Transition climatique : dans le secteur de l’énergie, une impossible transformation ?

Transition climatique : dans le secteur de l’énergie, une impossible transformation ?

Du Greenwashing à une vraie politique de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) : où en est-on vraiment ? Depuis la mise en place de la Directive européenne sur les publications des données extra-financières (CSRD), les sociétés de plus de 500 salariés doivent analyser les risques financiers auxquelles elles sont exposées mais aussi les conséquences environnementales de leurs activités (quantité de CO2 émis, atteinte aux milieux naturels, etc.). Ce rapport de durabilité rendra compte de la réalité de leur politique en matière de RSE. Or dans l’application de cette directive européenne, le France est plutôt en avance. Peu à peu, tout un mouvement se développe, avec d’un côté les contraintes de la loi, et de l’autre, le poids des salariés convaincus du rôle social et environnemental des entreprises. Au point d’en faire un choix pour leur carrière et de venir peser au sein des organes de direction. Silencieuse, la révolution RSE est inéluctable. Surtout dans les secteurs les plus pollueurs.

Avec près de la moitié des émissions de gaz à effet de serre, le secteur de l’énergie reste l’un des plus polluants de la planète. Les raisons sont connues : activités sur le temps long particulièrement gourmandes en capitaux, fortes ressources mobilisées (foncier, eau, matériaux). Si certains énergéticiens pratiquent le greenwashing, ce procédé semble aujourd’hui intenable. “L’accès au financement est de plus en plus conditionné par un bon niveau de transparence sur la performance environnementale”, alerte Quentin Dérumaux, associé énergie au cabinet Julhiet Sterwen.

Ne pas uniquement pointer du doigt les pétroliers

Or, à l’image du groupe TotalEnergies, qui a décidé en 2023 d’augmenter sa production d’hydrocarbures au cours des cinq prochaines années, les majors du pétrole et du gaz investissent toujours dans ces énergies. “On peut le regretter, mais l’activité pétrolière demeure hyper rentable, avec une seule organisation, l’Opep, qui fixe les prix – lorsque les marchés des énergies renouvelables sont souvent locaux et volatils”, analyse Vincent Maillard, président d’Octopus Energy France, un fournisseur d’électricité verte et locale. Avant de refuser de pointer uniquement du doigt les pétroliers. “C’est l’ensemble de l’encadrement juridique et réglementaire qu’il faut changer, en incitant davantage à développer et à utiliser les énergies renouvelables.” Selon Olivier Aubert, directeur de Swen Capital Partners, un fonds spécialisé dans l’investissement durable, la contrainte, en matière d’empreinte environnementale, demeure fondamentale : “La loi devrait obliger les compagnies pétrolières et gazières à incorporer un pourcentage d’énergie renouvelable dans leurs ventes.” Il y a quelques mois, 27 grands actionnaires du pétrolier Shell ont déposé une résolution demandant à la firme d’aligner ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre sur ceux de l’accord de Paris. “Si cette résolution a peu de chances d’être votée cette fois, combien de temps encore les géants de l’énergie pourront-ils résister aux demandes de leurs employés, de la société civile et de leurs actionnaires ?” se demande Christophe Jourdin, associé énergie de Magellan Consulting.

D’autant que de nombreuses incitations indirectes se mettent en place. A l’image de la taxonomie européenne, qui oblige les entreprises à publier la part de leurs activités défavorables à l’environnement et, pour les investisseurs, la part de leurs actifs. Concrètement, cette taxonomie vise d’abord à réduire les fausses affirmations (greenwashing), en définissant à l’échelle communautaire ce qui est une activité “non verte”. Elle vise également à contraindre les adeptes du “greenhushing” – le fait, pour certaines sociétés, de taire sciemment les conséquences de leurs activités – à sortir de l’ambiguïté. En France, le label “investissement socialement responsable”, permettant aux épargnants de distinguer les fonds qui contribuent au développement durable, a vu ainsi ses critères de sélection renforcés depuis le 1er mars 2024.

Un effort encore insuffisant

Au-delà de ces contraintes normatives, la guerre des talents à laquelle se livrent les entreprises les oblige à renforcer leur marque employeur à travers des engagements et des résultats en matière de RSE. “L’effort des grands énergéticiens français vers le développement des énergies renouvelables reste insuffisant, assure Christophe Jourdin. Mais, par le passé, ils ont démontré leur capacité à faire changer les choses. A eux de rendre possible la transition énergétique en travaillant de front sur les solutions technologiques et l’évolution des habitudes de consommation.”

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