Présidentielle américaine : comment l’équipe de Harris drague les opposants républicains

Présidentielle américaine : comment l’équipe de Harris drague les opposants républicains

19 août 2024. La convention démocrate s’ouvre à Chicago. Près d’un mois après le retrait de Joe Biden, Kamala Harris est officiellement intronisée comme la candidate du camp démocrate. Mais au-delà des discours du couple Obama, de Joe Biden, du nouveau colistier Tim Walz et évidemment de la vice-présidente elle-même, une prise de parole a détonné. Adam Kinzinger, ancien député républicain ; Stephanie Grishim, ancienne attachée de presse à la Maison Blanche pour Donald Trump et principale conseillère pour Melania Trump, ou encore Olivia Troye, ancienne conseillère de Donald Trump en matière de sécurité nationale, font une apparition remarquée sur la scène principale. La teneur de leur discours est assez claire : non, ils ne rejoignent pas Kamala Harris sur l’intégralité de son bilan et de son projet. Mais le danger qu’incarne Donald Trump pour les Etats-Unis est à leurs yeux bien plus important que ces désaccords programmatiques.

C’est sur cette lignée qu’est né le mouvement “Républicains pour Harris”, qui cherche à convaincre les élus et électeurs plus modérés du Grand Old Party (GOP) à renoncer à voter pour Donald Trump et à soutenir la candidate démocrate, même en se pinçant le nez. Et si les premières figures républicaines à lâcher l’ex-président américain l’ont d’abord fait de leur plein gré, l’équipe de campagne de Kamala Harris semble avoir pleinement intégré l’intérêt stratégique de convaincre et intégrer d’autres anciens membres du GOP dans leur camp.

Des soutiens en hausse…

C’est notamment le cas de l’ancienne élue à la chambre des Représentants Liz Cheney, fille de l’ancien très influent vice-président de George W. Bush, Dick Cheney. Alors que celle-ci multipliait les critiques contre Donald Trump ces derniers mois, elle aurait été discrètement contactée par l’ancienne directrice de campagne de Joe Biden, Jen O’Malley Dillon, rapporte le Washington Post. Si elle n’avait pas passé le cap pour l’actuel président américain, c’est finalement un appel de Kamala Harris elle-même qui l’a convaincue de soutenir publiquement sa campagne il y a quelques semaines. Elle a ainsi affirmé à l’occasion d’une prise de parole à l’université de Duke que bien qu’elle soit conservatrice, elle voterait bien pour l’actuelle vice-présidente “en raison du danger que représente Donald Trump”. Avant d’ajouter deux jours plus tard que son père ferait de même.

Liz Cheney a rejoint une liste de plus en plus importante de membres du camp républicain assumant publiquement leur vote pour Kamala Harris en novembre prochain, et appelant surtout les électeurs à faire de même. Parmi les noms les plus importants, on retrouve par exemple l’ancien procureur général de George W. Bush, Alberto Gonzales, qui a appelé dans une tribune dans Politico le 12 septembre à faire battre Donald Trump, “peut-être la menace la plus grave contre l’Etat de droit depuis une génération”.

Le 18 septembre, plus de 100 anciens hauts responsables d’administrations républicaines (sous les présidences de Ronald Reagan, George Bush père et fils ou Donald Trump) ont signé une lettre affirmant soutenir Kamala Harris et déclarant Donald Trump “inapte” à être président. Ce dimanche, l’ancien sénateur républicain Jeff Flake – qui a également été ambassadeur en Turquie sous Joe Biden – a aussi officiellement affiché son soutien à Kamala Harris. Le camp démocrate a même recruté l’ancien chef de cabinet de l’opposant républicain Adam Kinzinger, Austin Weatherford, en tant que “directeur national de la mobilisation républicaine”, avec pour rôle de “construire la coalition pour sauver la démocratie”. Rien que ça.

… mais des figures qui manquent

Si l’équipe de campagne démocrate insiste sur la moindre prise de guerre faite au camp républicain, la question de savoir si ces transfuges peuvent vraiment faire basculer le scrutin mérite d’être posée. Car jusqu’ici, les élus républicains qui ont passé le cap sont pour beaucoup ceux qui étaient déjà fermement opposés à Trump depuis 2021 (voire 2016). Et qui, par la même occasion, était déjà pour beaucoup marginalisés du Grand Old Party. Adam Kinzinger comme Liz Cheney avaient par exemple été deux des dix représentants républicains à signer la procédure d’impeachment contre Donald Trump en 2021, leur valant d’être presque ostracisés de leur parti. Le sénateur républicain Jeff Flake a également été ambassadeur en Turquie sous Joe Biden. L’équipe de campagne de Trump veut d’ailleurs s’en convaincre : “personne ne se soucie de ce que ces personnes mécontentes et dérangées ont à dire”, insiste dans un communiqué Karoline Leavitt, porte-parole du candidat républicain.

Une manière de s’auto-persuader, ou une réalité concrète ? Il est en tout cas clair que certains des noms les plus importants du camp républicain n’ont jusqu’ici pas encore passé le cap, et que l’attitude de ces derniers pourrait définitivement acter une vraie scission dans le camp de Donald Trump. C’est notamment le cas du sénateur américain Mitt Romney, candidat malheureux à l’élection présidentielle 2012 et critique acerbe du trumpisme depuis 2016. Selon le Washington Post, cette figure particulièrement convoité par les “Républicains pour Harris” aurait notamment exprimé ses réticences d’un tel choix, tout d’abord dans l’optique d’une éventuelle reprise du GOP post-Donald Trump. Mais surtout, l’homme de 77 ans – qui quittera le Sénat à la fin de l’année, officiellement pour prendre sa retraite – a confié des craintes pour… la sécurité de sa famille si jamais il faisait le choix de soutenir publiquement Kamala Harris. Une crainte de représailles de la mouvance pro-Trump qui serait également évoquée par d’autres opposants républicains à Donald Trump, selon le journal américain, et qui témoigne du climat que l’ex-président a installé dans son propre parti.

Tim Miller, ancien stratège républicain désormais engagé contre Donald Trump, a de son côté expliqué, toujours auprès du Washington Post, que le camp démocrate devrait notamment cibler le ralliement d’anciens hauts fonctionnaires de l’administration Trump ayant déjà taclé l’ancien président, comme son ancien directeur de cabinet John F. Kelly ou son ancien secrétaire à la Défense, Jim Mattis. “Etant donné qu’ils ont travaillé directement pour Trump, ils ont la plus grande responsabilité de mettre en garde les autres et leur parole aurait un plus grand impact”, explique-t-il.

“Les gens vont prendre un temps et se dire : ‘Qu’est ce qui se passe ici, avec tous ces différents leaders et anciens membres éminents de toutes les administrations républicaines qui se manifestent’. Cela va aider sur le terrain”, ajoute de son côté l’ancienne conseillère de Donald Trump, Olivia Troye. Il sera bien évidemment impossible de quantifier l’impact électoral que pourraient avoir ces soutiens. Mais dans une élection qui pourrait se jouer à une poignée de voix dans certains Etats clés, il vaut mieux se mettre toutes les chances de côté.

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