Pourquoi les JO de Paris 2024 ne changeront (hélas) pas la France

Pourquoi les JO de Paris 2024 ne changeront (hélas) pas la France

Comme souvent, les cassandres ont eu tort : en dépit de l’avalanche depuis des mois d’articles alarmistes sur la sécurité, les transports, l’hébergement ou l’état de la Seine, les JO de Paris 2024 resteront dans les mémoires comme une réussite spectaculaire, un indéniable succès populaire et un triomphe esthétique (sauf catastrophe avant la clôture). Mais, dans l’ivresse des médailles françaises et des éloges venus de l’étranger, gare à l’excès inverse. Un Léon Marchand sur l’eau ne nous transformera pas, par miracle, en nation capable de faire jeu égal avec les géants américains ou chinois. Même le poids lourd Teddy Riner ne peut rivaliser avec le poids de notre dette publique.

Hélas, l’histoire nous enseigne que les Jeux olympiques ne sont bien souvent qu’une simple trêve dans le destin du pays organisateur. Certes, l’édition de Séoul en 1988 a coïncidé avec la transition démocratique de la Corée du Sud. Celle de Barcelone en 1992 a propulsé la cité catalane dans l’ère de la mondialisation… et du surtourisme. Mais les contre-exemples sont nombreux. En 2012, une grande capitale européenne a elle aussi craint un fiasco sécuritaire, avant de s’enorgueillir “des meilleurs Jeux jamais organisés”, de la réhabilitation de ses quartiers défavorisés et d’une cérémonie d’ouverture célébrant une nation multiculturelle, saluée dans le monde entier pour son audace. Quatre ans après les JO de Londres, les Britanniques votaient en faveur du Brexit.

Marqués par les protestations occidentales au sujet du Tibet et des droits de l’homme, les Jeux de Pékin en 2008 ont représenté le crépuscule des espoirs de libéralisation et d’ouverture du régime chinois. Quatre ans plus tard, Xi Jinping accédait au pouvoir, entamant un retour idéologique vers le marxisme-léninisme le plus strict. Ceux, dispendieux, de 2004 à Athènes, étaient présentés comme un retour aux sources de l’olympisme. Quatre ans plus tard explosait la crise de la dette publique grecque. Sans surprise, la médaille d’or des espoirs déçus revient à Vladimir Poutine : la Russie n’attendit même pas la fin des JO d’hiver de Sotchi en 2014 pour lancer l’annexion de la Crimée, avant de s’en prendre au Donbass.

“Legs de fierté”

On peut d’ailleurs étendre cette règle de quatre à une autre grande messe sportive, la Coupe du monde de football. Quatre ans après la “France black-blanc-beur” de 1998, Jean-Marie Le Pen accédait à la surprise générale au second tour de l’élection présidentielle. Quatre ans après la finale de Moscou en 2018, qui a vu Emmanuel Macron s’afficher à côté de Vladimir Poutine au stade Loujniki, la Russie envahissait l’Ukraine.

Désireux de surfer sur une France unie et enthousiaste, le président française espère aujourd’hui que ces Jeux olympiques laisseront un “legs de fierté”. Mais l’héritage de ces compétitions dépasse rarement le cadre sportif. On peut parier qu’après cette parenthèse enchantée, la France retournera vite à ses turpitudes politiques, à son allergie des têtes qui dépassent comme à ses penchants pessimistes et déclininistes. Reste qu’entre le panache d’une cérémonie d’ouverture inclusive, la mise en valeur d’un patrimoine fastueux et l’omniprésence publicitaire d’un célèbre groupe de luxe, notre pays a entrevu quel pourrait être son avantage comparatif dans un monde de plus en plus concurrentiel : une nation touristique et sophistiquée, plus à l’aise quand il s’agit d’exporter ses valeurs universalistes et son modèle républicain que ses productions industrielles. La France de 2030 ? Quelque part entre Michel Houellebecq, Bernard Arnault et Thomas Jolly.

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