Réforme des retraites : ces renoncements du RN et de la gauche

Réforme des retraites : ces renoncements du RN et de la gauche

Depuis une semaine, un nouveau mot-valise s’est invité dans l’espace politico-médiatique. Le terme de “clarification”, qui semble être le seul point d’accord entre les différents blocs politiques. Ainsi, de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par la Macronie, aucun ne passe sur un plateau télévisé sans l’agiter. Pourtant, les discours de chaque camp ont rarement semblé aussi confus, et les projets politiques si nébuleux.

Sur la question de la réforme des retraites notamment, qui a laissé transparaître les premières divergences entre le Rassemblement national (RN) et son nouvel allié, Eric Ciotti. A la question “vous retrouvez-vous dans l’abrogation de la réforme des retraites ?”, le député sortant de Nice botte en touche : “Il n’est pas dit que la réforme sera abrogée”, élude-t-il sur France 2. Oubliant qu’in fine, c’est la volonté du plus fort qui s’appliquerait. Or, dans cette coalition Ciotti-RN, c’est le RN qui a le leadership.

Pour le RN, une abrogation, mais pas pour tout de suite

Et Jordan Bardella n’a pas manqué de le tambouriner dans les colonnes du Parisien ce mardi 18 juin. “C’est le RN qui conduit cette coalition […] La réforme des retraites sera abrogée” confirme-t-il, dépliant le projet du parti à la flamme : un âge de départ minimum fixé à 60 ans destiné aux carrières longues, ces personnes ayant commencé à travailler à 20 ans. Pour les autres, le départ serait progressivement étendu jusqu’à 62 ans selon l’entrée sur le marché du travail et les parcours professionnels de chacun.

Pour le détricotage de la réforme Borne, il faudra toutefois attendre encore un peu. Car contrairement à ce qu’avaient laissé entendre plusieurs lieutenants de Marine Le Pen, cette loi ne passera pas à la guillotine dès l’arrivée à Matignon du Rassemblement national. Soucieux d’asseoir une image de bon père de famille, Jordan Bardella suspend le destin de la réforme au verdict de l’audit qu’il s’est engagé à commander à une commission indépendante composée “d’économistes”, de “magistrats de la Cour des comptes” ou encore “d’universitaires”…

Les incohérences de Rousseau et Hollande

Vous êtes perdus ? Attendez de voir le tohu-bohu à gauche de l’échiquier politique, où se nichent là aussi, plusieurs Nobel de l’incohérence. Aurélien Rousseau par exemple, candidat aux législatives dans les Yvelines sous la bannière du Nouveau Front populaire (NFP), qui compte abroger “immédiatement” la réforme. C’est à se demander où était l’ancien directeur de l’Agence régionale de santé au moment de l’adoption de la loi. La réponse en surprendra peut-être plus d’un : aux côtés d’Elisabeth Borne… et pas à n’importe quel poste puisque Aurélien Rousseau n’était autre que le directeur de cabinet de la Première ministre qui a conduit vaille que vaille le recul de l’âge de départ à la retraite à 64 ans. Il a même fait son entrée au gouvernement en qualité de ministre de la Santé dans la foulée de son départ de Matignon en juillet 2023.

Ce qui ne dérange visiblement pas les différents cadres du Nouveau Front populaire. Fiers de leur prise de guerre, plusieurs ont défendu le courage d’un homme “qui a quitté le gouvernement à cause de la loi immigration”. Un départ intervenu fin 2023, qui avait été perçu comme le signe d’une “certaine cohérence politique”. L’eurodéputé Place publique Raphaël Glucksmann avait notamment salué “la dignité” du ministre démissionnaire. Six mois plus tard, ce dernier rejoint donc la coalition de gauche.

“Aurélien Rousseau, ex-directeur du cabinet de Borne pendant la réforme des retraites et ex-ministre de la Santé Macron, réapparaît sous l’étiquette Nouveau Front populaire. Il ne manque plus que Valls et Cahuzac”, raille sur X la porte-parole de Lutte ouvrière, Nathalie Arthaud.

À la surprise de tous – y compris de sa propre famille politique – lui aussi a fait le choix de rouler pour la coalition rafistolée à la hâte sur les vestiges de la Nupes. Ainsi François Hollande, battra-t-il campagne dans sa circonscription de Corrèze sur le programme du Nouveau Front populaire. Et donc, notamment, sur le retour de l’âge de départ à la retraite à 60 ans

Curieux, sinon paradoxal, pour un ancien président de la République qui avait porté une réforme dont l’objectif était d’allonger la durée de cotisation de 41,5 ans à 43 ans d’ici à 2035… Mais face à la “gravité” de la situation – comprendre, le péril de l’extrême – François Hollande, comme d’autres, prend sur lui et accepte de signer pour un programme qui torpille celui qu’il avait jadis porté. C’est bien connu, “faute de s’unir pour quelque chose, il faut bien se rassembler contre quelqu’un”.