Législatives : RN, majorité présidentielle, Nouveau Front populaire… Le comparatif des programmes

    Pris de court par l’annonce de la dissolution, les partis politiques ont été contraints d’improviser un programme à la hâte. Dans l’amertume pour certains, qui ont dû repousser leurs lignes rouges pour ne pas risquer de faire échouer un accord de coalition. Dans l’impréparation pour d’autres, qui ne s’attendaient pas à ce qu’Emmanuel Macron réponde favorablement à leurs appels répétés à dissoudre la Chambre basse. Du Rassemblement national (RN) au Nouveau Front populaire (NFP), en passant par la majorité présidentielle, tour d’horizon des différents programmes politiques proposés durant ces élections législatives anticipées.

    Pouvoir d’achat

    Majorité présidentielle

    De façon générale, le camp présidentiel mise sur “le changement dans la continuité”. Ainsi, pour lutter contre le rétrécissement du pouvoir d’achat tout en assurant le “sérieux budgétaire” prôné par Bruno Le Maire, Gabriel Attal se contente-t-il d’égrainer une ou deux mesures consensuelles : augmentation de limite de la prime Macron à 10 000 euros – contre 6 000 euros actuellement – et suppression des frais de notaire pour les achats de moins de 250 000 euros. Des idées qui font toutefois pâle figure face aux promesses des blocs politiques adverses.

    Nouveau Front populaire

    A gauche, le Nouveau Front populaire ouvre grand les robinets : salaire minimum à 1 600 euros net par mois, augmentation du minimum vieillesse, indexation des salaires sur l’inflation, blocage des prix sur les biens de première nécessité, ou encore revalorisation des APL de 10 %…

    Rassemblement national

    A l’extrême droite, le RN, qui parle désormais d’une même voix avec son nouvel allié Eric Ciotti, promet l’exonération des cotisations patronales pour les employeurs qui augmentent les salaires, mais également des prix “garantis” aux agriculteurs et aux pêcheurs, et une baisse de la TVA sur l’électricité et les carburants qui passerait de 20 % à 5,5 %.

    Fiscalité

    En matière de fiscalité, il y a ceux qui comptent lever a minima 50 milliards d’euros d’impôts, ceux qui promettent une série de dépenses sociales sans véritablement savoir comment les financer, et ceux, enfin, qui veulent carrément interdire l’augmentation des prélèvements fiscaux. Preuve que la thématique constitue encore un point de divergence majeure entre les trois blocs politiques.

    Nouveau Front populaire

    Pour financer son programme, la gauche ressort une vieille recette : abolir “les privilèges des milliardaires”. Côté mesures, la formule se traduit ainsi : rendre l’impôt sur le revenu plus progressif, rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) – qui pourrait rapporter 15 milliards d’euros par an, ainsi que l’exit tax, instaurer une taxe kilométrique sur les produits importés, ou encore supprimer la flat tax, ainsi qu’un certain nombre de niches fiscales. Devant les patrons ce jeudi, le socialiste Boris Vallaud a notamment appelé les plus fortunés à réaliser un “effort de patriotisme économique”.

    Rassemblement national

    Peu disert sur le sujet, Jordan Bardella a indiqué dans un entretien accordé au Parisien vouloir également “mettre fin” à certaines niches fiscales, en citant celle des armateurs. En outre, le parti à la flamme espère récupérer 2 milliards d’euros “dès cet été “en abaissant la contribution de la France au budget de l’Union européenne, et 3,4 milliards d’euros en remplaçant l’impôt sur la fortune immobilière en impôt sur la fortune financière.

    Aucune précision supplémentaire n’a en revanche été donnée sur le financement de l’abaissement de la TVA sur l’énergie et les carburants. Pas davantage concernant la suppression de la TVA sur les produits de première nécessité repoussée aux calendes grecques. A la conférence du Medef ce jeudi, un patron s’est notamment permis de faire remarquer au jeune loup de Marine Le Pen qu’il manquait “au bas mot 80 milliards d’euros pour financer le programme [du RN], chiffré à 100 milliards”.

