Immobilier : les folles promesses des logements imprimés en 3D

Immobilier : les folles promesses des logements imprimés en 3D

Sur une vidéo YouTube, un bras articulé coule du béton selon un tracé précis, tel un glacier façonnant un immense cornet à l’italienne. La maison prendra moins de vingt-quatre heures à monter, et ne nécessitera la présence que de deux ou trois techniciens pour surveiller et encadrer les travaux de la machine. C’est le rêve de tout futur propriétaire : construire son chez-soi en moins de temps qu’il n’en faut pour y emménager.

La France fait partie de ceux qui y croient : plusieurs maisons, à Reims ou encore à Nantes, ont été élevées grâce à la construction 3D, ces dernières années. Les entreprises tricolores ont décroché 54 brevets entre 2001 et 2020 dans ce domaine. Seuls les Etats-Unis (259 brevets), l’Allemagne (103) et la Chine (61) font mieux. Pour les Jeux Olympiques de Paris, cet été, Saint-Gobain a conçu un skatepark au look de flipper géant avec des modules réalisés en impression 3D béton. Une première mondiale.

Le marché est émergent. Contactée par L’Express, la Fédération française du bâtiment (FFB) admet ne pas disposer de chiffres permettant d’évaluer la tendance, à la fois dans le logement individuel, l’industrie, ou bien le mobilier public ou sportif. Mais la construction 3D a des atouts. Le gain de temps en est le premier. Au printemps, en Allemagne, l’ossature d’un bâtiment industriel de 600 mètres carrés a été érigée en à peine quatre mois grâce à cela.

La technologie commence aussi à être abordable. “Aujourd’hui, on se situe à peu près aux mêmes niveaux de prix que le bâtiment traditionnel”, assure Antoine Motte, fondateur de la start-up française Construction-3D. L’entrepreneur estime que les tarifs pourraient même être divisés par trois, “quand il existera des usines de matériaux locaux, et que les outils et les savoirs faire seront démocratisés”. Une étude de 2018, relayée par la revue scientifique anglaise IOP, conforte cette idée, estimant que l’impression 3D pourrait abaisser de 30 000 euros le prix d’une construction de 80 000 euros, soit plus de 37 % d’économie. Aux Etats-Unis, près de New York, la société SQ4D a vendu une maison imprimée à un prix divisé par deux par rapport une construction classique neuve située au même endroit.

Des logements plus écologiques ?

Il faut dire que le procédé est économe en main-d’œuvre. Un argument qui peut intéresser les pays, tels le Canada, où la pénurie de logements est en partie liée au manque de bras pour les faire sortir de terre. Par ailleurs, la digitalisation des procédés de construction pourrait attirer de nouvelles populations plus qualifiées, et notamment des femmes, vers des métiers aujourd’hui majoritairement assurés par des hommes. “Notre objectif, c’est que les ingénieurs en interne permettent à n’importe quel technicien ou technicienne d’utiliser la machine”, insiste Antoine Motte.

Dernier espoir que l’impression 3D soulève : celui d’un bilan carbone allégé grâce à la personnalisation du tracé de coulage du béton. Aux Ponts ParisTech, on estime que l’usage de l’impression 3D peut permettre d’utiliser jusqu’à quatre fois moins de matière première. “Ce mode de construction permet par ailleurs l’utilisation de nouveaux matériaux : le mortier est composé de recyclât de la métallurgie, le sable qui le compose est fait de débris d’autres industries”, précise le patron de Constructions-3D.

Les obstacles qui persistent

Reste à surveiller la conception et l’utilisation du bras robotisé, susceptibles d’alourdir la facture environnementale. “Pour la construction classique par coulage de béton, ne compte dans l’empreinte carbone totale que le coût du matériau”, rappelle Kateryna Kuzmenko, docteure en science et technique de l’environnement de l’Ecole des Ponts et Chaussées.

Le vrai frein à la construction 3D demeure, pour le moment, son offre modeste. Le prix d’une imprimante 3D va de 40 000 € pour les petits modèles à presque 100 000 € pour les gros. Ce matériel de pointe ne devient donc rentable pour les entrepreneurs qu’après un certain nombre d’utilisations. Sans parler des capteurs, des ordinateurs, du bras robotisé et de la main-d’œuvre spécialisée – donc plus onéreuse – qu’il faut mobiliser pour assurer le bon déroulé des opérations. A mesure que la demande augmentera, ce coût sera cependant plus vite amorti, estiment les promoteurs de la construction 3D.

Attention, rappelle tout de même, Antoine Motte : si les délais d’élaboration baissent, au grand bonheur des plus pressés, “l’étape la plus chronophage de la construction reste la demande du permis de construire, qui prend parfois une année entière”, rappelle l’entrepreneur. Ici, la technologie n’opère pas encore de miracle : il faudra prendre son mal en patience.

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