Sécurité sociale : l’inquiétante dérive des comptes

Sécurité sociale : l’inquiétante dérive des comptes

Dans un rapport publié ce mercredi 29 mai, la Cour des comptes tire la sonnette d’alarme : l’Etat aurait perdu la “maîtrise des comptes sociaux”. Et appelle l’exécutif à un “redressement” des dépenses sociales, qu’elle estime “nécessaire”.

Les magistrats ont identifié deux principales explications à ce constat. La première, le déficit des régimes obligatoires de base de la Sécurité sociale et du fonds de solidarité vieillesse. En 2023, celui-ci atteint les 10,8 milliards d’euros, soit une aggravation de 3,7 milliards par rapport aux prévisions de la loi de financement 2023.

La branche maladie, boulet de la Sécurité sociale ?

Une aggravation, dont la responsabilité incomberait à la seule branche maladie, d’après les Sages de la rue Cambon qui précisent que “la réduction de 9,9 milliards d’euros de son déficit par rapport à 2022 est totalement imputable à la quasi-extinction des dépenses liées à la crise sanitaire (- 11 milliards)”. Pour le reste, “la branche maladie porte à elle seule la totalité du déficit, les excédents et les déficits des autres branches, beaucoup plus réduits se compensent entre eux”, explique le rapport.

Les hôpitaux publics et les Ehpad également, seraient les grands malades des dépenses sociales “avec des déficits de plus en plus élevés et des disparités importantes entre établissement selon la manière dont ils parviennent à concilier l’évolution de leur activité et la croissance de leurs charges”.

Des dépenses toujours trop élevées

La seconde ensuite, l’augmentation exponentielle des dépenses d’assurance maladie ces cinq dernières années : plus 5,4 % par an entre 2019 et 2023. À titre comparatif, la progression annuelle sur la période 2015-2019 ne dépassait pas les 2,4 %. De l’ordre de 200,4 milliards en 2019, les dépenses sociales ont atteint en 2023 246,8 milliards d’euros. Force est ainsi de constater que les économies prévues dans la loi de financement initiale n’ont pas produit les effets escomptés.

La Cour des comptes s’inquiète tout particulièrement de la trajectoire prise par le gouvernement “qui n’assure pas le retour à l’équilibre de l’assurance maladie”. Et pour cause, la loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2024 a fixé l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à 254,7 milliards, soit 3,2 % de plus qu’en 2023. Traduction d’un “relâchement de la contrainte financière”, étrillent les sages.

Quelques pistes pour assainir les comptes de la Sécu

D’après les prévisions de l’institution de la rue Cambon, les dépenses continueront à augmenter de 3 % par an jusqu’à approcher les 280 milliards d’euros en 2027. Une situation “insoutenable”, s’étrangle la Cour. Raison pour laquelle, le rapport encourage l’exécutif à explorer différentes pistes qui permettront “d’assurer un redressement pérenne des comptes sociaux”.

Le rapprochement au droit commun des compléments de salaires. Ces “niches sociales”, divisées en cinq catégories, ont la particularité d’être exemptés de cotisations sociales. Résultat : “Les pertes de recettes induites pour la Sécurité sociale entre 2018 et 2022 ont atteint 8,1 milliards d’euros, montant supérieur à la dégradation des déficits sociaux hors Covid (6,6 milliards)”, alerte la Cour des comptes.

Les arrêts maladies, une charge constante hausse

Le rapport recommande également une refonte du fonctionnement de l’indemnisation des arrêts travail pour maladie, qui repose sur “des règles anciennes et complexes”. Actuellement partagé à parts égales entre la Sécurité sociale et les entreprises, le coût des arrêts maladies a augmenté de 4,3 milliards entre 2017 et 2022, soit une hausse de 56 %.

Selon les Sages, la progression pourrait être jugulée par une simplification d’une réglementation “devenue trop complexe”, avec la diversification des situations notamment pour le calcul des indemnités dues aux intermittents, “qui cumulent plusieurs activités ou sont au chômage”.

“Si des progrès sont mis en œuvre en matière informatique, les conditions d’ouverture des droits et les modalités de calcul du revenu de référence pourraient être simplifiées”, a fait valoir la Cour qui évalue les coûts de gestion à quelque 400 millions d’euros par an.

Parmi d’autres “mesures possibles”, les Sages citent la non-indemnisation par l’Assurance maladie des arrêts de moins de 8 jours (470 millions d’euros de dépense en moins), l’augmentation à 7 jours du délai de carence (950 millions d’euros de dépenses en moins), la réduction à deux ans (contre trois aujourd’hui) de la durée maximale d’indemnisation (750 millions d’euros de dépenses en moins)…