“Le Grand Tour” : un ouvrage collectif qui rappelle les vertus de l’Europe actuelle

“Le Grand Tour” : un ouvrage collectif qui rappelle les vertus de l’Europe actuelle

Si vous ne l’aviez pas vu passer en 2022 chez Grasset, il est temps de jeter un coup d’œil au Grand Tour. Autoportrait de l’Europe par ses écrivains, édité ces jours-ci au Livre de Poche. A la veille des élections européennes, cet ouvrage collectif constitue une passionnante plongée dans la mémoire du Vieux Continent. A la manœuvre de ce tour d’horizon des 27 Etats-membres d’une Union européenne trop souvent désincarnée, Olivier Guez, l’auteur de La Disparition de Josef Mengele (prix Renaudot 2017), qui, ayant grandi dans le quartier des institutions à Bruxelles, se définit comme “un Français né européen”.

Le but de l’ouvrage, explique-t-il en substance dans son introduction, est de montrer la richesse de la culture européenne en proposant, via 27 écrivains souvent peu connus des lecteurs français, un vagabondage dans son imaginaire. Leur feuille de route ? “Choisir un lieu qui symbolise un lien de votre pays avec la culture et l’histoire européenne.” Mission accomplie. “In fine, écrit Olivier Guez, Le Grand Tour répond à la définition de l’Europe de Milan Kundera : un maximum de diversité dans un minimum d’espace.”

Reste que des grandes lignes apparaissent : les mémoires des totalitarismes nazi et communiste hantent nombre de ces textes, notamment ceux “de l’Est”, de l’extermination des juifs (contributions polonaise, slovaque, roumaine et autrichienne) aux ravages du communisme (chapitres finlandais, allemand et estonien). La Polonaise Agata Tuszynska explique avec effroi combien elle fut longue à comprendre que sous le Palais de la culture de sa capitale se cachaient les fondations du ghetto de Varsovie et ses milliers de victimes, dont sa grand-mère maternelle. Tandis que le Slovaque Michal Hvorecky traque à Bratislava les ossements du grand rabbin Hatam Sofer et que le Roumain Norman Manea exhume le fantôme du poète Paul Celan dans sa Bucovine natale, aujourd’hui divisée entre l’Ukraine, au nord, et la Roumanie, au sud. “Le démembrement de la Bucovine peut aussi être vu comme un avertissement pour l’Europe actuelle et pour l’équilibre des forces qui assurent l’existence de la Communauté européenne”, avertit l’auteur de L’Enveloppe noire.

Plus loin, Sofi Oksanen, Prix Femina étranger 2010 avec Purge, fille d’un Finlandais et d’une Estonienne, se souvient avec délicatesse de ses multiples traversées en ferry entre Helsinki et Tallinn, de l’autre côté du rideau de fer, et l’Allemand Daniel Kehlmann évoque l’effroyable prison berlinoise de la Stasi, Hohenschönhausen. Puisant elle aussi dans la mémoire de ce XXIe siècle, Brina Svit, la Slovène francophile, nous conte l’histoire édifiante de Nova Gorica, ville nouvelle construite après la Seconde Guerre mondiale, qui sera Capitale européenne de la culture en 2025 conjointement à sa voisine italienne Gorizia.

Cicatrices, Errances, Fantômes, Chair, Blessures, Nostalgie… les titres des thématiques dessinées par Olivier Guez donnent la mesure des drames de notre Vieux Continent au XXe siècle. De quoi, en creux, mettre en exergue les vertus de l’actuelle Union européenne…. Pour autant, les écrivains grec, néerlandais, autrichien, danois nous rappellent la splendeur des arts européens et l’extraordinaire vivier humain de notre Union européenne. Björn Larrson, errant invétéré, ne s’annonce-t-il pas “d’abord européen et seulement ensuite suédois” ? Impossible de citer tous les écrivains, aussi conclura-t-on avec la très belle évocation par Maylis de Kerangal de la plage de son enfance la plus fêtée ces jours-ci… Omaha Beach.