La dissolution vue d’Europe : “Macron porte une responsabilité qui dépasse les frontières de la France”

La dissolution vue d’Europe : “Macron porte une responsabilité qui dépasse les frontières de la France”

Dimanche 9 juin, 21 h 02. Une heure à peine après les premiers résultats officiels du scrutin européen, cataclysmiques pour la majorité, Emmanuel Macron acte la dissolution de l’Assemblée nationale. “Un tremblement de terre politique secoue la France”, résume le quotidien allemand Die Welt (conservateur). Le quotidien britannique The Guardian (gauche) évoque une “décision spectaculaire”. La Libre Belgique, dans un verbe similaire à celui de Eunews Italie, alerte : “coup de tonnerre à Paris”.

Mais pour nos voisins du Vieux continent, cette décision est avant tout la traduction de l’échec cinglant du président de la République “qui s’est investi dans la campagne jusqu’à son interview télévisée de jeudi pendant les commémorations du Débarquement allié de 1944”, note le quotidien helvétique Le Matin. En Espagne, El País (centre gauche) confirme : “la défaite humiliante des partisans d’Emmanuel Macron a déclenché une crise politique aux conséquences imprévisibles.”

Une situation inédite en France et en Europe

Et pour cause, la situation est inédite. Jamais la Ve République n’a connu de dissolution de la chambre basse en réaction immédiate au résultat d’une élection. “Alors que la droite dure progresse dans les élections européennes, Macron prend des risques”, estime le magazine d’actualité hebdomadaire britannique The Economist (libéral). De son côté, le quotidien transalpin La Repubblica (gauche) rappelle que “la France entre dans une phase institutionnelle pleine d’inconnues où tout semble possible”.

Le titre britannique The Guardian se projette quant à lui sur les débouchés de “cet énorme pari”. “Le parti de Monsieur Macron pourrait subir de nouvelles pertes, ce qui compromettrait le reste de son mandat présidentiel et pourrait donner encore plus de pouvoir à Marine Le Pen”, explique le journal britannique. Mais alors, ne serait-ce pas là toute la stratégie d’Emmanuel Macron ? “Si le RN réalisait un bon score et que, par exemple, Bardella se voyait offrir le poste de Premier ministre, deux ans et demi au gouvernement pourraient suffire à rendre l’extrême droite impopulaire”, professe The Guardian.

Pour d’autres, ce coup de Trafalgar n’est que du “bluff”. C’est ce que pensent nos confrères suisses de Blick qui dépeignent le locataire de l’Elysée en “joueur de poker”. “Tout en assumant une large part de bluff, ce président […] pense qu’il garde les meilleures cartes”. Même son de cloche en Italie. Pour le quotidien Corriere della sera (centre droit), Emmanuel Macron “joue la carte du désespoir d’une élection anticipée, dans laquelle il espère ranimer un improbable front républicain contre le Rassemblement National du Pen et l’étoile montante Bardella“.

La double victoire du Rassemblement national

Reste que satisfaire la requête du président du RN, qui a appelé dimanche soir Emmanuel Macron à convoquer de nouvelles élections législatives, est plus que jamais perçu comme une double victoire pour le parti nationaliste. “La démarche de Macron répond à une demande du chef de parti de Le Pen, Jordan Bardella”, souligne outre-Rhin le quotidien Bild tandis que le suisse Le Temps titre : “En France, le jackpot de l’extrême droite pousse Emmanuel Macron à dissoudre l’Assemblée nationale”. En Belgique, où le Premier ministre Alexander de Croo a été contraint de démissionner après une dérouillée électorale, Le Soir conclut : “le triomphe de l’extrême droite conduit le chef de l’Etat à satisfaire son exigence : un retour aux urnes.”

Un jeu “dangereux”, conspué par Blick, qui alerte sur les conséquences à l’échelle européenne de l’éventuelle arrivée à Matignon de Jordan Bardella ou de Marine Le Pen, “héritière des putschistes de l’Algérie française qui voulaient tuer le Général !”.

“Emmanuel Macron porte là une responsabilité qui dépasse donc les frontières de la France, met en garde le quotidien suisse. Et d’accuser le chef d’Etat français de cristalliser “l’engrenage potentiellement fatal” dans lequel pataugent les Vingt-Sept.