“Le prix à payer va être élevé” : la stratégie de la France pour conserver son influence dans l’UE

    Pas le temps de s’appesantir. L’Union européenne continue à tourner, même si beaucoup sur le continent gardent un œil inquiet sur la France et son scrutin à venir. Dans la foulée du renouvellement du Parlement européen, les rendez-vous stratégiques s’enchaînent, qui vont dessiner le visage des institutions européennes pour les années à venir. Malgré les mauvais résultats de la liste macroniste le 9 juin, les Français sont, comme les autres, à la manœuvre sur plusieurs fronts pour tenter de préserver leur influence à Bruxelles.

    Premier résultat tangible, l’ex-tête de liste Valérie Hayer a été réélue mardi 25 juin à la tête du groupe parlementaire libéral Renew. Le poste était jugé crucial par Paris : son titulaire participe à la Conférence des présidents, qui pilote le Parlement européen, et il est l’un des interlocuteurs de la présidente de la Commission européenne.

    L’influence de Macron sur les “top jobs” de l’UE

    “Le prix à payer va être élevé, les Français ne dirigeront pas de commission parlementaire puissante”, anticipe néanmoins une source européenne. Dans le Parlement sortant, les Macronistes dirigeaient les commissions Environnement et Pêche, ainsi que la sous-commission Défense. Mais depuis le 9 juin, ils ne sont plus que 13 (contre 23 auparavant) dans un groupe qui a cédé la troisième place en nombre d’élus aux eurosceptiques droitiers d’ECR.

    En vertu des règles complexes de répartition des responsabilités au Parlement européen, les centristes vont devoir rabattre leurs prétentions. “Certes, Renew aura moins de postes, mais ses élus restent indispensables à la majorité politique de von der Leyen, relativise un diplomate de haut rang. De surcroît, dans ce groupe pivot, la délégation française demeure la première.”

    Illustration de ce rôle pivot, Renew garde son mot à dire sur les titulaires des “top jobs”, les principaux postes des institutions de l’UE. Les dirigeants des 27 Etats membres doivent les désigner officiellement ce jeudi 27 juin, mais les trois principales familles politiques pro-européennes se sont accordées en amont sur un trio : les Conservateurs du PPE veulent conserver la Commission pour Ursula von der Leyen ; les sociaux-démocrates revendiquent le Conseil européen pour le Portugais Antonio Costa ; enfin, les centristes entendent placer l’Estonienne Kaja Kallas à la tête de la diplomatie européenne. Un accord qu’Emmanuel Macron a contribué à façonner, puisque avec le Néerlandais Mark Rutte, il était l’un des deux négociateurs mandatés par Renew. L’Italienne Giorgia Meloni, pourtant auréolée de sa victoire aux Européennes, se retrouve isolée et mise devant un fait accompli.

    La cheffe de Fratelli d’Italia va chercher à prendre sa revanche à la Commission, dont les portefeuilles font déjà l’objet de convoitises et de tractations en coulisses. Le résultat des courses permettra aussi de mesurer le poids de la France. Paris et Rome ciblent un gros poste économique. La France avait été bien servie lors du mandat précédent en obtenant le marché intérieur, mais elle vise cette fois encore plus haut. Les discussions avec Ursula von der Leyen ont porté sur un poste de vice-président qui chapeauterait la politique industrielle et la lutte contre les dépendances économiques. A ce stade, Thierry Breton tient la corde pour un second mandat.

    L’ombre des législatives

    En cette fin juin, Paris semble donc en mesure de limiter la casse. “L’influence d’un pays à Bruxelles dépend de sa taille, de la stature de son dirigeant et de la situation politique intérieure, décrypte une source au cœur du pouvoir européen. La France demeure la deuxième économie de l’UE, sa seule puissance nucléaire. Macron est toujours Macron, stratégiquement et intellectuellement au-dessus de presque tout le monde.”

    Reste une inconnue de taille, l’évolution du paysage politique après le 7 juillet et le second tour des législatives. En cas de cohabitation avec le RN, le président et les ministres viendraient à Bruxelles avec des lignes politiques divergentes, la nomination du Commissaire ferait l’objet de tensions, la relation avec l’Allemagne se dégraderait… De quoi potentiellement balayer les résultats des efforts entrepris ces dernières semaines.