Guerre en Ukraine : Poutine et Kim Jong-un, les dessous d’une “bromance”

Guerre en Ukraine : Poutine et Kim Jong-un, les dessous d’une “bromance”

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. A la faveur de la guerre en Ukraine, Kim Jong-un a agrandi le cercle de ses amis dictateurs : il s’apprête à accueillir en fanfare Vladimir Poutine dans les prochaines semaines. Le “royaume ermite” est en effervescence : la visite du président russe, la première depuis juillet 2000, est hautement symbolique pour un pays paria que l’épidémie de Covid-19 avait encore plus isolé sur la scène internationale. Et qui était devenu très dépendant du soutien de la Chine, son premier partenaire commercial.

Kim et Poutine, qui se sont rencontrés en Russie en septembre 2023, semblent vivre une véritable bromance. Rapprochés par leur détestation des Etats-Unis, les deux autocrates multiplient les échanges de bons procédés. Ainsi, en mars, au Conseil de sécurité de l’ONU, Moscou a mis son veto à la prolongation de la commission d’experts chargée de veiller au respect des sanctions imposées à la Corée du Nord (en raison du développement de son programme nucléaire). Pyongyang va donc pouvoir continuer à vendre des missiles balistiques et des obus à la Russie – des millions jusqu’à présent, selon certaines estimations –, une aide décisive face à l’Ukraine. Le vote russe laisse par ailleurs un peu plus les mains libres au “leader suprême” pour développer ses missiles et son arsenal nucléaire, mais aussi relancer ses trafics en tous genres.

Un sous-marin nucléaire capable de lancer des missiles

Les deux voisins se serrent les coudes depuis le début de l’offensive russe en Ukraine. L’héritier de la dynastie communiste a approuvé toutes les annexions du Kremlin, et ne manque aucune occasion de témoigner sa “solidarité”. En avril, il a même envoyé 150 ouvriers sur les chantiers de reconstruction des provinces ukrainiennes envahies par Moscou. En échange, Poutine fournit du pétrole à Pyongyang. Il partagerait aussi son savoir-faire technologique, selon les renseignements américains. Le succès, en novembre, de la mise en orbite du satellite “espion” Malligyong-1, aurait été facilité par un coup de pouce russe, négocié deux mois plus tôt au cosmodrome de Vostochny, en Extrême-Orient russe, entre le chef du Kremlin et le “Grand Soleil du XXIe siècle” nord-coréen. Toujours selon Washington, Moscou aiderait aussi Pyongyang à mettre au point un sous-marin à propulsion nucléaire capable de lancer des missiles, la grande ambition de Kim.

L’intérêt du rapprochement est aussi économique pour la Corée du Nord, sortie exsangue de la crise sanitaire. Les voyages de touristes russes ont redémarré, de même que le trafic ferroviaire entre la ville russe de Vladivostok et Rason, un centre logistique du Nord-Est nord-coréen. Résultat, “grâce à son activité fondée sur la fourniture d’obus à la Russie, la Corée du Nord va de mieux en mieux”, constate Cheong Seong-chang, de l’institut Sejong, à Séoul. Profitant également de la reprise de ses échanges avec la Chine, elle s’approvisionne plus facilement en produits alimentaires , matières premières et biens de consommation courante.

En réalité, “l’amitié” entre Russes et Nord-Coréens a des racines anciennes. Libérée en 1945 du joug japonais, la péninsule Coréenne a été divisée en deux, le Nord passant sous la coupe d’un régime communiste mis en place par Staline et dirigé par le grand-père de Kim Jong-un. Si les liens ont pu se distendre, ils ne se sont jamais rompus. Le 75e anniversaire du traité bilatéral de coopération a été célébré en grande pompe en mars à Pyongyang. La troupe du théâtre Mariinsky y a donné deux ballets, en présence du vice-ministre russe de la Culture.

Obsédée par la stabilité de son environnement, Pékin n’apprécie guère de voir la Corée du Nord développer ses capacités nucléaires et se montrer agressive, mais l’épaule dès qu’il s’agit de fustiger Washington. La Chine, qui est restée neutre lors du vote de l’ONU sur la commission d’experts, s’est dite en mars “gravement préoccupée” par les exercices militaires conjoints organisés entre les Etats-Unis et la Corée du Sud. Et, récemment, à Moscou, le président chinois Xi Jinping s’est joint à Vladimir Poutine pour dénoncer “l’intimidation militaire” des Etats-Unis à l’égard de Pyongyang. “Du fait du renforcement des liens entre ces trois pays, il est devenu quasi impossible de dissuader la Corée du Nord de poursuivre son développement nucléaire”, déplore le quotidien sud-coréen The Korea Times.