EXCLUSIF. Les manœuvres de l’Elysée et Matignon pour faire perdre Aurélien Rousseau

EXCLUSIF. Les manœuvres de l’Elysée et Matignon pour faire perdre Aurélien Rousseau

“Tu dors ?” Il est 00h46, ce mardi 2 juillet, et la sonnerie du téléphone a fait sursauter Babette de Rozières. À cette heure, la célèbre animatrice d’émissions culinaires devenue candidate “LR-RN” s’affaire à la suite de sa campagne des législatives. Elle est arrivée troisième avec 25,79 % des suffrages, derrière la macroniste Nadia Hai (29,32 %) et Aurélien Rousseau (34,68 %), l’ancien ministre de la Santé aujourd’hui candidat du Nouveau Front populaire. Le message nocturne est signé d’un proche d’Emmanuel Macron, un de ses conseillers officieux. Elle le connaît bien. Il vient de la droite, comme elle. Il a été conseiller régional en Ile-de-France sous la présidence de Valérie Pécresse, comme elle. Il s’appelle Thierry Solère. Non, Babette de Rozières ne dort pas. Il l’appelle aussitôt, pendant seize minutes pour lui parler des Yvelines mais pas seulement.

Il faut dire que les derniers soldats de la Macronie lèchent leurs plaies après ce premier tour des législatives anticipées – voulues par Emmanuel Macron – et comptent leurs blessés. Plus d’une centaine de candidats Ensemble ont été balayés. Alors, les stratèges du chef de l’Etat comptent et recomptent ce qu’il est possible de sauver, tant bien que mal. Les Yvelines, dernier lopin du macronisme à sauvegarder : une majorité de députés Ensemble pourrait s’en sortir au soir du 7 juillet, mais la gauche a progressé et peut l’emporter dans trois circonscriptions, dont la septième qu’Aurélien Rousseau est en passe d’emporter. Sa démission en 2023 après le vote de la loi immigration, sa candidature, soutenue par Raphaël Glucksmann, sous la bannière du Nouveau Front populaire, son entretien à boulets rouges contre Emmanuel Macron dans nos colonnes… En Macronie, on considère encore et toujours cet ancien directeur de cabinet d’Élisabeth Borne comme un traître à la cause.

“Ça dépend ce que tu veux”

Si Babette de Rozières ne se désiste pas, la triangulaire risque bien d’être fatale à la candidate d’Emmanuel Macron, Nadia Hai. Telle est donc la mission de Thierry Solère : convaincre son ancienne amie de se retirer au second tour, coûte que coûte. Les stratèges de l’Elysée et de Matignon pensent qu’une partie de l’électorat de LR et du RN peut se reporter sur les candidats d’Ensemble plutôt qu’un prétendant de l’union des gauches. Au téléphone, Solère expose à Rozières l’état des forces en présence en Yvelines. “Quelle est la solution pour moi d’après toi ? demande-t-elle. Et lui, au bout du fil, d’interroger l’avenir :

– Ça dépend ce que tu veux… Si tu veux quelque chose et que tu me proposes et me demandes quelque chose, je vois ce qu’on peut faire. La majorité présidentielle, elle a intérêt à ce que tu te retires. Si tu te retires, tu peux faire gagner la majorité présidentielle. Tu restes, tu vas faire élire le Front populaire (sic.)”

Il n’est pas le seul à vouloir s’enquérir de l’appétit de Babette de Rozières. Maxime Cordier, un proche du Gabriel Attal, s’active aussi en coulisses. Le chef de cabinet du Premier ministre lui écrit dès dimanche soir : “Bonjour Babette, j’espère que tu vas bien. Que comptes-tu faire sur ta circonscription ?” Elle tente de le rappeler, en vain. Les deux se connaissent bien. Le 25 avril 2022, Babette de Rozières lui envoyait un message pour être investie aux législatives. En janvier dernier, alors qu’Emmanuel Macron et Gabriel Attal préparaient le remaniement gouvernemental, elle écrivait à Maxime Cordier : “Je peux l’aider (NDLR : Attal) pour l’Outre-mer s’il le souhaite.”

“La connerie et le complot”

Contactés par L’Express, Maxime Cordier et Thierry Solère confirment avoir contacté Babette de Rozières. Le premier dément lui avoir demandé de se retirer. Solère, lui, se défend de tout marchandage de postes avec la candidate soutenue par LR et le RN qu’il accuse de vouloir “se faire mousser”. “Je lui ai demandé ce qu’elle voulait faire électoralement, qui elle voulait favoriser au second tour. Si elle veut retravailler dans le bloc central à la région Ile-de-France, ce n’est pas pareil si elle permet de faire élire le Nouveau Front populaire”, raconte le conseiller à L’Express. L’intéressée, elle, qui ne compte pas retirer sa candidature, éructe contre les méthodes des proches d’Emmanuel Macron : “Ils essaient de me soudoyer mais je n’en ai rien à faire de leurs postes ! Je ne suis pas à vendre. Tout le monde me menace, mais je ne lâche rien moi !”

La 7e circonscription des Yvelines, une terre qui suscite bien des convoitises en Macronie, sans doute parce qu’elle fut celle d’un certain Michel Rocard, l’un des mentors d’Emmanuel Macron. Et qui disait, aussi, qu’en matière de catastrophes, il fallait “toujours privilégier la connerie au complot”.