Nucléaire : le coup de génie du “plan Messmer bis”, par Eric Chol

Nucléaire : le coup de génie du “plan Messmer bis”, par Eric Chol

“Notre grande chance, c’est l’énergie électrique d’origine nucléaire”, clamait le Premier ministre Pierre Messmer en 1974. Une chance aussitôt mise en œuvre avec le “plan Messmer”, synonyme du “tout-nucléaire” et l’annonce à l’époque du lancement de 13 nouvelles centrales. Un coup de génie, avec lequel la France veut renouer cinquante ans plus tard : la visite attendue, ce jeudi 16 mai, d’Emmanuel Macron à Flamanville, en Normandie, devait signer le retour en grâce de l’atome, avec la mise en service prochaine du 57e réacteur français. Le président a cependant reporté sa visite en raison de la situation chaotique en Nouvelle-Calédonie.

Oubliées, les critiques sur les surcoûts et les retards colossaux de “Flam 3”, le premier modèle de technologie EPR. Rayée d’un trait de plume, la promesse d’Emmanuel Macron en 2017 de faire baisser la part du nucléaire à la moitié du “mix” électrique de la France. Et tant mieux. Depuis la conversion du président de la République à Belfort il y a deux ans, le pays a replacé le nucléaire civil au centre de ses priorités. Non sans difficulté, tant la filière, délaissée pendant des années avait perdu une partie de son savoir-faire.

Mais la France, confrontée à l’accélération du réchauffement climatique, n’a plus le choix : compter uniquement sur le solaire ou l’éolien pour garantir la transition énergétique, c’est s’exposer à un échec assuré. La pandémie du Covid, la guerre en Ukraine et son impact sur l’offre énergétique, l’engagement de parvenir la neutralité carbone en 2050 ont redonné des couleurs au nucléaire, avec l’équivalent d’un “plan Messmer bis” concocté par l’exécutif : six réacteurs EPR2, dont les travaux débuteront en 2028, auxquels s’ajouteront huit autres, qui devraient être annoncés très vite.

Ce “nouveau nucléaire”, promet-on chez EDF, tirera les leçons des expériences laborieuses de Flamanville 3, de Hinkley Point (Royaume-Uni) ou de la Finlande. Avec des modèles plus simples et plus abordables. Avec également des anciennes centrales appelées à connaître une cure de jouvence. Et enfin, avec l’appoint de plus petits réacteurs, les futurs SMR. De quoi redessiner la donne atomique civile tricolore dans les vingt ans à venir. Reste à trouver les financements (on parle de plus de 100 milliards d’euros), les bonnes compétences (les chaudronniers, tuyauteurs ou soudeurs ne sont pas légion) : il faut espérer que l’intendance suivra !

L’opinion, elle, suit déjà : jamais l’adhésion à l’énergie nucléaire n’a été aussi forte en France. Au point que même les (jeunes) écolos mettent en sourdine leurs critiques. Ce n’est pas une exception française : partout en Europe, les programmes nucléaires sont relancés. Enfin presque partout : en Allemagne et en Autriche, les gouvernements demeurent toujours aussi hostiles à l’atome. Pourtant, plus de 60 % des Allemands seraient favorables à un retour au nucléaire, après la fermeture des dernières centrales en 2023… En attendant, la France a repris la tête du peloton européen des puissances nucléaires : elle est redevenue exportatrice nette d’électricité en 2023. Hélios et Eole, les dieux du soleil et du vent, n’ont qu’à bien se tenir…