    Majorité présidentielle

    La proposition la plus baroque en matière de fiscalité nous vient du camp présidentiel. Au cours d’une conférence de presse ce jeudi, le Premier ministre a pris tout le monde de court en proposant d’interdire toute nouvelle hausse d’impôt. Ainsi Gabriel Attal a-t-il lâché : “Alors que les autres blocs n’ont que les impôts à la bouche, nous prenons un engagement, inscrire dans la loi une règle d’or budgétaire : pas de hausse d’impôt quoi qu’il arrive.”

    Retraites

    Sauf en cas de maintien de la majorité présidentielle au Palais-Bourbon, la réforme des retraites d’Emmanuel Macron, votée en 2023, devrait être abrogée. Le Nouveau Front populaire en fait même une de ses priorités. Invitée de France 2 mardi, Mathilde Panot a confirmé la surpression “immédiate” du texte, “avant le mois d’août”. A la place, la coalition rafistolée à la hâte sur les vestiges de la Nupes s’engage à revenir à l’âge de départ à la retraite à 60 ans. Ce sans pour autant préciser d’échéance. “Le plus rapidement possible”, a éludé la cheffe de file sortante des députés insoumis.

    Côté RN, le calendrier est encore plus nébuleux. Contrairement à ce qu’avaient laissé entendre plusieurs lieutenants de Marine Le Pen, Jordan Bardella a annoncé que l’abrogation de la réforme devrait attendre “l’automne prochain”. A la place, le Rassemblement national s’engage à fixer l’âge de départ à 60 ans minimum pour les carrières longues – à savoir, les personnes ayant commencé à travailler à 20 ans. Pour les autres, le départ serait progressivement étendu jusqu’à 62 ans selon l’entrée sur le marché du travail et les parcours professionnels de chacun.

    Sécurité

    Depuis le début de la campagne, Jordan Bardella itère tous azimuts son ambition de “rétablir l’ordre”. Le jeune président du RN a notamment fait part de sa volonté de construire une nouvelle loi sur la sécurité dans laquelle pourrait se loger le rétablissement des peines “plancher” – instaurées par Nicolas Sarkozy, et supprimées sous François Hollande. En outre, Jordan Bardella s’est engagé à déterrer un vieux serpent de mer : l’augmentation des places de prison. Ainsi que deux autres mesures déjà évoquées par la Macronie : la suppression des allocations pour familles de délinquants récidivistes et de l’excuse de minorité.

    De son côté, la coalition de gauche repousse ses mesures concernant la sécurité aux “mois suivants”. Parmi elles, le rétablissement de la police de proximité, la suppression de la réforme de la police judiciaire, l’allongement de la formation des policiers, ou encore le remplacement de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) par un nouvel organisme indépendant rattaché à la défenseure des droits.

    Immigration

    Comme pour la sécurité, le RN fait de l’immigration sa priorité, et le Nouveau Front populaire un chantier secondaire. Le parti à la flamme promet une nouvelle loi immigration destinée à “faciliter les expulsions de délinquants et criminels islamistes étrangers en levant les contraintes administratives” qui regrouperait la suppression du droit du sol (obtention automatique de la nationalité française pour tout enfant né en France dont au moins un des parents est également né en France), l’établissement d’une double frontière, ainsi que le remplacement de l’AME en AMU pour les immigrés illégaux.

    A l’inverse, l’alliance de gauche plaide pour l’abrogation de la loi asile et immigration votée non sans difficultés fin 2023, pour la création d’une “agence de sauvetage en mer et sur terre”, et pour l’assouplissement des conditions d’accès aux visas, la régularisation des travailleurs immigrés. La création de “voies légales et sécurisées” d’immigration, l’instauration d’un statut de déplacé climatique, et la simplification de l’obtention de la nationalité française font également partie des mesures portées par le NFP.

    Environnement

    Majorité présidentielle

    En déroulant le programme du camp présidentiel ce jeudi, Gabriel Attal a annoncé la mise en chantier de 14 nouveaux réacteurs nucléaires, ainsi que la mise à disposition de 100 000 véhicules propres en location à 100 euros par mois maximum chaque année.

