Ce scénario noir qui inquiète le gouvernement après les européennes

Ce scénario noir qui inquiète le gouvernement après les européennes

Dégradation vendredi, censure dans quinze jours ? Pour Gabriel Attal et son gouvernement, il y a de quoi en faire des insomnies. Vendredi 31 mai, Standard and Poor’s, considérée comme l’agence de notation la plus influente de toutes, livre son verdict. Le risque est maximal dès lors que l’agence a accolé une perspective négative à son AA dans sa dernière révision. “La plus forte probabilité, c’est qu’on soit dégradé”, confie un ministre. A dix jours des élections européennes, ce ne serait pas du meilleur effet. Ce pessimisme explique la discrétion de l’exécutif quand la note française n’a pas été dégradée par Fitch et Moody’s en avril.

La première lame soulève le poil, la deuxième le coupe. On se rappelle cette publicité des années 1970. Après la sanction économique et l’éventuelle sanction électorale du 9 juin, la sanction politique ? Pas en raison des motions de censure que devraient déposer le RN et la Nupes dans quelques jours. C’est une autre date que le gouvernement a coché sur son agenda. A partir du 11 juin, l’Assemblée nationale examinera un projet de loi technique, en réalité sans importance, mais qui peut faire exploser le fragile équilibre politique actuel. L’intitulé du texte cache bien son jeu : “Projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année 2023”.

Le conseil des ministres l’a examiné le 20 avril. Principaux points selon le gouvernement : un effort de maîtrise des dépenses a permis d’atténuer les effets du ralentissement économique sur les recettes fiscales ; le déficit public s’établit à 5,5 % en 2023 mais le ratio de dette publique diminue ; une détérioration du déficit par rapport aux prévisions de la loi de fin de gestion s’explique par le ralentissement économique ; un niveau de recettes inférieur aux prévisions en raison du ralentissement économique a été constaté (Bercy a d’ailleurs demandé une enquête en interne pour comprendre le décalage spectaculaire entre prévisions et réalité). Soit 9 articles pour permettre au Parlement de valider le budget de l’année précédente. Le pire c’est qu’un rejet est sans conséquences ; il ne serait d’ailleurs pas du tout inédit depuis que ce mécanisme, assez nouveau, a été mis au point.

Une fenêtre de tir

Mais l’insincérité du gouvernement peut fournir aux oppositions, et notamment à la droite, l’opportunité de déposer une motion de censure pour sanctionner un déficit à 5,5 %. Depuis quelques semaines, les macronistes disent redouter une fenêtre de tir : entre les européennes, qui ne s’annoncent pas triomphales, et le début des Jeux olympiques, le président pourrait difficilement provoquer une dissolution de l’Assemblée nationale en cas de censure du gouvernement et se retrouverait donc coincé autant qu’embarrassé.

“Quand il s’agira de censurer le projet de loi de finances 2025, la droite sera moins à l’aise car le texte sera plus critiqué pour sa sévérité que pour son laxisme, remarque un membre de l’exécutif. Sur l’insincérité des comptes, en revanche, l’attaque est plus facile.” Elle pourrait aussi être plus consensuelle. Le groupe LR ne peut déposer seul une motion de censure : il compte 61 membres, qui ne souhaitent pas tous renverser le gouvernement, et il faut 58 signataires. Quelle sera l’ambiance au lendemain des élections européennes ? Toutes les hypothèses sont possibles : si LR est très faible, il peut être pris dans une spirale quasi-suicidaire ; si LR redresse la tête, il peut se croire puissant. Dans cette ambiance, la révélation, par La Tribune dimanche, d’un dîner entre Gabriel Attal et Laurent Wauquiez alimente les spéculations.

Ce ne sera, quoi qu’il arrive, que le début d’un chemin de croix. Le budget 2025 sera celui de toutes les difficultés économiques et de tous les risques politiques. Pour l’heure, le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave sonde les groupes d’opposition pour savoir dans quelles conditions ils pourraient, non pas voter pour – personne ne rêve – mais s’abstenir. Dans le même temps commencent les entretiens traditionnels entre le ministre chargé de préparer le budget et chacun des membres du gouvernement. La première qui sera reçue à Bercy est la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, le 3 juin.