Pour le gouvernement russe, tous les moyens semblent bons pour convaincre sa population du bien-fondé de sa guerre en Ukraine. Alors, pour capter l’attention de la jeunesse, les autorités distribuent par dizaines de milliers des bandes dessinées glorifiant l’invasion à grande échelle de l’Ukraine.

Selon la BCC, chaîne d’informations britannique, ces distributions, à l’initiative du ministère de la Défense et du ministère de l’Education, ont débuté au mois d’avril dans les écoles de Russie et des territoires ukrainiens occupés par la Russie. L’objectif étant, qu’à terme, ces bandes dessinées soient fournies à toutes les écoles sous contrôle russe. Elles ont été écrites par Oleg Roy, un éminent auteur russe pour enfants et un fervent partisan de la guerre en Ukraine.

Concrètement, ces bandes dessinées se déclinent en 22 nouvelles qui retracent le parcours de militaires russes sur le front ukrainiens, dont la plupart ont été décorés pour leurs actes de “bravoure”. Toujours selon la BBC, qui a eu accès à ces ouvrages, la rhétorique russe, qui consiste à justifier sa guerre par le fait d’avoir empêché un “génocide” planifié par les autorités de Kiev dans l’est de l’Ukraine et soutenu par les pays de l’Otan, est largement reprise. “Par haine envers la Russie, l’Occident arme ses chiots néonazis dans Kiev occupée”, peut-on aussi lire dans l’un des livres.

De réelles personnalités russes

Les récits n’hésitent pas à mettre en avant de réelles personnalités russes. Parmi les protagonistes figure par exemple le colonel général Azatbek Omurbekov, commandant de l’unité responsable du meurtre de civils dans la ville ukrainienne de Boutcha en 2022. La bande dessinée le décrit comme un “vrai homme”, et affirme que ses troupes ont fait preuve d’”humanité” pendant les premiers mois de la guerre en Ukraine.

Déjà, en 2023, une autre série de 23 bandes dessinées sur le thème de la guerre a été publiée par le blogueur militaire Mikhaïl Zvinchuk, qui fait également partie du Conseil présidentiel russe sur la guerre en Ukraine. Traduites en anglais, chinois et arabe, elles louaient le courage et la détermination des soldats russes, tandis que des termes désobligeants avaient été utilisés pour décrire les soldats ukrainiens. Cette série avait été soutenue par les autorités russes, notamment – encore – le ministère de la Défense. En fin d’année dernière, une autre série de bandes dessinées sur la guerre en Ukraine avait mis en exergue les exploits des mercenaires russes du groupe Wagner et de son défunt fondateur, Evgueni Prigojine, bien que cette série ne semble pas avoir bénéficié d’un soutien officiel.

Côté ukrainien, des BD plus réalistes

De l’autre côté de la ligne de front, de nombreuses BD ukrainiennes ont également été réalisées depuis le début de la guerre. Façonnées en grande partie par des artistes et non des personnalités proches d’un pouvoir adepte de propagande, elles sont plus réalistes. Parmi les plus célèbres, celle d’Igort, scénariste, dessinateur et coloriste italien, élevé dans la culture russe et un temps résident en Ukraine. Son œuvre, Journal d’une invasion, tente de raconter la guerre du point de vue de ceux qui la vivent.

De plus, des ONG comme Solidarité International ont également fait appel à des dessinateurs pour rendre compte de la situation sur place. À l’occasion du deuxième anniversaire de l’invasion en Ukraine, en février 2024, la planche de l’artiste Fabien Toulmé avait ainsi été publiée dans les journaux Le Monde, Libération, Courrier International et Society. Elle retraçait le parcours d’Ukrainiens et Ukrainiennes rencontrées sur le terrain, pour donner un aperçu de la réalité de la guerre pour les civils qui la subissent.

“Les bandes dessinées ne sont plus seulement un élément de la pop culture, elles sont aussi éminemment politiques, contribuant à la guerre de l’information”, avait expliqué une courte note de l’Université de Bâle, en Suisse, s’intéressant au phénomène.