    Nouveau Front populaire

    Face aux inquiétudes exprimées ces derniers jours, le socialiste Boris Vallaud a tenu à rassurer le patronat ce jeudi matin : “Il n’y aura pas de second Fessenheim. La décarbonation avant la dénucléarisation”, s’est engagé le socialiste, assurant que la coalition de gauche ne toucherait pas “au parc actuel du nucléaire”. Insuffisant certainement pour faire oublier certaines mesures prévues dans le programme du NFP, craintes par les entreprises. A l’instar des moratoires sur les grands projets d’infrastructures autoroutières et sur les mégabassines, ou encore de l’instauration de “règles précises” de partage de l’eau sur l’ensemble des activités. Mais également certaines déclarations de candidats. Sandrine Rousseau n’a-t-elle pas appelé dans un entretien accordé au média en ligne Au poste à “encastrer l’économie de manière très serrée dans des règles écologiques et sociales qui fasse que le profit ne soit pas supérieur à tout le reste” ?

    Rassemblement national

    Au RN aussi, on milite pour des moratoires. Mais dans le sens inverse : Jordan Bardella a réaffirmé son souhait de mettre en suspend le développement de l’éolien. Même sort réservé à la stratégie européenne “De la ferme à la fourchette”, et aux nouveaux accords de libre-échange dans l’Union européenne. En outre, les responsables du Rassemblement national souhaitent imposer “le respect des normes environnementales et sociales européennes” dans les importations.

    Guerre au Proche-Orient

    Au premier plan de la campagne des européennes, le conflit au Proche-Orient semble peser nettement moins dans la course aux législatives. Il faut dire que La France insoumise, qui s’est illustrée par son positionnement propalestinien, a été contrainte de modérer son discours afin de ne pas refroidir ses futurs alliés pendant la semaine de négociations pour l’alliance de gauche entérinée jeudi 13 juin.

    Jean-Luc Mélenchon et Mathilde Panot ont promis que la France reconnaîtrait “immédiatement l’Etat de Palestine en cas de majorité à l’Assemblée nationale”. Faisant ainsi du Nouveau Front populaire, le seul bloc politique en France à soutenir officiellement la reconnaissance de la Palestine.

    Guerre en Ukraine

    Au cours des négociations entre les différentes formations politiques de gauche, plusieurs points ont cristallisé les tensions. Notamment entre les deux formations en position de force : le Parti socialiste et La France insoumise, à la manœuvre lors de la formation de la Nupes en 2022. Mais cette année, les bons résultats de la liste conduite par Raphaël Glucksmann aux européennes ont permis au PS et à Place publique d’imposer leur vision sur un certain nombre de sujets. La guerre en Ukraine en fait partie.

    Ainsi le NFP s’engage à “défendre indéfectiblement la souveraineté et la liberté du peuple ukrainien ainsi que l’intégrité de ses frontières”. Par la livraison d’armes nécessaires, l’envoi de casques bleus pour sécuriser les centrales nucléaires notamment. Mais également l’annulation de sa dette extérieure, la saisie des avoirs des oligarques “dans le cadre permis par le droit international”. Un discours bien loin de celui tenu par LFI pendant la campagne des européennes.

    Un changement de ligne qui fait écho à celui du RN. Depuis plusieurs jours, Jordan Bardella semble vouloir corriger des années d’ambiguïté et d’accointance avec la Russie, et le chef du Kremlin, Vladimir Poutine. “Le rôle de la France est de permettre à l’Ukraine d’assurer sa défense, et de consolider son architecture de sécurité à l’est de l’Europe, et je souhaite que la France puisse poursuivre cet effort de consolidation”, a-t-il fait valoir en marge de sa visite au Salon de la défense Eurosatory, mercredi 19 juin.

    En outre, tout en assurant qu’il ne souhaitait pas “franchir de ligne rouge”, l’eurodéputé fraîchement réélu a confirmé qu’il ne remettrait pas en question l’envoi d’armement, laissant ainsi entendre que les mirages 2000 promis par Emmanuel Macron début juin seront bien envoyés à l’Ukraine. Par ailleurs, alors que Jordan Bardella avait estimé la veille que “l’économie de guerre” relancée par Emmanuel Macron en 2022 est “bien légère”, Gabriel Attal a annoncé ce jeudi le doublement du budget militaire d’ici à 2030.