Réforme de l’assurance-chômage : le gouvernement espère 3,6 milliards d’euros d’économies

Réforme de l’assurance-chômage : le gouvernement espère 3,6 milliards d’euros d’économies

L’assurance-chômage est de nouveau en chantier. Ces mercredi 22 et jeudi 23 mai, la ministre du Travail, Catherine Vautrin, reçoit les partenaires sociaux pour discuter de la nouvelle réforme dont les modalités devraient être dévoilées en début de semaine prochaine, avec un durcissement annoncé des règles d’indemnisation.

L’objectif affiché de cette nouvelle réforme, après celles de 2019 de 2023, est “de concourir à l’atteinte du plein emploi” soit un taux de chômage autour de 5 % (contre 7,5 % actuellement) et de “favoriser le retour rapide en emploi des chômeurs indemnisés”. Ainsi, en menant cette réforme, l’exécutif espère économiser quelque 3,6 milliards d’euros et déboucher sur la création de 90 000 emplois.

Alors que la réforme doit être présentée en début de semaine prochaine, Catherine Vautrin a commencé à dévoiler les pistes qui tiennent la corde.

Ouverture de droits

Après avoir insisté sur la réduction de la durée d’indemnisation, le Premier ministre, Gabriel Attal, a davantage mis en avant les conditions pour ouvrir des droits à l’assurance-chômage. Jusqu’à présent, il faut avoir travaillé au moins six mois au cours des vingt-quatre derniers mois. Une durée qui constitue ainsi la période de référence d’affiliation. Durcir la condition d’affiliation toucherait en premier lieu les allocataires de moins de 25 ans ou sortant d’un CDD ou d’intérim.

Parmi les pistes évoquées par l’exécutif figure le fait qu’il faudra avoir travaillé neuf mois sur les deux dernières années, et non plus six. Selon les calculs de l’Unédic (l’organisme en charge de l’assurance-chômage), si le temps minimum est relevé à sept mois, cela affectera 11 % des allocataires et permettra d’économiser 400 millions d’euros. S’il est relevé à douze mois, l’économie s’élèvera à 2,3 milliards.

En outre, diminuer la période de référence de vingt-quatre à dix-huit mois permettrait de réaliser des économies bien supérieures, comprises entre 5,1 milliards et 7,5 milliards d’euros. Et même si les plus de 55 ans étaient exclus de cette mesure, cela rapporterait encore de 3,9 à 6,3 milliards.

Premier à être reçu, le président de la CFE-CGC, François Hommeril, a confirmé à l’AFP à l’issue d’une réunion “assez difficile”, que “les conditions d’affiliation seront durcies”: il faudra avoir travaillé huit mois dans les vingt derniers mois, au lieu de six mois dans les vingt-quatre derniers mois actuellement.

Durée d’indemnisation

Néanmoins, une réduction de la durée d’indemnisation n’est toujours pas écartée. La durée maximale d’indemnisation est actuellement de dix-huit mois pour les moins de 53 ans. Les salariés âgés de 53 et 54 ans peuvent être indemnisés jusqu’à vingt-deux mois et demi, et ceux âgés de 55 ans et plus jusqu’à vingt-sept mois.

Si elle est ramenée à douze mois pour tous les âges, 45 % des allocataires seraient concernés, permettant d’économiser 5,9 milliards d’euros, selon l’Unédic. Par ailleurs, même si les seniors continuent à bénéficier d’une durée d’indemnisation plus longue, les économies seraient encore de 5 milliards.

A minima les bornes d’âge pour les seniors devraient être relevées de deux ans en raison du recul de l’âge légal de départ en retraite à 64 ans, si les seniors conservent un régime particulier.

Délai d’attente

Actuellement, un délai d’attente de sept jours existe après l’inscription à France Travail (ex-Pôle emploi) pour percevoir l’allocation-chômage. Un laps de temps qui ne s’applique qu’une seule fois par période de douze mois. Un différé congés payés plafonné à trente jours vaut également pour les salariés quittant une entreprise sans avoir pris tous leurs congés.

Enfin, le différé pour indemnités supra-légales de rupture concerne les salariés licenciés ou ayant négocié une rupture conventionnelle avec des indemnités supérieures à ce que prévoit la loi. Actuellement, il est plafonné à cinq mois. Il concerne des personnes plus âgées et mieux indemnisées que la moyenne. Dans le cas où ce plafond serait doublé, cela permettrait à l’Etat d’économiser 390 millions d’euros.

Modulation

En vertu du principe de “contracyclicité”, qui s’applique depuis février 2023, la durée d’indemnisation des chômeurs est réduite d’un quart lorsque le taux de chômage reste au-dessous de 9 %. Ce taux est actuellement de 7,5 %. Le gouvernement pourrait revoir ces règles.

L’Unédic a envisagé plusieurs hypothèses, parmi lesquelles une réduction de l’indemnisation de 50 % au lieu de 25 % en cas de taux de chômage inférieur à 9 %. Si ce scénario est choisi, 63 % des allocataires seraient concernés, ce qui permettrait à l’Etat d’économiser quelque 6,3 milliards d’euros.

En outre, le gouvernement pourrait également introduire un nouveau palier de taux de chômage en deçà duquel la durée d’indemnisation serait davantage réduite. À 7 % ou 6 % par exemple.

Extension du bonus-malus

Promesse de campagne d’Emmanuel Macron en 2017, le bonus-malus est un dispositif vivement contesté par le patronat qui vise à lutter contre l’abus de contrats courts. Mis en place à l’été 2021, il concerne actuellement les entreprises de onze salariés et plus de sept secteurs très consommateurs de contrats courts à l’instar de l’hébergement, de la restauration ou encore des transports.

Concrètement, le dispositif consiste en la modulation de la contribution patronale d’assurance-chômage – 4,05 % de la masse salariale – à la hausse (malus) ou à la baisse (bonus), en fonction “du taux de séparation” des entreprises (ratio entre le nombre de fins de contrats de travail suivies par une inscription de l’ancien salarié dans les trois mois à Pôle emploi et l’effectif moyen annuel de l’entreprise, NDLR), comparé au taux médian de leur secteur.

L’extension du bonus-malus pour les contrats courts à de nouveaux secteurs fait ainsi partie des pistes explorées par le gouvernement, qui défend un outil permettant de ne pas faire peser la réforme uniquement sur les demandeurs d’emploi.

Une réforme nécessaire selon Emmanuel Macron

Dans un entretien à L’Express paru mercredi, Emmanuel Macron loue une réforme qui “va renforcer l’efficacité de notre système d’indemnisation et les incitations au travail. On agit au bon moment du cycle, parce que c’est lorsque la croissance s’apprête à repartir qu’il faut préparer les conditions du durcissement de l’assurance-chômage”.

Invitée sur la plateau de BFM Business, la numéro un de la CFDT Marylise Léon a dénoncé une réforme voulue pour “faire encore plus d’économies” en faisant “les poches des chômeurs”. De son côté, l’entourage de Catherine Vautrin assure que la ministre souhaite que “la copie gouvernementale puisse évoluer suite à ces concertations”.