Puma, Decathlon, Look… Arkema, le géant français derrière les plus grandes marques

Puma, Decathlon, Look… Arkema, le géant français derrière les plus grandes marques

Quel est le point commun entre une chaussure de running avec une plaque carbone de Decathlon, un aileron de planche de surf FCS, des crampons de football Puma et un cadre de vélo Look ? Le sport, bien sûr. Mais surtout, tous ces équipements contiennent un matériau, un additif ou un adhésif fabriqué par le chimiste Arkema. Le géant français, qui compte plus de 21 000 salariés dans le monde et affiche un chiffre d’affaires de 9,5 milliards d’euros en 2023, est l’un des partenaires méconnus de nombreuses marques de sport depuis plusieurs dizaines d’années.

A l’approche des Jeux olympiques 2024, l’entreprise rêverait de clamer tout haut les disciplines dans lesquelles elle sera présente. Mais la confidentialité de certains contrats l’oblige à réduire sa communication au minimum. “C’est frustrant, mais c’est normal parce que nous sommes un groupe B2B (NDLR : business to business, qui ne s’adresse pas directement au consommateur). Quand nous travaillons sur une chaussure, on ne voit pas notre marque, nous fournissons seulement des matériaux à l’équipementier”, admet Frédéric Cavicchi, médiateur scientifique pour Arkema. Quelques chiffres permettent tout de même de rendre compte de son assise sur le secteur. Lors des derniers Jeux olympiques de Tokyo, 80 % des médaillés en athlétisme portaient un équipement qui avait été mis au point avec au moins un procédé créé par les ingénieurs et chimistes du groupe. Pour l’édition parisienne, l’entreprise s’attend à un chiffre encore plus élevé. En 2022, lors de la Coupe du monde de football au Qatar, 72 % des joueurs avaient au pied des chaussures composées de matériaux Arkema.

Des matériaux 15 à 20 % plus légers

Pebax, Rilsan Rnew… Ces noms ne disent rien au grand public, ils sont pourtant bien connus des équipementiers sportifs. Déposées par Arkema, ces marques désignent des matériaux, développés pour certains il y a plus de soixante ans. Ils servent par exemple à fabriquer les dessous des crampons, les casques de vélo ou encore les semelles de chaussures de running. Pourquoi les marques se tournent-elles vers Arkema ? Pour son savoir-faire en haute performance. “En général, nos matériaux sont entre 15 et 20 % plus légers que des matériaux comparables qui peuvent être utilisés ailleurs”, promet Sébastien Merzlic, responsable communication sports et textile.

Dans le sport de haut niveau, chaque détail compte, à commencer par le poids des équipements. “Quand une équipe de cyclisme achète un vélo, elle sera prête à payer 500 euros de plus pour avoir dix grammes en moins. Le gramme gagné est très difficile à obtenir. Grâce à ces matériaux, on arrive à baisser considérablement le poids des équipements”, assure Frédéric Cavicchi. Sur l’épreuve mythique du marathon, ces technologies ont permis de faire gagner jusqu’à une à deux minutes sur le temps final. Alors que l’exploit était inenvisageable auparavant, le coureur kényan Eliud Kipchoge a avalé, en 2019, les 42,195 kilomètres de distance en moins de deux heures. Un record qui n’a toutefois pas été homologué car il n’a pas été réalisé lors d’une course officielle.

Un travail main dans la main avec l’équipementier

Pour ses matériaux, Arkema applique un niveau d’exigence extrêmement élevé. “Les chaussures de running, par exemple, doivent permettre des réponses rapides, favoriser les changements de direction et minimiser au maximum les pertes d’énergie afin de faciliter la foulée des coureurs. Les petits dixièmes de seconde, cela se gagne sur ce genre de modèle. Nous insistons aussi beaucoup sur la durabilité pour ne pas avoir une dégradation des performances au cours du temps”, explique Sébastien Merzlic. Chaque année, l’ensemble du groupe Arkema dépose pas moins de 200 brevets. Beaucoup ne passeront jamais le stade industriel. Lorsqu’un matériau franchit tous les tests, le travail ne s’arrête pas là. “Nous ne sommes pas que des fournisseurs de matières pour les marques avec lesquelles nous travaillons. Nous avons vraiment un rôle de partenaire. Si le design d’un équipement n’est pas au niveau, même s’il y a le bon matériau, nous n’allons pas réussir à sauter la marche qui va nous permettre d’atteindre un certain niveau de performance”, illustre Sébastien Merzlic.

Decathlon l’a bien compris. Le leader mondial de la distribution d’articles de sport ambitionne de jouer les premiers rôles dans les équipements de sportifs professionnels. Cela fait plus de vingt ans que l’enseigne travaille avec Arkema. Ensemble, ils ont développé en 2022 la KD900X, une chaussure de running avec une plaque carbone à un prix largement inférieur à la concurrence. Chacun a pu bénéficier de l’expertise de l’autre. “Decathlon possède un centre de recherche, où ses équipes pratiquent des tests en conditions réelles et développent notamment les chaussures avec les athlètes. Des moyens que nous n’avons pas à disposition chez Arkema. De notre côté, nous testons de façon très pointue les matériaux, leur fabrication, mais pas le produit final. Nous sommes très complémentaires”, avance Karen Loyen, directrice de la recherche au niveau mondial pour les polyamides chez le chimiste. “Nous nous associons aux meilleurs pour faire les meilleurs produits”, résume Anthony Dulieu, responsable de marque Kiprun chez Decathlon. Un pari gagnant. Méline Rollin, recordwoman de France du marathon, portera des KD900X lors de l’épreuve qui aura lieu le dernier jour des JO de Paris 2024.

La KD900X développée par Arkema et Decathlon.

Il reste néanmoins du chemin à faire pour Arkema avant d’être connu du grand public. Ces dernières années, le groupe a multiplié les partenariats sportifs. L’entreprise donne notamment son nom au championnat de France de football féminin depuis 2019 contre un chèque de 1 million d’euros par an. Et ce jusqu’en 2025, date à laquelle elle deviendra également partenaire officiel de l’équipe de France féminine. Son logo est apparu aussi pendant plusieurs années sur les voiles de bateaux engagés dans différentes courses. Lors de l’Euro de football en Allemagne d’abord, puis aux Jeux olympiques, Arkema tentera de briller à sa manière, dans l’ombre.