L’heure est grave, voilà quatre ans que Gallimard n’a pas remporté le prix Goncourt, l’auguste éditeur ne s’octroyant que deux Graal depuis dix ans (avec Hervé Le Tellier et Leïla Slimani), un maigre magot comparé aux décennies précédentes (37 couronnes depuis 1903, dont sept pour les seules années 1950). Cela dit, le Seuil n’a eu qu’une unique lauréate, Lydie Salvayre et Grasset a fait chou blanc durant cette même décennie. L’époque du Galligrasseuil, le “bon vieux temps”, dominé par ces trois doctes maisons et quelques faiseurs de prix, où l’on cumulait les postes et les fonctions (juré ici, éditeur là), semble peu ou prou révolue.
A priori, la première liste du Goncourt 2024, annoncée le 3 septembre, apparaît très prometteuse pour Gallimard avec ses quatre auteurs, Kamel Daoud, Maylis de Kerangal (Verticales est une collection), Etienne Kern et Carole Martinez. Mais ne nous emballons pas, ils étaient cinq sélectionnés l’année dernière sur la première liste du Goncourt avec le résultat que l’on sait.
Quant à Grasset, il compte deux romanciers, Gaël Faye et Jean-Noël Orengo, le Seuil ne disposant, lui, d’aucun représentant (mais prenant sa revanche sur la première sélection du prix Décembre, doté de 15 000 euros, avec trois auteurs distingués, Aurélien Bellanger, Julia Deck et Hélène Giannecchini). Le salut viendrait-il du jury Renaudot ? Eh non, pas un Seuil dans sa liste pléthorique de 18 noms, mais quatre Gallimard et deux Grasset, ainsi que de nombreux doublons avec leurs voisins de chez Drouant – Daoud, Faye, Jaenada, Kern, Montaigu, Orengo et Norek (on notera la jolie prestation de ce “petit nouveau” de la rentrée littéraire).
Si la bataille est rude, c’est que le Goncourt fait vendre : ainsi de 2010 à 2022, en moyenne et en grand format il s’en est écoulé quelque 360 000 exemplaires, suivi du Goncourt des lycéens (environ 315 000), du Renaudot (220 000), de l’Académie française (120 000) – et inversement pour les deux derniers suivant les décennies – et du Femina (95 000), l’Interallié et le Médicis fermant le ban. Pour les recalés de la deuxième liste du Goncourt, qui tombera le 1er octobre, il restera donc au moins un très joli lot de consolation, le Goncourt des lycéens (sans Gaël Faye et Carole Martinez, déjà lauréats). Et pour tous, de longues nuits d’insomnie. Bienvenue dans le cercle, pas vraiment reposant, des sélectionnés des grands prix !