses opposants et viole ses femmes, qui baladent les Occidentaux dans de fausses négociations depuis deux décennies.
Une brèche dans le système de défense iranien
En déstabilisant le Hezbollah, en le décapitant de son leader charismatique, Israël a mis une première brèche dans le système de défense des Iraniens. Le Hezbollah, pour Téhéran, ce sont des milliers de missiles pointés en permanence sur Israël. Une assurance-vie pour le régime iranien, qui garantit ainsi que ses installations nucléaires ne seront pas bombardées. En brisant la tête de la milice chiite, Israël a fait le premier geste d’un mikado qui risque de se solder par un écroulement de tout le système de protection soigneusement mis en place par les Iraniens.
Jusqu’où ira Israël ? D’autres membres du commandement des Gardiens de la révolution, la milice du régime, seront-ils visés, alors qu’ils ont déjà été la cible des attaques israéliennes à plusieurs reprises ? Deux commandants avaient été tués à Damas en avril dernier et auprès de Nasrallah, c’est un chef adjoint qui a été tué. Des sites nucléaires ? Des lieux officiels près d’Ispahan, comme le Centre de technologie nucléaire, qui avait déjà été visé en avril dernier, apparaissent comme des cibles faciles. Il reste aussi l’establishment iranien, le nouveau président, Massoud Pezeshkhian, mais il n’a pas de rôle central dans les questions de sécurité. Le cerveau ? Le Guide suprême Ali Khamenei, figure centrale du régime de Téhéran.
Un acte qui mènerait sans ambiguïté vers une guerre. Gage est de penser qu’Israël n’ira pas jusque-là. Certains commentateurs affirment que les attaques d’Israël vont pousser la République islamique à finir de développer l’arme atomique. C’est prendre le problème à l’envers. Les Iraniens continueront leur politique de déstabilisation régionale, quelle que soit l’attitude d’Israël.