Déserts médicaux et hôpitaux : le RN ne propose rien de neuf… ni d’efficace

    La carte des difficultés d’accès aux soins les plus marquées se superpose presque parfaitement à celle du vote frontiste. Le parti populiste l’a bien compris, qui consacrait en 2022 de larges développements aux questions de santé. Dans sa profession de foi en vue des prochaines législatives, le Rassemblement national réaffirme son ambition de “réduire les déserts médicaux, soutenir l’hôpital public et sécuriser l’approvisionnement des médicaments”. Comment ? Si le flou règne sur les mesures retenues aujourd’hui, il reste possible de se référer au programme mis en avant à l’occasion des élections présidentielles par Marine Le Pen.

    La principale réforme proposée pour renforcer l’attractivité des zones sous-dotées ? Un tarif différencié de la consultation dans ces territoires. Peu convaincant, pour les spécialistes : “On sait depuis les années 2000 que les incitations financières présentent des inconvénients (effets d’aubaine…) et ne permettent pas, à elles seules, de renforcer l’attractivité des territoires déficitaires”, souligne l’ancien directeur de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé Yann Bourgueil.

    Le partage des tâches avec d’autres soignants est une réponse complémentaire, proposée d’ailleurs par le RN. “Mais il faut en parallèle substituer partiellement au paiement à l’acte une rémunération au forfait, pour favoriser la coopération entre les professionnels”, poursuit l’expert. Les autres propositions – développement de la télémédecine et des maisons de santé, plus de places dans les cursus médicaux – sont déjà en cours. Sur ce dernier point, il faut surtout aller chercher les futurs étudiants dans les zones déficitaires, car les chances qu’ils s’y installent à la fin de leur formation en sont d’autant plus grandes. Mais de cela, il n’est pas question.

    Moins de personnels administratifs dans les hôpitaux

    A l’hôpital, le RN prévoit également une hausse des rémunérations, de 10 %, pour lutter contre la fuite des soignants. “De la même façon, on voit bien que cela ne suffit pas : une approche multifactorielle est nécessaire (conditions de travail, accès au logement, etc.)”, constate encore Yann Bourgueil. D’autant que cette proposition, séduisante sur le papier pour les personnels concernés, n’est pas financée. L’augmentation promise du nombre de places dans les formations infirmières est déjà en cours, mais le principal problème reste le fort taux d’abandon en cours d’études, dont il n’est pas dit un mot.

    On note aussi un retour en arrière, avec la dotation globale pour le financement des établissements et une gestion placée sous l’autorité directe des préfets, dont on voit mal en quoi cela contribuerait à résoudre les problèmes de l’hôpital. Enfin, les personnels administratifs seraient plafonnés à 10 % des effectifs, sans que l’on en mesure clairement les conséquences (combien d’agents en moins, quels personnels concernés précisément, quel impact sur le fonctionnement…).

    La promesse du RN de renforcer le personnel des urgences risque de se heurter au manque de médecins dans notre pays. Des difficultés qui pourraient s’accentuer si par ailleurs les politiques migratoires souhaitées par ce parti entraînaient une fuite des soignants étrangers qui contribuent aujourd’hui largement au fonctionnement des hôpitaux. Ce parti propose par ailleurs d’organiser la collaboration entre les hôpitaux et les cabinets de ville pour l’accueil des patients non programmés mais dont l’état de santé ne relève pas d’une urgence vitale. Là aussi, cette réforme est déjà en cours, avec le service d’accès aux soins.

    En 2022, le Rassemblement national prétendait aussi “rendre aux médecins leur liberté d’expression et de prescription”. Au sortir du Covid, il s’agissait sans doute alors d’envoyer des œillades à tous ceux qui avaient pu être convaincus par les discours du Pr Raoult et d’autres soignants complotistes ou antivax, frustrés de n’avoir pu prescrire de l’hydroxychloroquine ou de l’ivermectine, dont l’intérêt contre cette infection n’a jamais été démontré. Fort heureusement, les médecins dans notre pays ont une totale liberté d’expression et de prescription – à condition toutefois de ne conseiller à leurs patients que des traitements validés par des études scientifiques. Est-ce contre ce principe que le Rassemblement national prétendait s’élever ? Les malades auraient beaucoup à perdre.