Croissance française : derrière la liesse des JO, les affres de la récession

Croissance française : derrière la liesse des JO, les affres de la récession

Forcément, la fête est belle. La liesse populaire, la pluie de médailles tricolores… Et ce temps olympique béni pendant lequel les querelles politiques se font mezza voce avant la nomination d’un nouveau chef du gouvernement à partir de la mi-août. En attendant, à Bercy, Bruno Le Maire, qui a déjà préparé ses valises, continue de lustrer son bilan. En début de semaine, les statisticiens de l’Insee lui ont offert un cadeau de départ inattendu en publiant les chiffres de croissance pour le deuxième trimestre de 2024 : + 0,3 %, une performance supérieure à ce qui était prévu sachant que le résultat du premier trimestre a lui aussi été révisé à la hausse (+ 0,3 % au lieu de + 0,2 %). A la mi-année, et compte tenu de l’élan de 2023, l’acquis de croissance pour 2024, comme l’appellent les économistes, atteint déjà 1 %. En clair, même si l’activité fait du surplace sur la deuxième partie de l’année, Bruno Le Maire aura touché l’objectif gravé dans le projet de loi de finances pour 2024. “La France va surperformer pour la deuxième année consécutive, c’est un résultat remarquable”, s’est immédiatement félicité le ministre.

Sauf que Bruno Le Maire fait un peu comme l’automobiliste qui loue la beauté du paysage en regardant dans le rétroviseur. Depuis le printemps et singulièrement depuis le mois de juin, le climat des affaires dans l’Hexagone s’est nettement assombri. “Les signes d’attentisme et d’affaiblissement du secteur productif se multiplient”, avertit Bruno Cavalier, le chef économiste d’Oddo BHF dans une note récente. L’indicateur de la Banque de France qui suit le sentiment d’incertitude des entreprises a bondi début juillet, une hausse semblable à celle observée au printemps 2022 après l’invasion de l’Ukraine et le début de la crise énergétique. Toutes les enquêtes de l’Insee – dans l’industrie, le commerce de détail, les services et le bâtiment – font état, elles, d’une chute prononcée des perspectives d’activité.

“Hormis durant la pandémie, un recul d’une telle ampleur n’a été observé que lors de chocs majeurs : mars 2022 avec la guerre en Ukraine, octobre 2008 au moment de la crise financière mondiale”, s’inquiète Bruno Cavalier. Dernier signal d’alarme, l’enquête de l’Association française des trésoriers d’entreprise pointe enfin une très forte dégradation de la trésorerie des sociétés, au plus bas depuis l’été 2020 ! “La possibilité d’une récession est bel et bien à l’ordre du jour”, redoute l’économiste Véronique Riches-Flores.

Le Budget 2025, ce grand inconnu

Evidemment, le choc politique de la dissolution et le saut dans l’inconnu qui a découlé des élections législatives expliquent en partie ce coup de bambou. Et puis les chiffres de croissance du troisième trimestre devraient bénéficier d’un effet JO. Sursaut temporaire, hélas. Car cette langueur de la croissance ne touche pas seulement la France. L’Allemagne flirte de nouveau avec la récession – le PIB a reculé de 0,1 % au deuxième trimestre – et outre-Rhin aussi, le climat des affaires a plongé alors que les risques d’une bataille commerciale redoublée avec les Etats-Unis en cas de victoire de Donald Trump en novembre prochain terrorisent le patronat allemand.

En attendant, cet assombrissement des perspectives économiques va compliquer la construction du budget pour 2025. Quels que soient le nouveau locataire de Matignon et la couleur politique de son équipe. Car il faudra bien bâtir un cadrage macroéconomique – croissance, consommation, investissement, inflation —, les fondations du projet de loi de finances. Bruno Le Maire et les équipes de la direction du Budget ont déjà fait le travail, mais la copie est sans doute trop optimiste.

Or, qui dit moins de croissance, dit moins de recettes fiscales (à fiscalité inchangée) et plus de dépenses, notamment sociales… Donc, en bout de course, davantage de déficits. Un engrenage infernal alors même que la Commission européenne a confirmé la mise sous procédure de déficit excessif de la France. Avant même d’avoir présenté le projet de loi de finances pour 2025, Paris devra avoir envoyé le 20 septembre à Bruxelles sa feuille de route budgétaire pour les cinq ou sept prochaines années. La lecture de la copie nous en dira beaucoup sur la sincérité de la prochaine équipe.

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