Emmanuel Macron, principal obstacle à l'”arc républicain” ?

Emmanuel Macron, principal obstacle à l'”arc républicain” ?

Le camp de la nuance a perdu le sens de la nuance et donc, d’une certaine façon, la bataille. Le principal obstacle à la constitution d’un arc républicain semble désormais avoir un nom : Emmanuel Macron. C’est lui qui l’appelle de ses vœux, c’est lui qui encombre sa réalisation. Il est une gêne au fameux “vote utile”. Car il focalise trop de reproches dans sa pratique personnelle du pouvoir, et pas seulement chez ses adversaires irréductibles – jusqu’au mépris des consultations prévues dans la Constitution pour la prise de décision de la dissolution.

S’il serait exagéré de faire de lui l’unique responsable de la folie qui a emparé la scène politique au lendemain de la dissolution, s’il serait injuste de le rendre seul coupable du vent de populisme qui menace d’emporter aussi bien la droite que la gauche, c’est lui qui a facilité ce face-à-face en espérant qu’il favorise ses victoires électorales et sa domination de l’espace public. La France écartelée entre deux extrêmes, entre un Jordan Bardella qui remet au goût du jour, et sans même penser à mal (ce qui est pire encore), “les Français d’origine étrangère” et un Jean-Luc Mélenchon perdu dans les délires de l’autocratie et prêt à investir n’importe qui – ce qui conduit généralement à faire n’importe quoi), est un pays au bord de l’abîme.

“Emmanuel Macron s’est construit contre le système, il ne supporte pas d’avoir l’impression d’en être”, dit l’un de ses conseillers, pour qui le président “a dissout l’Assemblée et tout ce système” : “C’est parce que c’est dangereux que le système trouve que c’est horrible, alors que 70 % des Français approuvent la dissolution”. Comment sortir de cette situation inextricable, sur une scène politique qui fait du président de la République la clé de voûte des institutions, une scène qui menace désormais de s’écrouler ? Sur le champ de ruines, l’architecte de la reconstruction ne pourra plus être le chef de l’Etat. Or constitutionnellement, il l’est, qui nommera le Premier ministre en juillet. Au lendemain des législatives de 2022, c’est lui qui avait reçu tous les chefs de parti, rappelle-t-on à l’Elysée.

Redonner la parole au peuple – un soir d’élections, dont on avait la faiblesse de penser qu’elles avaient déjà servi à cela, ainsi que l’a pointé Nicolas Sarkozy – s’apparente plus à un jeu de dupes qu’il ne répond à un souci d’hygiène démocratique. Emmanuel Macron compte reprendre la parole dans la seconde moitié de la semaine. “Un espace est en train de se reconstituer”, veut croire le président, qui l’a répété ce lundi en petit comité.

Mais par son histoire, son parcours, son tempérament, ce président n’a jamais cru que la politique était une œuvre collective, seulement une aventure individuelle. Le tableau que dessineront les 577 députés élus les 30 juin et 7 juillet le privera demain de la liberté de choisir un Premier ministre, si se constitue une majorité absolue hostile ; ou alors il le contraindra à en rabattre si doit se construire une coalition du sauve-qui-peut. A ne plus être, en tout cas, l’Emmanuel Macron qu’on a connu.