Françoise Sagan : pourquoi la romancière nous fascine encore vingt ans après sa mort

Françoise Sagan : pourquoi la romancière nous fascine encore vingt ans après sa mort

Et un anniversaire, voire deux ! Les 70 ans de Bonjour tristesse et les 20 ans de la mort de son auteure, Françoise Sagan. Et l’édition, avide d’occasions, de s’engouffrer dans cette actualité avec notamment les rééditions de son premier roman, Bonjour tristesse, chez Pocket, et, au Livre de poche, de son dernier, Le Miroir égaré, publié en 1996, et de son épatante autobiographie littéraire, Derrière l’épaule. Des lancements qui se font bien sûr avec des “préfaces inédites”, dûment annoncées sur la couverture. Ah, la préface inédite, un argument de vente qui vaut ce qu’il vaut, c’est selon. Celle de Philippe Besson pour Bonjour tristesse est plaisante. Aux yeux de l’auteur, le texte du fameux “charmant petit monstre de 18 ans” de François Mauriac est “un précis de férocité, de violence feutrée, de tension latente, de pessimisme insatiable”… Cette femme, “qui danse au bord d’un précipice”, “se fait l’impitoyable médecin légiste de la bourgeoisie et explore la noirceur de l’âme humaine”, poursuit-il, tout en avertissant : “Ne vous y trompez pas ; il faut un talent fou pour écrire sur le presque rien, la frivolité, l’ineffable.”

Ce talent, Anne Berest, qui signe les préfaces des rééditions au Livre de poche, lui concède volontiers. Là aussi, sous la plume de l’auteure de La Carte postale, qualificatifs bien sentis et réflexions empathiques affluent. Après avoir évoqué des “résonances subtiles” entre Françoise Sagan et Virginia Woolf, elle met en exergue l’une des grandes forces de l’auteure d’Aimez-vous Brahms… qu’est “le passage de l’irrésistible raillerie à la profonde sympathie” envers ses personnages. Anne Berest rappelle aussi combien Françoise Sagan fut poreuse aux jugements du milieu littéraire, tout en notant qu’elle fut “son juge le plus cruel, le plus incisif, d’une sévérité implacable avec son sujet”. “Si elle continue, vingt ans après sa mort, à nous fasciner, à nous séduire, à nous charmer, c’est aussi par sa sincère modestie”, conclut-elle.

De quoi donner envie de (re)lire l’œuvre de la mère de Denis Westhoff, qui participe, évidemment, à la fête avec Les Années Sagan. 1954-1985 (Ed. Gourcuff Gradenigo), riche de 200 photos nostalgiques à souhait et de 19 dates clés et d’autant d’événements. On ne trouvera pas une once d’objection ni de reproche chez le fils unique de la dame, mais ici ou là quelques pépites, comme le rappel de ses carnets de voyage pour Elle (“Les voyages me rendent sourde, aveugle et quasiment terrorisée. Les quelques hebdomadaires qui, comptant sur la fraîcheur d’un jeune œil, m’expédièrent à leurs frais dans des pays lointains s’en repentirent vite”) écrira-t-elle. Ainsi de son voyage au Liban : “Ce furent trois semaines d’ennui, j’en ai ramené le goût du ski nautique et la haine des cure-dents dont les hommes ne doivent se séparer que pour dormir.” Quant à ses critiques cinématographiques pour L’Express au cours de l’année 1960, elle y mettra un terme en rédigeant une ultime chronique sur un film imaginaire, Les Doigts dans le nez.

Jaguar et vitesse, déménagements multiples, virées nocturnes, casino (“Jouer, c’est une chose inexplicable, une passion, une façon de perdre. Une certaine façon de vivre.”), addiction aux opioïdes après son accident de voiture, incroyable acquisition du manoir du Breuil (payé cash après avoir quadruplé le 8 en laissant porter ses gains à la roulette de Deauville), première du Château en Suède, Manifeste des 121, chevaux, Mitterrand, la vie défile, dans un tourbillon, ébouriffant.