Emmanuel Macron, à contre-temps : “Ce qui compte le plus, c’est l’envie”

Emmanuel Macron, à contre-temps : “Ce qui compte le plus, c’est l’envie”

“Chacun a son moment, c’est souvent irrationnel, on ne peut pas l’anticiper, mais quand je vois qu’un moment se crée, je le prends.” Certitude d’Emmanuel Macron, érigée en théorie politique. Quand il évoque son ascension, le voici qui égrène cette succession de moments, qu’il a su saisir évidemment, de l’arrivée au ministère de l’Economie, puis le décalage martelé avec le hollandisme, jusqu’à cette première candidature à la présidentielle… La dissolution le 9 juin ? Un moment à saisir, encore. La politique, souvent, se confond avec la gestion du temps.

Ces derniers jours, pourtant, le président est apparu comme en décalage. Aux membres du gouvernement cabossés, hagards, pour la plupart en difficulté dans leurs circonscriptions, il lance mercredi dernier : “Ce qui compte le plus, c’est l’envie !” On s’étouffe autour de la table du Conseil des ministres. Pensée magique, songent les uns, complète déconnexion, fulminent les autres, Emmanuel Macron décèle-t-il la stupéfaction dans les yeux qui à cet instant le fixent ? “Imaginer que la victoire, aux termes d’une campagne de 21 jours, puisse dépendre de notre désir de gagner…” Pour cette ministre effarée comme pour beaucoup d’autres, le succès à une élection a grandement à voir avec l’anticipation.

“C’est fini ! On ne va plus rien administrer du tout !”

Ils sont quelques-uns aujourd’hui à se souvenir de leurs échanges un an plus tôt avec Stéphane Séjourné, président du parti, ou avec des proches du chef de l’Etat. “Stéphane m’a dit les yeux dans les yeux : il y a une option dissolution”, jure ce ministre. Dès lors, pourquoi ne pas avoir préparé cette hypothèse ? L’amertume se faufile et gagne ces membres du gouvernement qui, lundi 1er juillet, dans le salon Murat, écoutent Emmanuel Macron déclamer : “C’est un moment de vérité pour le pays. Je ne me dérobe jamais face à mes responsabilités. Ce n’est pas un pays qu’on peut administrer comme si de rien n’était, il va falloir qu’on change nos méthodes.” Le président a-t-il compris ? “C’est fini ! On ne va plus rien administrer du tout !”, s’exclame un ministre qui n’en revient pas de tant de “déni” : “Le président répétait ‘il faut se battre, il faut gagner’, mais c’est trop tard !” Le macronisme se voulait un en même temps, il devient une désynchronisation.

Et que dire de ces images, surgies dans le crépuscule du premier tour ? Lui, déambulant au Touquet, veste en cuir, lunettes aviateur, casquette noire et foulard. Drôle de tenue pour un président, même le dimanche. “Il a toujours été provocateur, mais là, je ne comprends pas…” Chagrin d’un compagnon de toujours. Le temps n’est plus à la décontraction. “Il faut savoir se tenir”, poursuit le même. Grave hier, grave souvent, trop grave dans le podcast enregistré la semaine passée qui a donné lieu aux moqueries de Yann Barthès, Emmanuel Macron, soudain, paraît léger. Se sent-il libéré ? “Il a fait le choix de la dissolution pour lui, pas pour le pays, pas pour nous, mais pour lui, croit une ministre. Il sera le président qui aura rendu la parole aux Français.” Alors que ces derniers venaient de voter, a fait remarquer Nicolas Sarkozy. Quand le en même temps devient un contre-temps.