Qui décrochera les “top jobs” de l’Union européenne ? Ce qui se trame en coulisses

Qui décrochera les “top jobs” de l’Union européenne ? Ce qui se trame en coulisses

En 2019, il avait fallu des jours de négociations acrimonieuses pour choisir les titulaires des “tob jobs” européens. Cinq ans plus tard, le match paraît quasiment plié moins d’une semaine après les élections européennes. Sauf coup de théâtre de dernière minute, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement devraient reconduire l’Allemande Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, nommer l’ancien Premier ministre portugais Antonio Costa à la présidence du Conseil européen et charger l’actuelle cheffe du gouvernement estonien Kaja Kallas de diriger la diplomatie du bloc. Les Européens ont pu discuter en marge du G7 en Italie, et le feront ce week-end lors du sommet sur la paix en Ukraine, en Suisse.

Selon certaines sources, les nominations pourraient même être annoncées dès ce lundi 17 juin à l’issue du dîner des dirigeants à Bruxelles ; au plus tard, la décision sera prise officiellement lors du Sommet européen des 27 et 28 juin prochain. “Ce serait la traduction fidèle des résultats du scrutin au niveau européen, analyse Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Schuman. Une prise en compte intelligente des équilibres, qui intègre notamment une personnalité de l’est de l’Europe”. Avec une conservatrice issue d’un grand pays fondateur, un socialiste d’un petit pays du sud de l’Europe et une libérale de l’est, toutes les cases semblent effectivement cochées. Les trois plus grandes familles politiques pro-européennes seraient servies.

Macron n’est plus en mesure d’imposer ses vues

Les résultats des élections ont abrégé le suspense. “Scholz est affaibli, Macron a la tête ailleurs”, cingle une source européenne, en pointant les scores désastreux des partisans du chancelier allemand et du président français lors du scrutin. “L’hypothèse Mario Draghi [NDLR : ancien patron de BCE et ex-chef du gouvernement italien] séduisait beaucoup le président français mais c’est fini”, raconte une autre.

La nette victoire des conservateurs du Parti populaire européen, qui recueillent 190 sièges (14 de plus) et 26,39 % des voix, leur permet de garder le poste le plus important, celui de la présidence de la Commission. “C’est la revanche de la CDU-CSU allemande sur Emmanuel Macron” estime Jean-Dominique Giuliani. Il y a cinq ans, le président français avait pu renverser la table et refuser la candidature de l’allemand Manfred Weber. Cette fois, il n’est plus en mesure d’imposer ses vues.

A 65 ans, Ursula von der Leyen est donc en passe de rempiler pour cinq années, à condition de bien négocier l’obstacle du Parlement européen. Pour diriger la seule institution de l’Union européenne qui dispose du pouvoir de proposer des législations, elle doit recueillir la majorité absolue des votes des eurodéputés, lors d’un scrutin à bulletins secrets. En 2019, l’ex-ministre de la Défense allemande était passée de justesse, avec neuf petites voix d’avance.

Quel modus vivendi trouvera-t-elle avec le socialiste Antonio Costa, si celui-ci occupe la présidence du Conseil européen, malgré une procédure judiciaire pour corruption encore ouverte dans son pays ? “Il est consensuel, se rassure un diplomate. De toute façon, cela ne peut pas être pire : avec le duo Michel- von der Leyen, on a touché le fond de la piscine”. La mésentente entre le Belge Charles Michel et Ursula von der Leyen a lassé les dirigeants européens, qui espèrent une relation apaisée entre les deux futures têtes bruxelloises. Beaucoup évoquent avec nostalgie la figure un peu terne du Belge Herman von Rompuy, premier titulaire de la fonction, qui œuvrait avec discrétion en coulisses pour élaborer des compromis.

Kaja Kallas, expérimentée et habile

Membre de la famille libérale, Kaja Kallas est donc pressentie pour succéder à l’Espagnol Josep Borrell et hériter du poste compliqué de Haut représentant pour la politique étrangère. La dirigeante estonienne – 47 ans le 18 juin – est devenue l’une des personnalités européennes les plus en vues à la faveur de ses prises de position sur la guerre en Ukraine. Expérimentée et habile, elle aura néanmoins fort à faire pour exister face aux diplomaties nationales jalouses de leurs prérogatives. Aucun de ses prédécesseurs n’a réussi à s’imposer.

Côté Parlement européen, la présidence devrait demeurer entre les mains du Parti populaire européen, via la réélection de la Maltaise Roberta Metsola. Une fois ces postes importants distribués, il restera d’ici la rentrée de septembre à composer la Commission européenne.

La France avait été bien servie en 2019 avec un vaste portefeuille pour Thierry Breton. Qu’en sera-t-il cette fois ? A Paris, les textes n’établissent pas clairement qui, du gouvernement ou du Président de la République, a le dernier mot sur la désignation du ou de la candidat (e). “Cela pourrait devenir l’un des premiers sujets d’affrontement entre Emmanuel Macron et un Premier ministre de cohabitation”, soupire une source française.