Régimes, gels, barres… Quelle alimentation en tant que sportif ? Les conseils de la science

Régimes, gels, barres… Quelle alimentation en tant que sportif ? Les conseils de la science

Comment performer dans sa pratique sportive, comment bien s’entraîner et prendre du plaisir à se dépasser sans se blesser ? L’Euro de football, les Jeux olympiques de Paris sont autant de vitrines pour le sport de haut niveau, avec ses athlètes suivis au jour le jour, parfois par des armées de médecins, kinésithérapeutes, psychologues… Pour le sportif du dimanche jusqu’à l’amateur endurci, impossible d’être aussi bien accompagné. Les plus argentés se tournent vers des coachs personnels, quand la plupart glanent des recommandations auprès de collègues sportifs, d’outils connectés, voire de YouTube, Instagram ou TikTok… où bons et souvent moins bons conseils pullulent. De nombreuses études scientifiques apportent pourtant des réponses sérieuses quant aux méthodes éprouvées pour s’améliorer. L’Express passe en revue quatre thèmes essentiels : la préparation mentale, l’alimentation, les méthodes de récupération et la conduite à tenir face aux blessures. Dans ce deuxième épisode, la nutrition, entre bienfaits et dérives marketing.

EPISODE 1 – Les conseils de la science pour s’améliorer en sport : le cerveau, un allié trop souvent négligé

EPISODE 3 – Les étirements sont-ils toujours utiles ? Les réponses (parfois déroutantes) de la science

Régimes alimentaires spécifiques, barres de céréales, gels sucrés, pastilles et poudres électrolytes. Ces dernières années, les produits et modes autour de l’alimentation du sportif explosent. Impossible de ne pas trouver des rayons nutrition au sein des grandes enseigne de sport, sans parler de l’omniprésence des publicités sur les réseaux sociaux. Il suffit de participer à une épreuve de footing, de trail ou de triathlon pour s’en apercevoir, l’offre d’aliments aidant soi-disant à performer est gargantuesque. Difficile de s’y retrouver face à tous ces conseils et sollicitations. Mais la nutrition est-elle vraiment importante pour la performance ? Et comment manger au mieux pour éviter les désagréments pendant une épreuve sportive ? Une règle évidente s’impose d’abord : il est nécessaire, que l’on pratique ou non un sport, d’avoir une alimentation variée, intégrant toutes les familles d’aliments.

Mais en ce qui concerne les sportifs, l’alimentation varie en fonction de la date de l’épreuve. Avant une course, il convient de manger sainement, mais également de faire des réserves de sucre. Le corps étant bien fait, il en stocke dans le foie et les muscles sous forme de glycogène. “Pendant le sport, le principal carburant est le sucre, c’est l’équivalent de l’essence pour une voiture : si on se trouve à court, c’est la panne”, illustre Laura Albaladejo, nutritionniste et chercheuse au laboratoire Timc de l’Université de Grenoble. Inutile pour autant de changer tout son régime alimentaire une ou deux semaines avant l’épreuve, comme manger des plats de pâtes tous les jours, contrairement à ce que certains coachs ou influenceurs sportifs sur les réseaux sociaux affirment. “Cela peut perturber le transit”, prévient la chercheuse. En revanche, il est intéressant de faire attention aux apports en glucides deux à trois jours avant, avec des repas intégrant féculents, légumes secs et fruits.

L’arnaque des compléments alimentaires

La veille, il est conseillé de manger des féculents, une source de protéines – qui permettent de renforcer et maintenir la masse musculaire, mais aussi de réparer les lésions, ce qui peut aussi être bénéfique après la course – et un peu de lipides, notamment pour leur rôle de réduction de vidange gastrique. Un repas type prendrait ainsi la forme d’un plat de pâtes avec un peu de fromage et une tranche de jambon, de l’eau et du sel. “Manger quelques légumes la veille peut être intéressant, mais il faut éviter un plat du type Dahl de lentille et pain complet, ajoute la chercheuse. De la même manière, une noisette de beurre est acceptable, mais il faut évidemment éviter une raclette. Tout est question de dosage et d’équilibre !”

