Et si l’inflation revenait ? Ces défis que pose la transition écologique

Et si l’inflation revenait ? Ces défis que pose la transition écologique

Aux Etats-Unis, elle attise les tensions entre républicains et démocrates. En France, elle s’est largement invitée dans les débats précédant les dernières élections. Elle ? C’est l’inflation. Voilà déjà plusieurs années que la hausse des prix est de retour en Occident. Au grand dam du monde politique, qui voudrait bien pouvoir la contrôler. Les économistes en ont parfaitement identifié les causes : ruptures d’approvisionnement durant la période Covid, rebond de la demande après les confinements, pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, hausse des prix de l’énergie liée à la guerre en Ukraine…

Mais alors que le pire semble derrière nous et que l’inflation retrouve des niveaux plus raisonnables de part et d’autre de l’Atlantique, certains experts tirent à nouveau la sonnette d’alarme. Car la transition écologique sera probablement inflationniste. Pour les ménages déjà échaudés par la flambée des prix de l’énergie, et la remontée des taxes qui l’accompagne, c’est bien sûr une mauvaise nouvelle car cette fois-ci, les tensions sur les prix risquent de durer plus longtemps.

Dans une étude récente, les équipes de la société Carmignac chiffrent l’ampleur du problème. “Contenir le réchauffement climatique sous la barre des 1,5 °C pourrait ajouter chaque année 1,6 % à l’inflation au cours de la prochaine décennie”, préviennent Lloyd McAllister, responsable de l’investissement durable, Raphaël Gallardo, économiste en chef, et Michel Wiskirski, spécialiste des matières premières.

Pour la France, cela signifie une inflation annuelle qui resterait durablement à 3 ou 4 % après un pic de 6,9 % atteint en 2023. “Nous avons identifié plusieurs canaux de transmission sur les prix, justifie Raphaël Gallardo. La transition énergétique va accroître la demande de certaines ressources jugées critiques (cuivre, zinc, nickel et même la main-d’œuvre qualifiée).” Cette greenflation se fait déjà sentir dans le secteur des énergies renouvelables où le coût des éoliennes a fait un bond de 40 % en raison de la flambée du prix de certains composants.

La transition incitera également les producteurs d’énergies fossiles à réduire ou stopper leurs investissements. “Ils ont déjà une forte pression à le faire puisque beaucoup de pays ont adopté des objectifs climatiques ambitieux. Or en parallèle, la demande d’hydrocarbures ne va pas s’arrêter tout de suite. Elle va rester significative pendant au moins une dizaine d’années. Ce contraste entre l’offre et la demande va se traduire par une hausse des prix”, précise Raphaël Gallardo. A lui seul, cet effet serait responsable de la moitié du dérapage anticipé par Carmignac.

Pas de solution miracle

Enfin, les efforts de l’industrie pour se verdir pourraient également contribuer à l’inflation puisqu’ils entraînent des surcoûts de l’ordre de 25 % à 300 % pour de nombreux secteurs tels que le ciment, l’acier, les réseaux de chaleur, l’aviation ou le transport maritime. “A terme, la transition écologique doit nous faire entrer dans un système plus efficace et donc moins coûteux. En revanche, l’alternative se traduirait par une période d’inflation quasi permanente, imprévisible et incontrôlable”, précisent les experts de Carmignac.

Entre deux maux, la France a donc choisi le moins mauvais. Cependant, la période qui s’ouvre pose des défis considérables. D’autant que d’autres éléments non liés au climat risquent eux aussi d’accélérer la hausse des prix : vieillissement de la population, démondialisation, tensions sur le commerce international… En Europe, la problématique de l’inflation pourrait être exacerbée par l’extension du marché du carbone, ce système obligeant les entreprises à payer en fonction de leurs émissions de CO2. “Il va falloir absorber les coûts. Qui va payer entre les différentes classes sociales ou les différentes générations ? Les gouvernements et les banques centrales doivent-ils intervenir et si oui, sous quelle forme ? Il faudra répondre à ces questions”, s’interroge Raphaël Gallardo.

Face au problème de l’inflation, il n’existe pas de solution parfaite. Les gouvernements pourraient décider d’octroyer des subventions pour compenser la hausse du prix de l’énergie fossile et éviter des troubles sociaux. Mais cela pèserait sur leurs finances publiques – déjà dégradées – et risquerait d’entraîner une remontée des taux d’intérêt. De leur côté, les Banques centrales européennes, qui veillent à la stabilité des prix, vont se retrouver face à un véritable casse-tête.

“Celles-ci devront décider si cette inflation transitoire doit être “ignorée”, au risque d’un désancrage des anticipations d’inflation à long terme, ou au contraire combattue, en provoquant une déflation compensatoire dans d’autres secteurs de l’économie”, précise l’étude de Carmignac. En effet, la BCE vise une hausse des prix de 2 % à moyen terme. Or si la transition crée, à elle seule, un surplus de 1,6 %, cela signifie que le reste de l’économie doit être quasiment à zéro. Est ce vraiment ce que l’on veut ? “Les effets de la transition sur l’inflation – et la manière d’y répondre – n’ont pas encore été suffisamment étudiés”, constate Raphaël Gallardo. Il est plus que temps de mettre ces deux sujets sur la table.

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