Jean-Pierre Raffarin et la défaite de Michel Jazy : “J’en ai les larmes aux yeux”

Jean-Pierre Raffarin et la défaite de Michel Jazy : “J’en ai les larmes aux yeux”

Il y a les victoires que l’on célèbre toute une vie. Et puis les défaites que l’on pleure. Cette terrible quatrième place, la pire, qui laisse un goût tellement amer.

J’ai 16 ans lors des Jeux de Tokyo en 1964 et je me souviens encore de la défaite de Michel Jazy – l’immense Michel Jazy ! – lors de la finale de l’épreuve reine de l’athlétisme, le 1500 mètres. Comment expliquer cette contre-performance, lui qui survolait tellement la discipline ; lui qui s’était tellement entraîné ; lui le meilleur coureur de demi-fond du monde. Il la voulait tellement cette médaille d’or.

J’ai 16 ans et je rêve de Michel Jazy cet été en courant dans ma campagne poitevine. Je pratique déjà l’athlétisme : je suis en cadet et ma spécialité c’est le 600 mètres. Plus tard en junior, je m’alignerai sur le 800 mètres. A côté de la maison familiale, il y a un petit raidillon que je grimpe et descend en courant au moins 10 fois de suite tous les jours. L’image de Jazy au fond des yeux. Nous avons la télévision et une fois par semaine, pendant toute la préparation des Jeux, juste avant le journal de 20 heures, Jazy court pour la France. En direct du stade de Saint-Maur-des-Fossés, il brûle ses poumons pour battre un record, poussé au train par un lièvre, un de ses camarades de club. Il est affûté. Cela ne suffira pas.

La nuit avant la course, il dort peu, et sur ses épaules, pèse le poids des attentes d’une nation entière. Il pleut ce jour-là à Tokyo. Une chaleur humide qui colle. Nous nous réveillons la nuit, pour cause de décalage horaire, pour suivre la course, l’oreille collée au poste de radio. Son premier tour de piste est formidable, puis les choses se dérèglent, la foulée est moins ample. Il pioche et s’écroule dans le dernier tour. Une quatrième place, terrible. J’en ai les larmes aux yeux à l’époque.

Des décennies plus tard, la médaille qu’il n’a pas eue à Tokyo, je la lui remettrai à Mont-de-Marsan en tant que Premier ministre : ce sera la Légion d‘honneur.

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