Le programme du “Nouveau Front populaire”, c’est la lâcheté, le pire et le risque, par Manuel Valls

Le programme du “Nouveau Front populaire”, c’est la lâcheté, le pire et le risque, par Manuel Valls

Le choix du Président de dissoudre l’Assemblée est une déflagration politique. Cette décision aura le mérite de redonner la parole au peuple. Mais son opportunité ne pourra être analysée qu’à la lumière de ses effets.

Le danger est immense. L’extrême droite est aux portes du pouvoir. Elle n’apporterait que la haine, la honte et le chaos. Au fond d’eux‑mêmes, les Français n’en veulent pas pour gouverner. Mais ils veulent un changement radical de politique. Ils veulent surtout être entendus, qu’on les écoute enfin vraiment sur leurs attentes fortes et légitimes en matière de pouvoir d’achat, de sécurité, ou d’immigration.

Dans les moments de trouble, face aux périls, les choix des uns et des autres engagent le pays. Je partage la peur du RN qui s’empare du peuple de gauche et je comprends son aspiration à l’unité face à ce danger. Mais l’appareil du PS et ses dirigeants, confrontés au moment politique grave et historique que nous traversons, ont fait le choix de la lâcheté, du pire et du risque.

Ils ont fait le choix de la lâcheté car des chemins plus vertueux s’offraient à eux. Ces voies étaient plus exigeantes, difficiles, escarpées, mais avaient le mérite de ne pas faire sombrer la gauche de gouvernement dans la honte. Il y avait une place pour des candidatures communes sociales-démocrates, écologistes voire communistes, laissant l’extrême gauche marginalisée. Il y avait surtout une place pour une coalition négociée avec la majorité actuelle et tous les républicains, où la gauche aurait pu imposer ses priorités sur les inégalités, l’écologie, les services publics. Certes, le président de la République aurait dû en prendre l’initiative et la proposer dès le mois de juin 2022. Les dirigeants du PS ont néanmoins choisi de renouveler une alliance contre nature avec l’extrême gauche populiste, antisémite et anti‑européenne, et ce, trois jours à peine après que leur électorat a envoyé un message clair en plaçant la liste de Raphaël Glucksmann en tête, à gauche, aux européennes.

Ils ont fait le choix du pire car l’accord du “Nouveau Front populaire”, parce qu’inspiré et mené par LFI, est un péril équivalent à celui que représente le RN.

C’est un péril économique, incarné par des mesures démagogiques dont le coût avoisine les 300 milliards d’euros, quasiment l’équivalent de toutes les recettes fiscales annuelles de l’État. Autrement dit, il faudra doubler tous les impôts pour le financer. Sur le fond, le programme ruinerait notre pays et appauvrirait les Français : le blocage des prix conduirait à des pénuries généralisées ; le retour à la retraite à 60 ans nécessite de trouver plus de 50 milliards d’euros ; le passage du SMIC à 1 600 euros net détruirait plus de 500 000 emplois ; le rétablissement de l’ISF et les très nombreuses contraintes nouvelles imposées aux entreprises anéantiraient les plus petites d’entre elles et feraient fuir tous les investisseurs ; la mise en œuvre des 32 heures ruinerait notre productivité, détruirait des emplois et affaiblirait la valeur travail ; l’omission volontaire du nucléaire, pour cacher les divergences majeures des parties prenantes, se traduira à n’en pas douter, par un affaiblissement de notre souveraineté énergétique. J’invite nos compatriotes à parcourir le programme du “Nouveau Front populaire”. Tout deviendrait gratuit. Toutes les économies seraient annulées. Ils travailleraient moins. Ils paieraient moins. Ils gagneraient plus. Et dans tout cela, l’État, pourtant déjà ruiné, disposerait comme par magie de milliards en pagaille pour les déverser sur le peuple. Qui peut y croire ?

