Au Kazakhstan, Vladimir Poutine marginalisé par Xi Jinping

Au Kazakhstan, Vladimir Poutine marginalisé par Xi Jinping

A Astana, la capitale aux allures futuristes du Kazakhstan, il n’y avait d’yeux que pour lui. Le président chinois Xi Jinping, en atterrissant à bord de l’un de ses quatre Boeing à l’aéroport d’Astana ce 2 juillet, a compris qu’il serait le centre de l’attention. En visite d’Etat au Kazakhstan, couplé à sa participation au 24e sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) les 3 et 4 juillet, la délégation chinoise a été accueillie par le président kazakh Kassym-Jomart Tokaïev en personne. Un honneur que, semble-t-il, n’ont pas mérité les 14 autres chefs d’Etats venus de tout le continent eurasien pour ce sommet, dont le président turc Recep Tayyip Erdogan, le Premier ministre pakistanais Shabhaz Sharif et même le dirigeant russe Vladimir Poutine !

D’ailleurs, les médias d’Etats kazakh n’ont accordé presque aucune attention au président russe – pourtant l’un des fondateurs historiques de cette organisation en 2001 – dans le sillage du groupe de Shanghai, créé en 1996 par la Chine, avec la Russie et quatre Etats d’Asie centrale (Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan et Tadjikistan). Initialement, cette plateforme avait pour mission d’aborder les questions de sécurité régionale et de développement économique et de régler les différends territoriaux. Elargie en 2017 à l’Inde et le Pakistan, avant d’accorder l’entrée à l’Iran en 2023, l’OCS s’est affirmée au fil des années comme un terrain d’affrontement entre les influences russes et chinoises.

Ascendant de la Chine sur Moscou

Mais depuis la guerre en Ukraine, le vent a tourné au profit de Pékin. La Russie est aujourd’hui marginalisée par la puissance commerciale chinoise, comme l’illustrent les inscriptions en mandarin, sur les affiches du sommet, dans les rues d’Astana. Car depuis maintenant plus de deux ans, le Kremlin est devenu autant un paria qu’un allié imprévisible. Un malaise pour certains Etats membres de l’OCS, qui ont à cœur de soigner leurs relations avec l’Occident.

Pourtant toujours dépendants économiquement de la Russie, les Etats d’Asie centrale préfèrent désormais se tourner vers les investissements chinois. “Les pouvoirs centrasiatiques ont effectué un pivot vers la Chine sans pour autant provoquer la colère du Kremlin. Car Xi Jinping n’est pas Joe Biden !”, explique un éminent expert kazakh proche des cercles de pouvoirs.

Dans ce rôle, Pékin offre une alternative stable en participant à des projets d’infrastructure en Asie centrale, comme les “Nouvelles routes de la Soie” ou le Corridor transcaspien, une route commerciale joignant la Chine et l’Europe via le Kazakhstan, la mer Caspienne et le Caucase – un projet visant à désenclaver l’Asie centrale. Ce n’est pas un hasard si le président chinois a enchaîné les rencontres, en marge du sommet, avec le président ouzbek Chavkat Mirziyoïev, le chef d’Etat azerbaïdjanais Ilham Aliyev et son homologue kirghiz Sadyr Japarov. Et si, ces 5 et 6 juillet, Xi Jinping est accueilli au Tadjikistan en grande pompe pour une visite d’Etat.

Ambitions d’un “bloc antioccidental” en Eurasie

Malgré cette rivalité d’influence, Poutine et Xi Jinping ont montré une proximité polie. Depuis le début de la guerre en Ukraine, les deux homologues ont, ne l’oublions pas, resserré leurs liens, en avançant un pragmatique “partenariat sans limite” contre l’Occident. Ils ne comptent pas s’arrêter là : du continent eurasiatique, ils entendent faire, via l’OCS, un contrepoids aux institutions occidentales dominées par les Etats-Unis. Preuve en est, cette année 2024 marque l’entrée officielle au sein de l’organisation régionale de la Biélorussie, régime dictatorial, soutien de l’invasion russe en Ukraine et sanctionné par l’Union européenne et les Etats-Unis.

Le président chinois a déclaré que l’OCS se trouvait “du bon côté de l’histoire” et devait “résister aux ingérences extérieures face aux défis réels de l’intervention et de la division”. Vladimir Poutine a, lui, salué le respect de l’OCS sur un “règlement pacifique de la question ukrainienne” contrairement à l’Occident, et ce devant le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, invité par le Kazakhstan. Une rencontre entre le chef de l’ONU et le dirigeant russe était envisagée, mais elle n’a finalement pas eu lieu.