Déficit public excessif : en quoi consiste la procédure de l’UE qui vise la France ?

Le déficit public français a continué de se creuser en 2023, et Bruxelles sonne l’alerte. Ce mercredi 19 juin, la Commission européenne a ouvert la voie à des procédures pour déficits publics excessifs contre sept pays de l’UE. Et à l’aune des élections législatives anticipées, la France fait partie des Etats membres épinglés.

À l’origine de cette décision, deux principaux éléments. Premièrement, le déficit public français qui a atteint 5,5 % l’an dernier. Une dégradation qui a valu à Paris un camouflet asséné par l’agence de notation américaine Standard & Poor’s (S & P) qui a rétrogradé sa note, la passant de “AA” à “AA-” le 31 mai dernier.

L’inquiétude face aux programmes de la gauche et de l’extrême droite

Ensuite, les conséquences de la crise politico-institutionnelle dans laquelle la France a plongé depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier. Car à droite, comme à gauche, les oppositions qui caracolent en tête dans les sondages, prévoient d’ouvrir grand le robinet des dépenses. Mais également, de revenir sur les réformes emblématiques des retraites et du marché du travail préconisées par Bruxelles.

Et bien que Bercy martèle être en capacité de repasser sous les 3 % de déficit public en 2027, le climat politique français suffit à mettre à mal la promesse du ministère de l’Economie et des Finances. Bruxelles juge d’ailleurs l’objectif peu crédible et table davantage sur un déficit de 5,3 % cette année et de 5 % en 2025 pendant que la plupart des pays de l’Union européenne devraient se rapprocher des 3 % dès cette année.

Une procédure prévue par le Pacte de stabilité

Raison pour laquelle, l’exécutif européen proposera probablement aux Etats membres lors d’une prochaine réunion des ministres des Finances de l’UE le 16 juillet, d’ouvrir une procédure pour déficit excessif contre la France qui s’est éloignée en 2023 des 3 % de déficit. Une règle qui avait été mise en sommeil après 2020 à cause de la crise économique liée au Covid puis à la guerre en Ukraine, avant d’être réformée et réactivée cette année.

Concrètement, la Commission publie un rapport qui analyse les causes du déficit et qui inclut un avis sur la situation du pays en question. C’est sur la base de ce document que le Conseil des ministres de l’UE statuera sur l’existence ou non d’un déficit excessif. Si tel est le cas, le Conseil adressera des recommandations à l’Etat membre concerné pour corriger la situation, en fixant des délais précis. Ce dernier sera surveillé de près par la Commission et le Conseil qui évalueront les progrès accomplis.

Dans le cas où l’Etat visé par une procédure en déficit excessif ne prendrait pas de mesures efficaces, l’exécutif européen peut lui infliger des sanctions. À l’instar d’amendes, de dépôts non rémunérés ou encore d’autres condamnations pécuniaires. En principe, le Pacte de stabilité prévoit des sanctions financières à hauteur de 0,1 % du PIB par an pour les pays qui ne mettront pas en oeuvre les corrections imposées, soit près de 2,5 milliards d’euros dans le cas de la France.

Une procédure peu coercitive

Force est toutefois de constater que ces punitions, politiquement explosives, n’ont jamais été appliquées. La France, dont la dette atteint 110 % du PIB, a d’ailleurs été plusieurs fois en procédure de déficit excessif depuis la création de l’euro au tournant des années 2000. Elle en était toutefois sortie en 2017.

Ce, alors même que le déficit public ne s’est pas résorbé. De quoi en agacer plus d’un sur le Vieux continent : “Quand un Etat membre comme la France dépasse le seuil de déficit de 3 % quatorze fois en quinze ans, on ne peut plus parler de circonstances exceptionnelles. Un tel mépris flagrant des règles budgétaires aurait dû inciter la Commission à agir beaucoup plus tôt”, a raillé l’eurodéputé conservateur allemand, Markus Ferber.

Mais dans les couloirs de la Commission, on se refuse à tout commentaire sur la situation politique française. Le commissaire à l’Economie Paolo Gentiloni s’est dit “très confiant” dans le fait de pouvoir négocier avec les pays sous procédure “un chemin d’ajustement”. Et d’assurer : “Il ne faut absolument pas dramatiser cela.”