C’est un péril moral, sur fond de rejet de nos principes républicains et d’ambiguïté avec l’islamisme et l’antisémitisme. Le PS, honteux, s’est compromis, en se fondant dans le communautarisme de LFI pour gagner le vote des nouveaux damnés de la terre des quartiers séparatistes. S’il y a dans le programme une condamnation – apparemment obtenue de haute lutte – des massacres terroristes du Hamas, cette organisation n’est, en elle-même, pas qualifiée de terroriste. Il est aussi prôné une lutte contre les discours “islamophobes” et un plan interministériel contre “l’islamophobie”, ce terme utilisé par les islamistes pour victimiser les musulmans et les retourner contre notre pays. Les journalistes de Charlie Hebdo furent assassinés pour avoir été ainsi pointés du doigt. L’islamisme ne sera plus un ennemi à combattre mais un allié à cajoler. Comment peut-on prôner l’abrogation de la loi séparatisme, réponse à l’assassinat de Samuel Paty, qui a renforcé le principe de laïcité dans les services publics, créé un délit contre la haine en ligne ou mieux contrôlé les lieux de culte ? Comment justifier la suppression du “contrat d’engagement républicain” qui conditionne l’octroi de subventions à des associations à un engagement à respecter les principes de laïcité ou d’égalité hommes-femmes ?

Ni LFI, ni RN, tout pour la République

C’est un péril sécuritaire. Suivant Jean-Luc Mélenchon et ses sbires pour qui “la police tue”, le programme du “Nouveau Front populaire” jette l’opprobre sur nos forces de l’ordre en proposant de démanteler la Brav-M pour laisser les casseurs déployer leur violence dans les manifestations ; de désarmer nos policiers face à un individu qui refuse d’obtempérer et risque, dans sa fuite, de tuer ; d’abroger la loi dite “sécurité globale” qui a mieux protégé nos policiers et gendarmes ; de mettre en place des récépissés pour les contrôles d’identité, alimentant le discours d’une “police raciste”. Plus largement, la question de l’insécurité que vivent nos compatriotes et qui les poussent dans les bras du RN n’est pas traitée. Quant à la volonté de mettre un terme à la surpopulation carcérale, je crains que, dans leur esprit, elle se traduise davantage par du laxisme que par la nécessaire construction de places de prison.

C’est un péril migratoire illustrant, là aussi, qu’ils ne comprennent rien au message envoyé par les Français le 9 juin. En proposant l’abrogation des lois asile et immigration, un meilleur accès aux visas, des plans massifs de régularisation, la facilitation de l’acquisition de la nationalité française ou la mise en œuvre d’un droit du sol “intégral”, donc sans condition attestant d’une intégration, le “Nouveau Front populaire” prend le risque de faire exploser l’immigration dans notre pays alors que nous n’avons pas besoin de nouveaux immigrés et que nos compatriotes réclament, au contraire, un meilleur contrôle.

C’est un péril politique, puisque leur future majorité serait notamment composée d’activistes violents, comme Raphaël Arnault, fiché S, et de nombreuses personnalités sous le coup d’une enquête pour apologie du terrorisme, de Danièle Obono qui, au milieu des attaques terroristes barbares du 7 octobre, a qualifié le Hamas de mouvement de résistance à Philippe Poutou et le NPA, qui les ont présentées comme “une lutte nécessaire contre la colonisation menée par un État belliqueux et guerrier”.

L’appareil du PS, enfin, a fait le choix du risque car, en présentant un tel programme de honte et de déshonneur comme seule alternative au RN, il pourrait favoriser l’arrivée de ce dernier aux responsabilités davantage que l’empêcher. Les électeurs de droite, même modérée, ne voteront jamais pour LFI face au RN. Moi-même, je l’assume, je n’ai pas combattu pendant 40 ans le parti antisémite FN pour me mettre aujourd’hui à voter pour le parti antisémite LFI.

Le peuple de gauche doit savoir la vérité : le “Nouveau Front populaire” n’est pas une solution au chaos qu’une arrivée de l’extrême droite au pouvoir apporterait. Il est un chaos équivalent. Ce n’est pas la peur du RN qui a conduit à une telle forfaiture, mais la peur de perdre un siège.

Les électeurs de gauche doivent faire barrage à deux extrémismes et soutenir les sociaux-démocrates, les écologistes, les députés actuels de la majorité présidentielle et ceux de droite qui refusent l’accord indigne avec le RN. Sur cette base, il faudra demain construire, comme alternative, une nouvelle majorité pour sauver l’essentiel, s’accorder sur le principal et s’entendre sur une méthode. L’essentiel, c’est le soutien à la construction européenne, la défense des valeurs de la République et de la grandeur de la France. Le principal, c’est assurer la prospérité et la pérennité de la nation française ; mettre de l’ordre dans nos rues, à nos frontières et dans nos comptes, réformer notre justice ; rétablir nos services publics, revaloriser le travail et protéger les plus fragiles. La méthode, c’est proposer une autre manière de gouverner, moins verticale et plus à l’écoute pour répondre aux problèmes des Français. Ni LFI, ni RN, tout pour la République.