Pourquoi l’alliance avec LFI et le NPA n’a rien d’un “compromis”, par Jean Szlamowicz

Pourquoi l’alliance avec LFI et le NPA n’a rien d’un “compromis”, par Jean Szlamowicz

“Ce qui est essentiel, c’est que l’union ait pu se faire. Pour empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir, il y a un moment où il faut aller au-delà de nos divergences”, déclarait François Hollande le 13 juin sur TF1. Si l’opinion publique n’est pas assez dégoûtée des manigances, des reniements et des sournoiseries de la politique politicienne, avec ce genre de phrases, l’ancien président met le dernier clou dans le cercueil.

Le cynisme comme principe de discours est tout de même un choix un peu sordide. Car à quoi bon “empêcher l’extrême droite d’arriver au pouvoir” si c’est pour véhiculer l’antisémitisme décomplexé de son propre camp ? En effet, on aurait de la peine à comprendre ce qu’il y a “de gauche” dans les outrances de LFI ou du NPA, leur obsession anti-israélienne, leurs accointances avec les islamistes du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) avec qui ils défilèrent le 10 novembre 2019, leur hypocrisie sur la question de la laïcité.

La phrase de François Hollande révèle l’impudence morale d’un camp politique dénué de scrupules. Sur le plan rhétorique, on y remarque la dynamique d’atténuation (“divergences”) et de valorisation (“union”) : cette technique bien éprouvée consistant à minorer le négatif et à promouvoir le positif, permet ainsi de construire une réalité alternative. C’est le sens d’un marketing lexical utilisant “union”, “Front populaire”, “barrage”, termes qui servent à hyperboliser l’adversaire comme un danger en taisant ses propres turpitudes.

Technique mitterrandienne

On propose ainsi une alliance présentée comme pondérée, en dépit de la réalité constatable, avec un personnel politique dont de nombreux membres flirtent avec l’apologie du terrorisme, avec la défense de la charia et l’appel à l’action contre Israël — jusqu’au député Thomas Portes qui avait dénoncé un juif français comme soldat de Tsahal, ce qu’il n’était même pas, divulguant son identité et son adresse, ce qui lui a valu une plainte pour “provocation publique à la haine ou à la violence en raison de la religion”. Ce même député était allé, juste avant le 7 octobre, à la rencontre d’Abu Amir Mutasen Eleiwa, l’un des dirigeants d’Humani’Terre, association notamment interdite aux Etats-Unis car elle lève des fonds soupçonnés de financer les actions du Hamas. LFI accueille le terroriste Salah Hamouri, milite pour le terroriste Georges Ibrahim Abdallah, traite de porc un député juif et ces “détails” ne seraient que des divergences ?

Et malgré cette duplicité, ces responsables politiques qui ont appliqué la technique mitterrandienne consistant à faire monter le FN pour affaiblir la droite, nous rejouent le discours de l’intimidation morale, la main sur le cœur, le doigt sur la couture du pantalon et le regard fixé sur la ligne bleue des urnes. Mitterrand, ancien pétainiste, ce qui n’avait jamais dérangé son camp, a su jouer de l’exacerbation du danger fasciste : les électeurs sont priés, sous peine d’être de mauvaises personnes, de donner leurs voix à la gauche, laquelle peut soutenir les émeutes de banlieue, l’islam radical et la diffusion du voile islamique. Voir les députés LFI danser et hurler avec des militants fichés S dans des meetings est censé rassurer face au danger “fasciste”… Le monopole du cœur n’a jamais été aussi mal servi que par des députés portant le keffieh des terroristes.

L’argumentation de François Hollande et de la gauche repose sur l’extrémisation comme technique de diabolisation, bien étudiée par Pierre-André Taguieff dans Qui est l’extrémiste ? (Intervalles, 2022). Dans le discours polémique, c’est un procédé qui sert à délégitimer. Pourtant, la notion d’extrême, si on veut correctement l’appliquer au champ politique, doit retrouver sa rationalité descriptive. Ce qui est “extrême”, c’est ce qui sort de la normalité politique. Cette normalité ne se définit pas de manière subjective, mais par l’adhésion à des principes communs appartenant à la culture politique démocratique : respect de la loi, refus de la violence, respect de la diversité d’opinions, laïcité, etc. Or la gauche incarnée par LFI et la Nupes s’est caractérisée par le soutien à la violence, celle des émeutes et celle du Hamas (envisagé comme “résistance” et non comme agression), par le dénigrement de l’Etat et des forces de l’ordre, par l’exaspération des clivages socio-culturels et ethno-religieux, par la remise en cause des principes laïques. Présenter comme raisonnable une alliance avec l’extrémisme objectif des factions les plus virulentes du paysage politique est un mensonge pur et simple.

Stratégie contre l’Occident

L’heure est pourtant à un nouveau vocabulaire qui masque cet extrémisme : “arrangements”, “garanties”, “compromis”, “conditions”, ont remplacé ces derniers jours les appels à manifester pour la Palestine. Mais il faut comprendre la dynamique actuelle des mouvements de gauche dans un cadre international. Le stratège iranien Ali Reza Panahian, hodjatoleslam et conseiller de l’ayatollah Khamenei, a expliqué sa stratégie contre l’Occident : “Les sionistes étaient une nation dispersée. C’est écrit dans la préface des Protocoles des Sages de Sion, livre qu’il faut étudier soigneusement aujourd’hui. Que faire du sionisme international une fois détruits les sionistes de notre région ? Tout le monde sait qu’ils ont leurs maisons et leur argent dans les pays riches du monde entier. Avec Hassan Nasrallah et notre guide [Khamenei], nous sommes en train de mener une guerre d’usure afin de détruire les racines de la civilisation occidentale grâce à une guerre d’usure dans notre région. Le Hamas fait la même chose. […] Aujourd’hui, nous pouvons déclencher dans le monde des manifestations contre le sionisme de notre région. Il faut nous préparer pour le monde d’après Israël. Les mêmes manifestations auront lieu mais contre le lobby sioniste des partis politiques de pays comme l’Allemagne, les Etats-Unis, Londres et ailleurs. C’est ce que nous devons faire à l’avenir.”

Ce programme d’internationalisation des manifestations contre le sionisme avec pour objectif de détruire l’Occident est constamment appliqué depuis des années. Il prend aujourd’hui une actualité et un relief particuliers. Les manifestations “pour Gaza”, outre qu’elles ne disparaîtront pas avec un accord vénal pour remporter des sièges de député, n’ont rien d’anecdotique. Elles révèlent que la gauche est noyautée par une doctrine qui en fait la vassale de l’Iran. Le NPA soutenait le 8 octobre le pogrom en Israël qu’il appelait “l’offensive de Gaza”. LFI semble prête à se taire pendant quelques semaines sur le sujet qui a porté sa campagne aux européennes avec la figure de Rima Hassan. Mais les électeurs ont-ils la mémoire si courte ? Ils savent bien qu’avec cette gauche, il y aura des manifestations anti-occidentales, quoi qu’il arrive. Et dans quelques semaines, les dirigeants “de gauche” nous rejoueront-ils encore la comédie de l’antifascisme avec leurs alliés islamistes dans les rues ?

*Jean Szlamowicz est linguiste, professeur à l’Université de Bourgogne, spécialiste d’analyse du discours. Il est l’auteur de Les moutons de la pensée. Nouveaux conformismes idéologiques (2022, Cerf) et de Détrompez-vous ! Les étranges indignations de Stéphane Hessel décryptées (Intervalles, 2012). Son dernier ouvrage porte sur la sémantique du vin (Savoir parler du vin, 2023, Cerf).