Nouveau Front populaire : ces cinq questions qu’il faut absolument se poser

Nouveau Front populaire : ces cinq questions qu’il faut absolument se poser

Tout va comme prévu. Quelques mois après l’éclatement de la Nupes, il n’a fallu qu’une demi-journée pour la refaire sous un autre nom, exactement comme si de rien n’avait jamais été depuis l’attaque du Hamas. Rien, c’est-à-dire la monstruosité de La France insoumise désormais révélée de part en part sur le fond des idées comme des stratégies. La marque identitaire “de gauche” se vérifie plus forte que tout chez ceux – visiblement assez nombreux – que ce genre de cuisine n’écœure pas. Le goût du calcul électoral aussi.

En matière politique, la perversité paie. Les mélenchoniens ont réussi leur coup. Avec un peu moins de 10 % des voix récoltées aux européennes, ils obtiennent de présenter 230 candidats aux législatives, soit plus de 40 % de l’ensemble. Je sais bien qu’il faudrait y regarder de plus près et peser les chances de succès circonscription par circonscription, mais peu importe. Au bout du compte, l’essentiel est ailleurs : tous les signataires ont accepté de voir LFI fournir le gros du bataillon parlementaire, incarner l’ensemble, donner le ton.

Nous avons donc, dans le même sac : des souverainistes et des proeuropéens, des poutinophiles et des poutinophobes, des pacifistes et des belliqueux, des industrialistes et des décroissants, des nostalgiques d’économie dirigée et des résolus à la libre entreprise, des teneurs de comptes publics et des indifférents à la dette, des vengeurs fiscaux et des réalistes prudents, des wokistes communautaires et des adorateurs de la nation, des gardiens d’un territoire indivisible et des autonomistes résolus, des laïcards et des islamistes, des héritiers revendiqués du Conseil national de la résistance et des antisémites à peine repeints, des défenseurs des libertés et des ennemis du gouvernement des juges… La chimie la plus absolument, la plus irréversiblement incompatible. Dans le fond, il ne reste pour cimenter cette “identité” d’ensemble que l’attention portée à la réduction des inégalités : ce terrain que la gauche a, quoi qu’elle en ait dit, passé au second plan depuis belle lurette pour se consacrer à l’édification des masses trop insensibles, à ses yeux, à l’importance des minorités.

Les cinq questions à se poser

Ces choses étant ce qu’elles sont, il est d’hygiène philosophique nécessaire de se poser au moins cinq questions dans le chaos politique et moral où nous sommes jetés :

1) Peut-on valablement, comme François Hollande prétendant ne pas encore connaître le détail de l’accord politique conclu, déclarer au journal de 20 Heures que : “Ce qui est essentiel, c’est que l’union ait pu se faire. J’ai des divergences qu’on connaît, mais il y a un moment, on va au-delà des divergences, on va à l’essentiel” ?

2) Peut-on valablement fermer les yeux, maintenant que cet accord est connu, sur le fait qu’il constitue un Himalaya de démagogie, inspirée à 80 % par les forces les plus gauchistes et les moins raisonnables du lot, notamment sur le terrain de la dette et de la prévention d’un risque de crise financière et économique majeure ?

3) Peut-on valablement écrire un tel programme “pour du beurre” – c’est-à-dire fabriquer les attentes correspondantes dans la population – lorsque l’on est à peu près sûr de ne pas pouvoir le mettre en œuvre au sortir des urnes et qu’il s’agit d’abord de créer les conditions d’une alternance ultérieure ?

4) Peut-on valablement faire croire en la solidité comme en la durabilité d’un équipage parlementaire ainsi composé, considérant ce que l’on a vu, depuis deux ans, du fonctionnement réel des Insoumis, à la lumière des raisons qui ont disloqué leur alliance précédente ?

5) Peut-on valablement mettre en scène la résipiscence de ceux qui acceptent, dans ce “contrat de législature”, de qualifier le pogrom du 7 octobre de massacres terroristes – on frôle l’exploit… – et d’affirmer leur soutien à l’Ukraine alors qu’ils ne pensent notoirement pas un traître mot de tout cela ?

Tout accord politique suppose le compromis. Cela n’emporte pas, la fin étant appelée à justifier les moyens, que l’on doive en rabattre sur tout et particulièrement sur l’essentiel, comme dirait François Hollande.