Européennes : ces batailles cruciales qui vont débuter en coulisses à Bruxelles

Européennes : ces batailles cruciales qui vont débuter en coulisses à Bruxelles

Les 720 députés qui vont composer le Parlement européen sont désormais connus. Pourtant, cette élection seule est loin de suffire pour comprendre les orientations stratégiques qui vont être prises par l’Union européenne pour les cinq prochaines années.

Plusieurs évolutions sont désormais à l’ordre du jour des différentes institutions de l’UE, de la formation des groupes au Parlement européen à l’élection du président de la Commission européenne. Gros plan sur ces futures batailles qui vont animer le cœur de l’Union européenne d’ici la fin de l’année 2024.

Dès le 10 juin : la formation des groupes au Parlement européen

La composition des députés élus au Parlement européen désormais connue, c’est désormais une étape toute aussi cruciale qui va se jouer dans les coulisses de Bruxelles : la constitution des différents groupes politiques. Officiellement, les différents partis politiques élus ont jusqu’au 15 juillet pour former leurs groupes, date de la première session plénière de la nouvelle législature. Un groupe politique au Parlement européen doit être composé d’au moins 23 députés, élus dans au moins sept Etats membres différents.

A la fin de la dernière législature, les eurodéputés étaient répartis en sept groupes : le Parti populaire européen (176 élus), classé à droite ; les socio-démocrates (139 élus), au centre gauche ; le groupe Renew (102 élus), les libéraux proches d’Emmanuel Macron ; les écologistes et régionalistes (72 élus) ; les Conservateurs et réformistes européens (69 élus), les nationalistes rangés derrière la ligne de Georgia Meloni ; le groupe Identité et démocratie (49 élus), à l’extrême droite et notamment bâti autour des eurodéputés du Rassemblement national. Sans oublier 61 eurodéputés non inscrits.

Si ces groupes politiques devraient rester dans leur grande majorité identiques pour la législature à venir, c’est leur nouveau poids politique qui pourrait bien totalement transformer les équilibres. Les résultats du scrutin de ce dimanche ont confirmé les tendances attendues, avec une large percée des différents partis politique d’extrême droite à travers l’Europe, un net recul des partis libéraux, mais aussi des écologistes.

Une grosse incertitude réside cependant : celle concernant les alliances à l’extrême droite européenne. Celle-ci était jusqu’ici scindée en deux groupes, l’un dominé par le Rassemblement national, l’autre par le parti de Georgia Meloni “Fratelli d’Italia”. Marine le Pen a multiplié ces dernières semaines les appels du pied à la Première ministre italienne dans l’espoir de créer un super-groupe souverainiste et nationaliste au Parlement européen. Si celui-ci venait à voir le jour, et selon l’étendue de sa composition, celui-ci pourrait même devenir la deuxième force politique à Bruxelles et Strasbourg, devant les socialistes. Mais Georgia Meloni est également courtisée par une partie de la droite, dont la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen elle-même. Cette grande alliance à l’extrême droite (ou non) devrait en tout cas aider à y voir beaucoup plus clair sur les cinq prochaines années.

Du 16 au 19 juillet : l’élection du président du Parlement européen

Les groupes parlementaires constitués, la première session plénière du nouveau Parlement européen se tiendra du 16 au 19 juillet prochain, à Strasbourg. La première tâche des députés sera d’élire leur président. Un rôle loin d’être uniquement symbolique : en plus de coordonner l’ensemble des travaux du Parlement, le président tient également un rôle de représentation avec les autres institutions de l’UE, mais aussi à l’international.

Elu pour deux ans et demi, ce poste est depuis janvier 2022 détenu par la Maltaise Roberta Metsola, issue des rangs de la droite. Si les entraves de Bruxelles peuvent toujours être la source de retournements de dernière minute, cette dernière tient pour l’instant la corde pour rempiler pour un deuxième mandat. Et ce, en raison d’un accord informel entre la droite et les socialistes, traditionnellement les deux groupes les plus importants, qui se répartissent ce poste à tour de rôle.

Au-delà de l’élection de la présidence du Parlement, cette session de juillet sera également l’occasion d’élire les 14 vice-présidents, ainsi que la répartition dans les différentes commissions parlementaires à Bruxelles et Strasbourg.

