C’est un peu comme si Galatée avait trahi Pygmalion. Ou du moins s’en était émancipé. Entre Ursula von der Leyen et Emmanuel Macron, le rapport de force s’est singulièrement rééquilibré. La démission surprise et tonitruante de Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, la veille de l’annonce de la future équipe qui régnera sur la citadelle de Berlaymont à Bruxelles sur les cinq prochaines années, en dit long sur la perte d’influence de la France sur la scène européenne. Et Emmanuel Macron en est en grande partie responsable. Ce pataquès de dernière minute est une des très nombreuses répliques du tremblement de terre de la dissolution du 9 juin dernier. De fait, en Europe aussi, Emmanuel Macron n’est plus le maître des horloges. Le temps où sous les boiseries de la Sorbonne, le jeune président français dissertait sur l’avenir de l’Europe et était écouté de Lisbonne à Tallinn est révolu.
On est fort au Conseil européen quand on est fort chez soi. En 2019, Emmanuel Macron avait été faiseur de roi : c’est lui qui avait sorti du chapeau le nom d’Ursula von der Leyen comme présidente de la Commission, ne défendant pas au passage la candidature de Michel Barnier. Et rendant au passage un fier service à Angela Merkel qui ne savait comment se débarrasser de sa ministre de la Défense, très impopulaire dans la Bundeswehr. Dans la foulée, la France obtenait un portefeuille aux contours extrêmement larges.
En 2019, Ursula von der Leyen avait tout à prouver. Cinq plus tard, c’est une femme puissante qui a imposé ses vues au président français affaibli. Oui pour un titre ronflant de vice-présidence accordé à la France mais non pour Thierry Breton, avec lequel elle entretenait des relations détestables. Certes, les rapports entre la présidente de la Commission et le futur commissaire français Stéphane Séjourné, chargé du redressement de l’industrie européenne, seront plus fluides. Mais le titre ne fait pas l’influence. Lors de la précédente mandature, Margrethe Vestager, pourtant auréolée de son combat contre les Gafa, avait certes été propulsée vice-présidente de la Commission mais elle avait été rapidement éclipsée par Breton notamment. Aujourd’hui, Stéphane Séjourné, novice sur les questions industrielles, devra aussi composer avec le nouveau commissaire à la défense et à l’espace, Andrius Kubilius, deux fois Premier ministre en Lituanie et crédité du redressement économique du pays. A Bruxelles, la France risque la relégation ou l’isolement.