Européennes : Marion Maréchal, les écolos, Bellamy… Cette erreur d’analyse qui leur a été fatale

Européennes : Marion Maréchal, les écolos, Bellamy… Cette erreur d’analyse qui leur a été fatale

Une France qui tend plus à droite sur des questions comme l’immigration, mais qui n’est nullement plus conservatrice sur le plan des valeurs. Voici l’une des confirmations de ces élections européennes. Le triomphe du RN de Jordan Bardella (32,4% des voix selon l’Ifop), contraste avec les scores décevants des listes Reconquête (5,1 %) et LR (7%) conduites respectivement par Marion Maréchal et François-Xavier Bellamy. Maréchal et Bellamy ? Contrairement à Bardella, deux figures conservatrices, deux catholiques affirmés passés par les écoles privées de la banlieue ouest, et fermement opposés au mariage pour tous.

Lors du précédent scrutin en 2019, François-Xavier Bellamy avait sans doute payé ses déclarations au sujet de l’arrêt des traitements prodigués à Vincent Lambert, en état végétatif depuis un accident de la route, faisant savoir qu’il n’y a pas de “fin de vie indigne d’être vécue”. Depuis, l’eurodéputé a tenté de dépasser cette image de “catho tradi”, mais a plaidé dans le JDD pour l’interdiction de la GPA “à l’échelle mondiale” ou s’est dit opposé à l’inscription de l’IVG dans des textes, assurant qu’il aurait voté “non” à son inscription dans la Constitution française s’il avait été parlementaire national. Marion Maréchal a elle adopté un ton plus tonitruant. Elle a fait polémique en tweetant “Où est la maman ?” après l’annonce de la naissance par GPA des jumelles du styliste Simon Porte Jacquemus et de son mari Marco Maestri. Durant la campagne, la petite-fille de Jean-Marie Le Pen a aussi dénoncé “une forme de banalisation de l’avortement” ou refusé de rendre hommage à Robert Badinter, décédé en février.

Or les études montrent que plus de neuf Français sur dix sont favorables à l’euthanasie, et deux sur trois à l’inscription de l’IVG dans la Constitution. Ils sont aussi de plus en plus nombreux à défendre la GPA (59 % selon un sondage CSA pour Europe 1, CNews et le JDD). Mais surtout, ces questions sociétales sont loin de représenter une priorité dans un pays où plus de la moitié des 18-59 ans se disent sans religion, avec une chute spectaculaire du catholicisme.

Pouvoir d’achat, immigration et santé

La récente enquête Ipsos pour le Cevipof, la fondation Jean Jaurès, l’Institut Montaigne et le Monde montrait que le pouvoir d’achat était le sujet déterminant (47 %) dans le choix du vote des Français pour ces élections européennes, suivis par l’immigration (38 %), le système de santé (29 %) et la protection de l’environnement (26 %). Un autre sondage Ifop-Fiducial pour LCI, Le Figaro et Sud Radio confirmait ce quarté. Pour Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion et stratégies d’entreprise de l’Ifop, c’est d’ailleurs la capacité à parler de social plutôt que de sociétal qui marque la principale différence entre Jordan Bardella et Marine Le Pen d’un côté, et Marion Maréchal et Eric Zemmour de l’autre.

“Comme le RN, Reconquête met en avant les thématiques de l’immigration et l’insécurité, les deux étant liés dans leur tête” observe l’auteur de La France d’après : Tableau politique (Seuil). “Mais le volet social n’est pas vraiment traité par Reconquête. La fameuse Colombe (sexagénaire au RSA qui était présente au meeting du RN à Perpignan, et dont la vidéo sur son “mal à vivre” est devenue virale, NDLR) ne peut pas voter pour ce parti. Le vote Reconquête se fait dans les beaux quartiers, mais est marginal dans la France périphérique et les anciens bassins industriels.”

Quant au score modeste de François-Xavier Bellamy, Jérôme Fourquet voit également des causes structurelles, avec la prise en étau de LR entre “une partie de leur électorat qui regarde du côté de Darmanin, Le Maire, Philippe, des piliers de la majorité gouvernementale” et de l’autre côté “ceux partis au RN ou chez Reconquête”. “Comme Glucksmann à gauche, Bellamy a l’image d’un parlementaire européen sortant investi dans son mandat, ce qui est rarement le cas. Il y a une certaine maîtrise des organisations sur les dossiers européens. Mais les macronistes se sont déportés sur leur droite, réduisant l’espace des Républicains. En même temps, ces derniers n’ont pas pu bénéficier d’une radicalisation ultra-droitière de Bardella, qui n’a pas suivi une trajectoire similaire à celle des Insoumis de l’autre côté de l’échiquier politique” souligne le sondeur.

Le boomerang du MeToo politique

Si les questions sociétales ne profitent pas aux conservateurs, elles ne font pas forcément plus le succès des progressistes à gauche. En témoigne le lourd échec d’EELV (5,6 % selon l’Ifop), alors que le scrutin européen est traditionnellement favorable aux écologistes (13,5 % en 2019, plus de 16 % en 2009). Crise énergétique, inflation, fronde agricole… Le contexte est certes moins favorable à la question environnementale, qui a reculé dans la liste des préoccupations des électeurs selon un récent sondage Eurobaromètre. Mais on peut aussi y voir les impasses d’un parti, qui sous l’impulsion notamment de Sandrine Rousseau, se voulait en pointe sur la question du féminisme et des violences sexistes, mais s’est pris de plein fouet le MeToo Politique. Accusé de “violence psychologique” par son ex-compagne (la militante féministe Anaïs Leleux), le député et ancien secrétaire national Julien Bayou a démissionné d’EELV en pleine campagne, dénonçant un “acharnement déloyal”.

“Du côté des écologistes, les gens retiennent de ces derniers mois un radicalisme dogmatique, que ce soit sur MeToo, Sainte-Soline, les attaques d’œuvres d’art avec du ketchup ou de la soupe, le steak, la voiture… C’est une écologie punitive qui éloigne d’une écologie plus positive et consensuelle”, confirme Jérôme Fourquet. “Mais, à leur décharge, le pouvoir d’achat est devenu la priorité numéro 1. Les produits alimentaires ont connu une inflation de plus de 20 % depuis trois ans. On voit d’ailleurs le marché du bio se casser la figure. Ce n’est pas propre à la France. Partout en Europe, les écologistes marquent le pas.”

Le score de la liste conduite par Marie Toussaint contraste avec celui de Raphaël Glucksmann. “Le PS était au départ ans une situation pire que LR, mais ils ont trouvé une incarnation. Il faut cependant bien avoir en tête que le score de Glucksmann n’est pas celui d’Olivier Faure…” avertit Jérôme Fourquet. Pour le politologue, le député européen et leader du mouvement Place publique a en tout cas su gagner du terrain autant sur sa droite, du côté des électeurs macronistes, en ayant un discours fort en faveur de l’Ukraine, que sur sa gauche, en bénéficiant de la radicalisation des Ecologistes et des Insoumis. “Avec des prises de position véhémentes après le 7 octobre ou le bazar à l’Assemblée nationale, LFI et EELV se sont déportés sur la gauche, libérant un espace à Glucksmann.”

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