Etat palestinien : le long cheminement d’une reconnaissance internationale

Etat palestinien : le long cheminement d’une reconnaissance internationale

La gauche l’exige, la droite et l’extrême droite s’y opposent. Quant à Emmanuel Macron, il refuse d’agir sous le coup de l'”émotion”. L’éventuelle reconnaissance d’un Etat palestinien a enflammé, mardi 28 mai, la campagne et l’Assemblée nationale, où un député LFI a été exclu après avoir brandi un drapeau palestinien. En pleine séance de questions au gouvernement, Sébastien Delogu a agité ce drapeau dans l’hémicycle. Il réagissait à l’intervention d’une autre députée de La France insoumise, Alma Dufour, sur l’offensive israélienne à Rafah, où une frappe meurtrière sur un camp de déplacés palestiniens a suscité l’indignation internationale.

Résultat : la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet a dénoncé un comportement “inadmissible” et suspendu la séance. Le bureau de la chambre basse du Parlement a immédiatement proposé d’exclure le député des Bouches-du-Rhône pour 15 jours de séance, en raison du “tumulte” provoqué. Le même jour, l’Espagne, l’Irlande et la Norvège ont franchi cette étape, malgré l’ire d’Israël. “Il s’agit d’une décision historique qui ne poursuit qu’un seul objectif. Et celui-ci est de contribuer à ce qu’Israéliens et palestiniens parviennent à la paix”, déclarait le Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez.

La guerre de presque huit mois entre Israël et le Hamas dans la bande de Gaza, déclenchée par l’attaque du mouvement islamiste palestinien le 7 octobre sur le territoire israélien, ravive les appels en faveur de la reconnaissance de l’Etat palestinien. Ce dernier est désormais reconnu par 145 des 193 Etats membres de l’ONU, selon un décompte de l’Autorité palestinienne. De cette liste, sont absents la plupart des pays d’Europe occidentale et d’Amérique du Nord, l’Australie, le Japon ou encore la Corée du Sud. Aucun membre du G7 n’a franchi cette ligne. Mi-avril, les Etats-Unis ont eu recours à leur droit de veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour bloquer une résolution visant à ce que la Palestine devienne un Etat membre à part entière de l’organisation internationale.

L’Algérie premier pays à reconnaître la Palestine

Mais quels ont été les premiers pays à reconnaître l’Etat de Palestine ? Pour comprendre, il faut effectuer un retour en arrière : c’est le 15 novembre 1988, quelques mois après le début de la première Intifada – soulèvement palestinien contre l’occupation israélienne – que le dirigeant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Yasser Arafat, autoproclame “l’établissement de l’Etat de Palestine”, avec Jérusalem pour capitale, à la tribune du Conseil national palestinien (CNP), qui tient lieu de Parlement en exil, à Alger. Quelques minutes plus tard, l’Algérie reconnaît officiellement le nouvel Etat.

Une semaine après, quarante pays, dont la Chine, l’Inde, la Turquie et la plupart des pays arabes, font la même démarche. Suivront presque tous les pays du continent africain et du bloc soviétique. Dans les années 2010 et 2011 principalement, la plupart des pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine suivent, marquant leur distance sur la scène internationale avec les Etats-Unis, grand allié d’Israël. Sous la présidence de Mahmoud Abbas, successeur d’Arafat, mort en 2004, l’Autorité palestinienne instituée par les accords d’Oslo (1993) sur l’autonomie palestinienne lance une offensive diplomatique au niveau des institutions internationales.

Un statut d’observateur aux Nations unies

Petit à petit, l’Etat palestinien se fait une place sur la scène diplomatique. Par un vote historique en novembre 2012, il obtient le statut d’Etat observateur aux Nations unies. A défaut d’une place de membre à part entière avec droit de vote, cela lui donne accès à des agences de l’ONU et des traités internationaux. Forts de ce statut, les Palestiniens vont rejoindre en 2015 la Cour pénale internationale (CPI), ce qui permet l’ouverture d’enquêtes sur des opérations militaires israéliennes dans les Territoires palestiniens. À l’époque, les Etats-Unis et Israël dénoncent cette décision.

Déjà, l’Unesco (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) avait ouvert la voie en admettant en octobre 2011 l’Etat de Palestine comme un de ses membres à part entière. Israël et les Etats-Unis quitteront l’organisation en 2018, les seconds y reviendront en 2023. La Suède devient en 2014 le premier pays de l’UE à reconnaître l’Etat de Palestine, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Bulgarie, la Roumanie et Chypre l’ayant fait avant de rejoindre l’Union européenne.

Le président français Emmanuel Macron a de son côté franchi un cap en février dernier, estimant que “la reconnaissance d’un Etat palestinien n'[était] pas un tabou pour la France”. Mais Paris répète que cette décision unilatérale doit être prise au “bon moment” et être “utile dans une stratégie globale pour la solution politique”. L’Australie a également évoqué en avril la possibilité d’une telle reconnaissance. Reste à savoir si d’autres vont suivre.