“Il faut que ça change” : à Hénin-Beaumont, le fief de Marine Le Pen fête la victoire du RN

“Il faut que ça change” : à Hénin-Beaumont, le fief de Marine Le Pen fête la victoire du RN

La liesse. A l’espace de l’abbaye, à Hénin-Beaumont, les militants du Rassemblement national vivent leur épiphanie. Ce dimanche soir, le parti d’extrême droite, qui a récolté 34 % des voix selon les premières estimations, célèbre un score historique. Dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais, Marine Le Pen est élue dès le premier tour (avec 58,24 % des voix), comme beaucoup de députés RN sortant du Nord-Pas-de-Calais. Dans cet ancien fief de gauche, c’est la victoire du parti tout entier qu’on fête. Voilà vingt-deux ans que Marine Le Pen laboure cette terre du Pas-de-Calais, où elle multiplie les candidatures aux élections (régionales, municipales, européennes, législatives). Son premier parachutage remonte aux élections régionales de 1998, aux côtés de Carl Lang.

Steeve Briois (maire d’Hénin-Beaumont) et Bruno Bilde (élu au premier tour dans la 12e circonscription du Pas-de-Calais) l’incitent ensuite à poursuivre son implantation sur ces terres ouvrières, persuadés qu’il y a quelque chose à faire pour le parti d’extrême droite. “Et puis le physique de flamand et la gouaille de Marine s’accordaient bien au lieu”, précise à l’époque Bruno Bilde à Libération.

Il faut attendre 2017 pour que Marine Le Pen remporte la circonscription, puis 2024, pour confirmer le basculement final de la ville nordiste avec une élection dès le premier tour. Et celui du Rassemblement national qui n’a jamais réalisé un score aussi élevé, avec un tel niveau de participation (67 % selon les premières estimations). 12 millions d’électeurs ont voté, ce dimanche, pour le parti lepéniste. Pour autant, l’obtention d’une majorité absolue, condition donnée par Jordan Bardella pour accepter Matignon, n’est pas acquise. “C’est un raz de marée ?” demande BFM-TV à Sébastien Chenu, réélu lui aussi au premier tour. “On sera peut-être sur un raz de marée” relativise ce dernier.

Possibilité de retirer les candidats RN en faveur d’un LR

Marine Le Pen monte sur scène. Acclamations. La prise de parole est brève. La députée prévient : ses électeurs ne doivent pas se démobiliser. Car le nombre record de triangulaires au second tour (entre 290 et 320) rend toute prédiction incertaine. “Rien n’est gagné et le second tour sera déterminant”, prévient Marine Le Pen qui salue “l’effacement du bloc macroniste”. Depuis Paris, Jordan Bardella, lui, alerte sur le danger de “l’alliance du pire, du Nouveau Front populaire rassemblé derrière Jean-Luc Mélenchon qui conduirait le pays au désordre, à l’insurrection et à la ruine”.

Quelle stratégie adopter ? Au siège, on planche sur les résultats de chaque circonscription, et le RN pourrait, en cas de triangulaire, choisir de retirer son candidat en faveur d’un candidat de droite mieux placé. “Il n’y aura pas de consigne de vote nationale“, assure Renaud Labaye, bras droit de Marine Le Pen à l’Assemblée. “Il y aura deux hypothèses : est-ce qu’on a besoin de gagner avec un candidat compatible, ou est-ce qu’on a besoin de faire battre quelqu’un qu’on considère comme néfaste”, ajoute un conseiller. Marine Le Pen, elle, débarrassée de sa campagne, devrait se consacrer dans l’entre-deux tours aux négociations.

“C’est pire que de la haine”

Dans la salle héninoise, les militants s’attardent, coupe de champagne à la main à rêver de leur grand soir. Claudine, Christelle et Nicolas sont venus en famille. C’est la première fois qu’ils assistent à une soirée du RN, mais “là c’est différent”. Eux votent RN de mère en fille, depuis des années. “Je pense à mon grand-père qui me disait qu’on n’aurait pas un bel avenir à cause de l’immigration incontrôlée, du chômage… Tout ça va enfin changer”, assure Christelle, la cinquantaine, pour qui le FN a toujours été la solution. Bruno, lui, est un rallié de la dernière heure. “Je suis ciottiste”, précise-t-il. Il assure qu’il existe des différences entre la droite et l’extrême droite, qu’elles ne sont qu’économiques, et que, d’ailleurs, il verrait plutôt Jordan Bardella que Marine Le Pen se présenter en 2027. “Il est plus charismatique, il représente les Français, même s’il a des origines algériennes, on s’en tape, parce qu’on connaît son histoire, il défend les valeurs de la France.”

Edouard, lui, habite à Lille. Il est ravi du score du RN, mais ça ne suffit pas à calmer sa colère. “Ce n’est même pas de la haine, précise-t-il. C’est pire que de la haine. Pourquoi on a laissé entrer tous ces migrants ? Pourquoi ils dorment dans nos HLM alors qu’on laisse les blancs par terre dans la rue ? A Roubaix ils ont ouvert le premier Quick Halal. Il y en a marre, il faut que ça change. Et pour ça, il n’y a que le RN.”