Guerre en Ukraine, service militaire, Otan… Que veut faire le RN des armées ?

Guerre en Ukraine, service militaire, Otan… Que veut faire le RN des armées ?

La guerre en Ukraine, aux portes de l’Europe, n’a pas fait des questions de défense un thème de campagne des élections législatives anticipées. Dans les programmes, cela occupe à peine quelques lignes. Concernant celui d’Ensemble, porté par le gouvernement sortant. Il n’est question que de maintenir l’augmentation du “budget militaire de la nation”, en le doublant d’ici à 2030.

Dans celui du Nouveau Front Populaire, l’accent est mis sur “la livraison d’armes nécessaires” à Kiev “pour faire échec à la guerre d’agression de Vladimir Poutine”. Rien d’autre. On ne saurait dire mieux qu’il n’y aurait pas, là, matière à discorde avec les centristes, si jamais le “bloc républicain” parvenait à s’entendre pour gouverner.

Et du côté du Rassemblement national ? A peine plus. Il est question de “préserver la souveraineté pleine et entière sur notre dissuasion nucléaire et garantir notre modèle d’armée complet”. Et cela en “[sanctuarisant] la trajectoire budgétaire de la Loi de Programmation Militaire”. Soit ce que propose l’actuelle majorité.

Plus question de sortir un pied de l’Otan

“Le programme de ces législatives a été envisagé comme un programme de cohabitation, explique Emeric Salmon, rapporteur du budget opérationnel de la défense, au sein de la Commission des finances, lors de la mandature qui s’est achevée avec la dissolution, qui vient d’être réélu dès le premier tour en Haute-Saône. Ce que l’on souhaite, comme dans le programme de 2022, c’est passer à 3 % du PIB le budget de la défense. Mais on ne l’envisage que dans le cadre d’une accession du RN à la présidence de la République.”

Dans le programme sorti après la dissolution, il est aussi proposé de “refuser tout transfert de compétences vers l’Union européenne dans les domaines de la défense et de la diplomatie” – ce dont personne ne parle dans cette campagne. Et de favoriser une préférence européenne dans les achats militaires effectués par les Etats européens – ce pour quoi plaide le président Emmanuel Macron depuis longtemps.

Que veut faire le RN des armées, si jamais il obtenait une majorité absolue à l’Assemblée nationale ? Pas grand-chose de différent. Il n’est plus question de sortir un pied de l’Otan, comme ce fut le cas de 1966 à 2009. “La France ne doit pas quitter le commandement intégré de l’Otan alors que nous sommes en guerre, a expliqué Jordan Bardella. Cela affaiblirait considérablement la responsabilité de la France sur la scène européenne et sa crédibilité à l’égard de ses alliés.”

Oubliée, donc, la promesse de la candidate à la présidentielle Marine Le Pen. “La sortie du commandement intégré est toujours un objectif, mais pas dans une période où un conflit armé est en cours sur le continent, nuance Emeric Salmon. Il faut attendre la résolution de la guerre en Ukraine pour une sortie.” Sur les grands programmes structurels franco-allemands, comme l’avion du futur, le SCAF, et le char du futur, le MGCS, il n’est également plus question de renoncement. “Il n’y aura pas de remise en cause de ces programmes”, a affirmé Jordan Bardella.

Quelle aide à l’Ukraine ?

Pour autant, si celui-ci parvenait à Matignon, il pourrait bien y avoir quelques anicroches avec l’Elysée. “Chef des armées, pour le président, c’est un titre honorifique puisque c’est le Premier ministre qui tient les cordons de la bourse”, a affirmé Marine Le Pen. Un ministre des Armées RN pourrait tout à fait refuser de donner son feu vert à des transferts d’armements tels que les avions de combat Mirage 2000-5 promis à l’Ukraine par Emmanuel Macron, ou d’autres types d’aide. La position du RN est de ne pas livrer d’armes dites “offensives”, susceptibles d’être utilisées sur le territoire russe.

“Une des sources d’inquiétude, c’est l’entrée dans la commission défense de l’Assemblée nationale de gens qui sont orientés pro-russe, explique Cédric Perrin (Les Républicains), président de la Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Sur l’aide à l’Ukraine, ils pourraient dire que, compte tenu des finances publiques, il n’y a pas les moyens de faire de l’acquisition de matériel pour l’Ukraine, ce qui serait une excuse pour ne pas l’aider, alors que fondamentalement, aujourd’hui, notre avenir se joue en Ukraine.”

Le chef de l’Etat, en tant que chef des armées, peut décider seul de l’envoi des forces à l’étranger, comme ce fut le cas lors de l’opération Serval, au Mali, en janvier 2013. Mais si des crédits sont nécessaires à la poursuite d’une opération extérieure, un gouvernement RN pourrait tout à fait les bloquer, mettant à mal le bon déroulé de l’intervention. Le RN a indiqué refuser tout envoi de soldats français en Ukraine, ce qu’Emmanuel Macron laissait officiellement sur la table pour faire comprendre à Vladimir Poutine que cette option n’était pas écartée.

Même si ce n’est pas évoqué dans les programmes, les élus RN sont nombreux à demander le retour d’un “service militaire”. Ils confieraient bien aux armées la tâche de “remettre dans le droit chemin” les jeunes, comme a pu l’exprimer le député sortant de la Somme, Jean-Philippe Tanguy, après les violences urbaines de juin 2023. Ce retour d’une forme de conscription n’est cependant pas réclamé par les Armées, où l’on craint que cette mission d’encadrement ne nuise à la réalisation des autres missions.