Au meeting du Rassemblement national, populisme et grosses ficelles

Au meeting du Rassemblement national, populisme et grosses ficelles

Qu’il est complexe, le rôle de l’équilibriste en politique. Mais qu’il peut, parfois, s’avérer nécessaire dans la dernière ligne droite électorale. Et puis le Rassemblement national n’est plus à un grand écart prêt. Pendant cette campagne européenne, la formation d’extrême droite a déjà fait le deuil de sa cohérence, changeant de positionnement sur la sortie du commandement intégré de l’Otan, sur la politique agricole commune (PAC), sur le dégel du corps électoral en Nouvelle-Calédonie ou sur la sortie du marché commun de l’électricité… Une volatilité idéologique qui n’empêche pas ses représentants de s’ériger en chantres du “camp de la raison”, surjouant l’opposition raisonnée face aux prétendus incendiaires campés que seraient les représentants du gouvernement Macron.

“Je suis un raisonnable, je suis un pragmatique”, fanfaronnait ces derniers mois la tête de liste lepéniste Jordan Bardella, pillant la Macronie de ses éléments de langage. “Je suis la voix de la raison face aux extrêmes” osait-il même, sourire en coin. Mais dimanche 2 juin, pour son dernier meeting de campagne avant le scrutin du 9 juin, les frontistes ont renoué avec les accents populistes du parti à l’ancienne.

Discours anti-élites

Au Dôme de Paris, l’autoproclamé “camp de la raison” est devenu celui de “la vérité”, promettant de “démanteler l’industrie du mensonge qui gouverne la France”. “Toute leur campagne aura été bâtie sur la diffamation, la manipulation, la calomnie…, a scandé Jordan Bardella devant quelque 5 000 militants chauffés à blanc. Le 9 juin, c’est aussi un vote pour la vérité face aux mensonges qu’ils diffusent en boucle contre nous, et donc contre vous.” Qu’il paraît loin le Jordan Bardella lisse et poli qui s’offusquait, face à Gabriel Attal, d’être traité de “menteur”, dénonçant une formule irrespectueuse.

Il faut dire que, quelques minutes plus tôt, Marine Le Pen lui avait bien mâché le travail. Au micro, la cheffe de file du groupe RN à l’Assemblée n’a pas hésité à renouer avec les grosses ficelles qui ont fait une partie du succès de la formation populiste. Pendant près d’une demi-heure, la députée du Pas-de-Calais s’en est donc prise à cette technocratie européenne, qui se nourrirait des crises pour “s’attribuer des pouvoirs nouveaux”. L’occasion aussi de fustiger, encore et toujours, ces “normes, des champs de normes comme si elles étaient devenues une fin en soi”. Et après ? “Demain, la mise en place des impôts européens, parce que c’est leur rêve, et qui s’ajouteront à nos impôts, même votre épargne n’est pas à l’abri tant ils louchent dessus de manière indécente”, a poursuivi Marine Le Pen, prenant son auditoire à partie.

Et que serait une diatribe populiste sans un passage anti-élites ? Cette élite europhile qui, selon Marine Le Pen, “n’a aujourd’hui de cesse de souffler sur les braises pour monter une armée européenne afin de mener des guerres on ne sait où, décidées par on ne sait qui, en captant notre puissance nucléaire, voire en lorgnant sur notre siège au conseil de l’ONU…” Bref, au Rassemblement national, on a beau singer l’opposition raisonnée, la rechute populiste n’est jamais bien loin. Surtout, après une longue campagne sans faire de vagues, un retour aux fondamentaux ne mange pas de pain dans la dernière ligne droite, pour aider à la mobilisation.