Désinformation : ces manquements déontologiques qui privent France-Soir de son agrément

Désinformation : ces manquements déontologiques qui privent France-Soir de son agrément

Coup dur pour France-Soir. L’ancien journal a perdu, ce lundi 1er juillet, l’agrément délivré par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) aux titres et services de presse. La CPPAP, institution présidée par un membre du Conseil d’Etat et constituée de représentants de médias, considère que l’entreprise n’est pas en mesure de répondre aux conditions nécessaires, notamment déontologiques, pour obtenir le statut d’entreprise de presse.

Fondé en 1944, ancien poids lourd de l’information dans l’Hexagone, ce qui n’est plus aujourd’hui qu’un site Internet se trouve aujourd’hui accusé d’être l’un des principaux relais de désinformation du pays. La CPPAP estime notamment que France-Soir “expose sous un jour favorable des conduites thérapeutiques et préventives qui sont susceptibles de détourner des malades de thérapies conformes à l’état actuel des connaissances scientifiques”. Ce que l’entreprise conteste.

“C’est une décision importante, courageuse, mais nécessaire pour s’assurer du respect de la déontologie des titres de presse”, estime Anne-Claire Marquet, présidente du Syndicat de la Presse Indépendante d’Information en Ligne (SPIIL), et membre de la commission CPPAP. De fait, le site ne pourra donc plus prétendre aux aides à la presse, et surtout, aux dons défiscalisés autorisés au titre du soutien au pluralisme de l’information.

France-Soir dénonce de son côté une croisade à son encontre : “Devant cette nouvelle tentative de la CPPAP de porter atteinte au pluralisme des opinions et plus particulièrement dans ce qui s’apparente à du harcèlement contre notre média, France-Soir a décidé de faire appel de cette décision pour défendre la liberté de la presse et la liberté d’expression”, est-il écrit sur le site, dans un communiqué publié le 1er juillet 2024.

Dirigé par Xavier Azalbert depuis 2016, l’ancien média a perdu tous ses journalistes et s’est mis à systématiquement épouser de nombreuses thèses contre-factuelles, de la “fausse pandémie” de Covid-19, à la “fraude” qui serait responsable de la défaite de Donald Trump aux élections américaines. En 2021, France soir a ainsi publié un article désignant plusieurs scientifiques français comme responsables de la crise sanitaire, et se terminant par : “La veuve [NDLR : le surnom de la guillotine] s’impatiente”. Un article compris comme un appel à la décapitation par de nombreux scientifiques, signataires d’une tribune dans L’Express.

500 000 euros en quelques mois

Expulsé de Google Actualités, YouTube et de leurs réseaux publicitaires depuis lors, déserté par les annonceurs historiques, le site reposait jusqu’à aujourd’hui en grande partie sur des dons défiscalisés. Rien que de décembre 2020 à septembre 2021, le site avait récolté plus de 500 000 euros – un montant révélé par une enquête de L’Express publiée en mai dernier.

A chaque procès à son encontre, l’entreprise tirait parti de la polémique suscitée pour appeler à la générosité de ses lecteurs. Comme en juin dernier, où l’entreprise profitait des interrogations sur son agrément pour demander de nouveaux dons. Selon une ordonnance du tribunal administratif de Paris de janvier 2023, également révélée par L’Express, France-Soir serait au total financé à 92 % par des dons. La décision de la commission paritaire des publications et agences de presse pourrait donc gravement affecter le fonctionnement du site.

La décision de la CPPAP est le point d’orgue d’un affrontement judiciaire de plus d’un an et demi. Dès novembre 2022, l’agrément avait été retiré une première fois à France-Soir. La commission constatait alors l’absence du “caractère d’intérêt général quant à la diffusion de la pensée”, l’un des critères nécessaires pour obtenir le statut. Mais le 13 janvier 2023, suite au recours de l’entreprise, le tribunal administratif de Paris a suspendu l’exécution de la décision, pour un vice de forme. Saisi par la ministre de la Culture d’alors, Rima Abdul-Malak, le Conseil d’Etat a finalement demandé en mars 2024 à la commission de réexaminer le cas de France-Soir. Un réexamen qui n’a pas été plus favorable.

D’autres procédures sont en cours contre le fondateur de France-Soir. En mai dernier, le vidéaste Thomas Durand, fondateur de la chaîne YouTube “La tronche en biais” a déposé plainte pour cyberharcèlement contre Xavier Azalbert, très influent sur les réseaux sociaux et suivi par plus de 60 000 personnes sur Twitter. Début juin, ce même Xavier Azalbert a été débouté de ses poursuites en diffamation contre le médecin urgentiste Mathias Wargon, qui n’avait pourtant fait que critiquer les provocations relayées par le site à l’encontre de la communauté scientifique, d’après la justice.