A partir de septembre : l’élection de la présidence de la Commission européenne

Une fois la nouvelle législature du Parlement européen officiellement lancée, un nouveau dossier particulièrement sensible sera à l’ordre du jour : l’élection de la présidence de la Commission européenne. Si la tradition veut que ce poste soit réservé au candidat choisi par le groupe politique le plus important au Parlement européen – une nouvelle fois la droite -, des surprises ne sont pas à exclure.

Les parlementaires européens n’ont pas le pouvoir d’initiative sur ce choix. Cette prérogative est celle du Conseil européen, autrement dit des 27 chefs d’Etat de l’UE. En 2019, c’était notamment Emmanuel Macron qui avait poussé pour le nom d’Ursula von der Leyen alors qu’elle n’était pourtant pas la candidate désignée par son propre camp, le PPE. Cette fois-ci, c’est peut-être l’inverse qui pourrait se produire pour l’ancienne ministre allemande : désignée par le PPE comme candidate à sa propre succession, elle est néanmoins contestée jusqu’à son propre camp, et pourrait se voir remplacée dans la dernière ligne droite pour un candidat plus conciliant.

Car les eurodéputés ont tout de même un pouvoir non négligeable dans ce processus : ils doivent voter pour confirmer et entériner la personne choisie par le Conseil européen. En d’autres termes, le vrai pouvoir des eurodéputés réside dans leur possible rejet du candidat désigné par les chefs d’Etat de l’UE. Ces derniers doivent donc s’assurer que la personne qu’ils désignent obtiendra bien une majorité au Parlement européen, et soit donc suffisamment accommodante pour être soutenue par des groupes politiques pourtant opposés. En 2019, Ursula von der Leyen n’avait ainsi été confirmée par les eurodéputés qu’à seulement neuf voix près.

Quand ce vote interviendra-t-il ? Rien d’officiel pour l’instant. Mais le site du Parlement européen lui-même mise sur la première session plénière après la pause estivale, du 16 au 19 septembre. L’été sera donc chargé en tractations pour les chefs d’Etat de l’UE afin de trouver un candidat qui puisse faire le plus large consensus.

Octobre-novembre : l’élection des commissaires européens

Nouveau sujet de poids qui va occuper les eurodéputés et les chefs d’Etat européens sur cette fin d’année 2024 : la désignation des vingt-sept commissaires européens. C’est-à-dire les portefeuilles attribués au sein de la Commission, l’organe exécutif de l’UE, pour les principales thématiques couvertes à Bruxelles : l’environnement, le marché intérieur, l’énergie, l’emploi, l’agriculture…

Le processus est ici une nouvelle fois loin d’être linéaire. Ce sont d’abord le Conseil européen et le nouveau président de la Commission qui doivent se mettre d’accord sur la liste des vingt-sept commissaires. Une fois un consensus trouvé – au prix de longues négociations devant respecter là aussi les équilibres partisans – c’est au tour du Parlement européen d’auditionner longuement chacun des commissaires désignés, afin d’approuver (ou non) leur nomination. Puis les eurodéputés doivent voter à nouveau, probablement en toute fin d’année, afin d’approuver la composition complète de la Commission.

Certains postes sont particulièrement convoités par les Etats membres. On peut notamment citer le haut représentant de l’Union pour les Affaires étrangères, le chef de la diplomatie européenne, actuellement détenu par l’Espagnol Josep Borrell. Ou bien encore d’autres postes particulièrement influents, comme le commissaire européen au Commerce ou au Marché intérieur. Un nouveau poste pourrait également voir le jour dans la nouvelle Commission : le commissaire à la Défense, une thématique dont souhaite de plus en plus s’emparer l’UE depuis l’invasion russe de l’Ukraine.

1er décembre : élection du président du Conseil européen

Dernier “top job” européen à être renouvelé sur cette année 2024 : le président du Conseil européen, l’institution qui regroupe les vingt-sept chefs d’Etat. Celui-ci doit notamment œuvrer pour trouver des compromis entre les différents exécutifs de chaque pays membre sur les décisions clés, et tient également un rôle de représentation de l’Union européenne à l’international.

Le président du Conseil européen est désigné par les chefs d’Etat de l’UE, et doit être renouvelé tous les deux ans et demi. Depuis 2019, c’est Charles Michel qui occupe ce poste. L’ancien Premier ministre belge ne pourra cependant cette fois-ci pas prétendre à sa propre succession, ayant atteint sa limite de mandats. Les jeux sont donc ouverts pour sa succession.

Une fois cette désignation effectuée, la Commission européenne définitivement approuvée, toutes les institutions européennes seront désormais (enfin) prêtes à travailler.