Législatives : ces 46 heures qui peuvent faire basculer l’entre-deux-tours

Législatives : ces 46 heures qui peuvent faire basculer l’entre-deux-tours

C’est presque le moment le plus important des élections législatives. Entre la fermeture des derniers bureaux de vote le 30 juin, jour du premier tour, à 20 heures, et le 2 juillet, à 18 heures, date limite pour déposer en préfecture sa déclaration de candidature pour le second tour, se joue une part décisive du sort de l’Assemblée nationale suivante. Triangulaires, désistement, front républicain, engagement à soutenir ou pas le futur gouvernement ou, au moins, à s’abstenir sur certains textes financiers et à ne pas voter la censure : données techniques et considérations politiques se mêlent.

Pour se qualifier pour le second tour, un candidat doit avoir obtenu au premier tour un nombre de voix au moins égal à 12,5 % des électeurs inscrits dans la circonscription. Si un seul candidat remplit cette condition, le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages après lui peut se maintenir au second tour. Dans le cas où aucun candidat ne remplit cette condition, seuls les deux candidats arrivés en tête peuvent se maintenir. Ici, le taux d’abstention est donc capital. En 2022, à l’échelon national, il s’élevait à 52,5 % au premier tour et à près de 54 % au second tour. Et dire qu’en 1978, au premier tour, il avait chuté sous les 17 % ! Lors de la dernière dissolution, celle décidée par Jacques Chirac en 1997, l’abstention avait été de 32 % au premier tour des législatives qui avaient suivi, ce qui était considéré à l’époque comme un chiffre plutôt faible.

Cette fois, une participation assez forte est attendue, qui aura notamment une incidence sur le nombre de triangulaires. Si, dans la circonscription A, l’abstention est de 50 %, un candidat a besoin d’obtenir 25 % des voix pour se qualifier ; si l’abstention est de 40 %, il a besoin de 20,83 % des suffrages exprimés. En 2017, il y avait eu une seule triangulaire, en 2022, on en avait compté huit. Mais en 1997, on en avait dénombré 79, la quasi-totalité avec un représentant de l’extrême droite : la gauche avait tiré profit de cette situation pour devenir majoritaire. Une triangulaire au second tour répond à des mécanismes très différents de ceux d’un duel : l’électeur doit choisir entre soutenir son candidat de prédilection même si ses chances de l’emporter sont faibles, ou faire un choix de raison en considérant comme prioritaire de battre tel ou tel candidat.

La problématique des désistements

Une autre complexité surgit. On peut se qualifier pour le second tour… mais ne pas s’y présenter. C’est là qu’intervient la problématique des désistements. Un candidat qui n’a aucune chance de l’emporter doit-il se maintenir coûte que coûte ? Les états-majors des partis ont une double responsabilité : définir une ligne politique nationale et étudier au cas par cas les circonscriptions – il leur faudra aussi veiller à l’application, localement, des consignes données à Paris. Cette stratégie à définir va de pair avec une autre : dans quelle mesure faut-il bâtir le fameux “front républicain” ? Et – c’est la nouveauté des dernières années – ce front républicain doit-il s’appliquer à la seule extrême droite ? Longtemps une règle a prévalu : celle dite du désistement républicain dès lors qu’un candidat d’extrême droite était en situation de l’emporter. En 2011, sous la houlette de Nicolas Sarkozy, et à l’occasion d’élections locales, la droite se met à privilégier le ni-ni en cas de second tour entre le Front national et la gauche.

Au cours de cette campagne législative, plusieurs voix se sont fait entendre à gauche, celles de François Hollande et de Raphaël Glucksmann par exemple, pour préconiser un désistement systématique en faveur de l’adversaire du RN le mieux placé, quelle que soit son étiquette, en demandant la réciprocité. A droite, en revanche, plusieurs leaders ont indiqué qu’entre le RN et LFI, ils voteraient blanc. Les macronistes, de leur côté, ont avant même le premier tour évité de présenter des candidats dans une soixantaine de circonscriptions. Une question se posera à eux et aux responsables des Républicains (ceux qui n’ont pas suivi Eric Ciotti) : le cordon sanitaire s’arrête-t-il à LFI ou doit-il protéger contre le Nouveau Front populaire dans son ensemble ? Le front républicain, de plus en plus malmené depuis que le duel Chirac-Le Pen de 2002 lui avait donné une nouvelle vie, aura sans doute vécu lors de la présidentielle 2022 ses dernières heures. Les législatives 2024 consacreront son enterrement.

Cette séquence post-premier tour comptera d’autant plus qu’elle ressurgira après le second tour, lorsqu’une majorité tentera de s’installer à l’Assemblée (sauf si un camp attire seul 289 des 577 députés). Selon un principe : dis-moi ce que tu as fait après le premier tour et je te dirai dans quel camp tu es.