A gauche, les bonnes purges et les mauvaises purges, par Abnousse Shalmani

A gauche, les bonnes purges et les mauvaises purges, par Abnousse Shalmani

La pureté a toujours frayé avec la gauche. Parce que la gauche s’est toujours fixé pour ambition de changer l’homme et de créer le meilleur des mondes, en faisant fi de la réalité, en niant la nature humaine, en n’imaginant pas qu’un homme puisse être différent d’un autre, qu’une femme puisse être motivée par d’autres ambitions, d’autres désirs que sa voisine de palier, tout en refusant, en même temps, que tous les Hommes soient obnubilés par des besoins primaires comme se nourrir, se reproduire, vivre en sécurité. La gauche veut réécrire l’humanité et n’a accouché que de charniers. Naturellement, la purge est venue avec l’ambition de pureté. La purge façon stalinienne existait avant Staline, elle est née en même temps que le marxisme, plus exactement lors de la IIe internationale (1889-1914), où ça purgeait sévère entre l’aile gauche marxiste et internationaliste et l’aile opportuniste (autrement dit ceux qui étaient pour la collaboration de classe, cette horreur qu’est le réformisme).

Aujourd’hui, alors que le président schizophrène Macron ajoute de l’”en même temps” irrationnel à la panique hystérique qu’il a lui-même provoquée, rassurant les Français dans une lettre le lundi (“N’ayez pas peur !”) et les affolant le mardi (la “guerre civile”, répétée sept fois, est à nos portes si vous votez mal), les médias comme les politiques, les citoyens comme les écoliers sont au bord de la crise de nerfs, et les purges entre amis ou collèges sont quotidiennes sous prétexte d’un positionnement pas assez, ou trop, d’une complaisance non prouvée, d’un doute trop exprimé. Le sain débat devient louche, au nom de la sacro-sainte lutte contre les extrêmes on fait taire le contradictoire, on craint le citoyen qui aurait la mauvaise idée d’en profiter pour réclamer plus de réflexion, moins de tribunes “fais ci, pas ça”. Staline et Stalinette ont élu domicile en France. Mais il existe de bonnes purges et de mauvaises purges.

Ainsi, tandis qu’il est probable que les pages des manuels d’Histoire à venir raconteront l’histoire de la gauche la plus bête du monde – la gauche française -, les travaillistes britanniques, eux, ont opté pour la bonne purge sous la houlette de Keir Starmer, ex-procureur, fils d’un ouvrier et d’une infirmière (oui, je précise pour éviter la purge, pureté oblige, d’où tu causes camarade !). Son mantra est simple : “les électeurs britanniques réclament avant tout de la sécurité. Nous devons savoir lire l’état d’esprit du pays”.

Ainsi, Keir Starmer a commencé par diligenter une enquête interne sur l’antisémitisme qui rongeait son parti sous la houlette de Jeremy Corbyn, antisémite en chef, laquelle a conclu que, oui, l’antisémitisme rongeait le parti travailliste – et même si Jean-Luc Mélenchon est persuadé que son camarade Corbyn est tombé à cause d’un complot fomenté par le Likoud et le grand rabbin de Jérusalem. Keir Starmer a donc exclu tous ceux qui refusaient de condamner l’antisémitisme, et même ceux qui le faisaient du bout des lèvres. La purge fut sévère, mais juste.

Puis il s’est attaqué à l’aile gauche, celle qui a des tas de propositions pour le bonheur du peuple mais pas les moyens de financer un quelconque bonheur pour personne et qui ajoute du ressentiment au désespoir des classes populaires. Il est allé jusqu’à exclure Sam Tarry, secrétaire au ferroviaire du “cabinet fantôme”, parce qu’il avait participé à un piquet de grève.

Et il a proposé un programme. Un vrai programme avec des vrais chiffres et de vrais possibles : pas d’augmentation de la TVA, pas d’augmentation d’impôts (même pas pour les affreux riches), discipline budgétaire, le tout en pariant sur la croissance. En résumé : on investit dans les services publics, d’accord, mais sans augmenter la dette publique. On promet du sang et des larmes, d’accord, mais pas de déception qui vous saute à la gorge au prochain tournant électoral. On assume la réalité et on fait avec. On ne ment pas, on ne prend pas les électeurs pour des cons.

Keir Starmer ne s’arrête pas là : il assume le patriotisme, il parle sécurité sans s’excuser, et veut renforcer les effectifs des douanes et contrôler correctement les niveaux d’immigration nette. On ne badine plus avec la réalité vraie des Britanniques. Pendant ce temps-là, en France, on purge le réel.