Législatives : le peuple piégé par les extrêmes, par Jean-François Copé

Tous les gens de bonne foi le reconnaissent enfin. Emmanuel Macron a confirmé ce que nos professeurs nous avaient enseigné à propos de la Ve République : le clivage gauche-droite classique est le meilleur antidote à la montée de l’extrémisme. Et à l’inverse gouverner au centre, qui plus est sans majorité absolue, conduit inévitablement à une alternance extrémiste. Car c’est se réduire à la demi-mesure et condamner les électeurs à l’insatisfaction permanente. C’est le pire visage que pouvait donner la démocratie à des citoyens sans mémoire : l’inaction ou, pire encore, l’inefficacité. Les actions positives ont été occultées par l’incapacité à rétablir l’ordre dans les comptes, dans la rue, à l’école, aux frontières. Mais surtout, cette décision effarante de dissoudre l’Assemblée plonge le pays dans un désarroi total.

Les conditions de la campagne électorale sur le terrain sont cauchemardesques avec des électeurs sans repères condamnés en deux semaines à choisir entre ce qui serait à leurs yeux le “moins pire”, l’extrême droite ou l’extrême gauche. Quant aux candidats du centre ou de la droite agonisante, incapables de s’entendre alors que le pire est à nos portes, ils ne peuvent plus espérer, sauf exception locale, sauver leur siège de cet enfer. Mais le jeu de massacre ne s’arrête pas là. Car, dans ces moments de débâcle, la nature humaine présente souvent un médiocre visage. La dissolution a été suivie de deux répliques majeures : la honteuse manœuvre du président des Républicains pour imposer à son parti un accord avec l’extrême droite, et l’allégeance lamentable du PS et de Raphaël Glucksmann à La France insoumise. Deux compromissions qui foudroient gauche et droite de gouvernement.

Le pire maintenant va donc pouvoir se dérouler sous nos yeux ébahis et impuissants : le magnifique marchepied que l’extrême gauche offre à l’extrême droite pour son accès triomphal au pouvoir. Mélenchon ne peut espérer prendre la rue que si Le Pen est au pouvoir. Et c’est ainsi que se joue le dernier acte de la tragédie. Car c’est bien désormais l’extrême gauche qui alimente le vote RN. Banalisation de l’antisémitisme, bordélisation de l’Assemblée nationale, promotion du wokisme, instrumentalisation de Gaza pour attiser le communautarisme, haine affichée des riches et des entrepreneurs, on aura eu droit à toute la panoplie : une déstabilisation qui fait d’elle aujourd’hui l’alliée objective de l’extrême droite.

Les provocations de cette dernière semaine ne dérogent pas à la règle avec parmi ses candidats un homme condamné pour violences conjugales, un triple fiché S et plusieurs candidats antipolice. Côté programme, le Nouveau Front populaire promet d’abroger la loi séparatisme, la loi sécurité globale, la loi antisquat, la loi asile immigration, et une régularisation massive d’immigrés illégaux. Si de telles annonces ne manqueront pas de mobiliser les électeurs du RN le jour de l’élection, elles ont un autre avantage. Elles saturent l’espace médiatique et font gagner un temps précieux au RN dont le “fameux” programme régalien n’est jamais questionné alors qu’il est en fait d’une indigence absolue. Sur l’immigration, un concept de “double frontière” que personne ne comprend. En matière de sécurité pas un mot sur la lutte contre la drogue, alors que c’est la cause première de tous nos maux. Quasiment rien sur l’école. Le programme économique et fiscal quant à lui regorge de propositions susceptibles de provoquer une crise gravissime et un crash immédiat sur les marchés financiers. Mais rien n’imprime. Personne ne semble vouloir entendre les quelques cris d’alarme, poussés avec l’énergie du désespoir par quelques experts, entrepreneurs ou responsables politiques.

D’ici au 7 juillet, tout semble joué, inéluctable, perdu. La parabole biblique du veau d’or est de retour. Le 18 juin dernier, devant le monument aux morts de Meaux, j’ai parlé à mes administrés du général de Gaulle. Ils m’ont écouté. Poliment. Puisse sa voix, comme celle de Jacques Chirac, qui nous a tant alertés sur les risques de l’extrémisme nous guider lorsque notre pauvre pays sera plongé dans le cataclysme.