En revanche, la multitude de “compléments alimentaires” pour sportifs est, dans la très grande majorité des cas, parfaitement inutile. “Si une personne présente une carence, alors pourquoi pas, mais ce sera toujours après un rééquilibrage nutritionnel avec les conseils d’un médecin. S’il n’y a pas de carence, ils peuvent même se révéler dangereux parce qu’on risque de dépasser les doses recommandées, alerte Laura Albaladejo. Il faut aussi se méfier des naturopathes qui prescrivent des compléments souvent très chers alors qu’ils n’apportent aucun bénéfice”.

Quelques heures avant le départ, il est en revanche déconseillé d’avoir un apport en fibre et en gras trop important, car cela peut perturber le transit et retarder le temps de digestion, ce qui peut provoquer des problèmes digestifs. Il est d’ailleurs recommandé de rester hydraté tout au long de l’épreuve et de ne pas se lancer dans une longue distance avant deux, voire trois heures après un gros repas. Sinon, les pratiquants de sports de longues distances peuvent être confrontés aux “diarrhées du coureur”, pendant ou juste après la course. Des études scientifiques montrent que jusqu’à 62 % des marathoniens ont déjà rencontré ce désagrément. Le mécanisme n’est pas bien connu, mais l’une des hypothèses est que pendant la course, le corps active le système nerveux sympathique qui détourne le flux sanguin des intestins vers les muscles, ce qui peut les rendre plus vulnérables aux toxines qui causent les diarrhées. Il est également possible que l’impact mécanique sur les organes lors de la course contribue à ces désagréments.

Gels, barres, boissons énergétiques, du marketing

Pendant l’épreuve, surtout les courses ou entraînements qui dépassent une heure et demie, il convient d’avoir un apport en sucre régulier. C’est là qu’interviennent les barres et autres gels, qui contiennent parfois quelques protéines et, plus rarement, du sel. “L’apport en sodium est pourtant très important lors d’une épreuve longue et s’il fait chaud, car on en perd beaucoup par la transpiration”, indique Laura Albaladejo. Mais il ne faut pas se bercer d’illusions concernant les prétentions de ces produits. “Il y a beaucoup de marketing : les boissons de récupération et autres gels “énergétiques” peuvent éventuellement favoriser la biodisponibilité de certains nutriments utiles à la performance, mais est-il vraiment nécessaire d’acheter tout ça ? C’est bien moins sûr”, indique le professeur Nicolas Babault, chercheur au Centre d’Expertise de la Performance G. Cometti (Inserm, Université de Bourgogne). L’Agence nationale sécurité sanitaire alimentaire elle-même s’est fendue d’un communiqué, en janvier 2023, pour mettre en garde les consommateurs. Les boissons, poudres et pastilles riches en électrolytes ne semblent pas non plus d’une grande aide pour la performance.

Quand aux gels censés être bourrés de vitamines, les sociétés savantes américaine et canadienne de nutrition ont récemment publié des communiqués rappelant qu’il n’y a aucun bénéfice à en consommer pendant l’effort, d’autant qu’ils contiennent parfois de nombreux additifs qui ne sont en rien bénéfiques, au contraire. Ils peuvent, en revanche, apporter un certain confort grâce à leur forme qui facilite le transport et l’ingestion. “Mais tous ces produits sont souvent chers, alors qu’il est aisé de faire des boissons à base de sucre et de sel à la maison, voire des jus de fruit frais dans lequel on ajoute une cuillère de sel”, illustre le chercheur.

Plus généralement, les nutritionnistes conseillent de tester tout au long de l’année les aliments avant de s’entraîner, afin de savoir ce qui convient à chacun. Et en cas de doute, des sources fiables reposant sur la littérature scientifique sont disponibles facilement, comme le site Internet du Centre de Ressources et d’Informations Nutritionnelles (Cerin) ou celui de la Société française de nutrition du sport.