Uranium : Orano perd son énorme gisement au Niger, mais le vrai problème n’est pas là

Uranium : Orano perd son énorme gisement au Niger, mais le vrai problème n’est pas là

Clap de fin pour Orano au Niger. Le groupe français s’est vu retirer son permis d’exploitation de la mine d’Imouraren – l’un des plus grands gisements d’uranium au monde – par le régime militaire en place. La bonne nouvelle ? A court terme, ce camouflet ne devrait pas beaucoup impacter la France. La décision était anticipée. “Le Niger avait déjà baissé d’importance dans le portefeuille d’achat d’EDF ces dernières années”, expliquait récemment Teva Meyer, géographe et spécialiste en géopolitique du nucléaire, à L’Express.

“Même si la France perdait la totalité de l’approvisionnement du Niger – elle exploite encore un site dans la région d’Arlit – on pourrait facilement compenser en faisant venir davantage de combustible depuis l’Ouzbékistan ou le Canada”, détaille l’expert. Enfin, les temporalités dans le nucléaire ne sont pas celles du gaz ou du pétrole. Entre le moment où l’uranium est extrait d’une mine et le moment où il est utilisé dans une centrale, il peut se passer cinq ans. Il n’y a donc pas de rupture d’approvisionnement à craindre dans l’immédiat. D’autant que la France dispose d’un stock d’uranium stratégique, dont le volume est tenu secret.

Un risque de pénurie à terme

En apparence donc, la France garde le contrôle et les déboires d’Orano au Niger ne créeront pas beaucoup de vagues. En coulisses pourtant, certains spécialistes tirent la sonnette d’alarme. Car une vraie inquiétude pèse sur les prochaines décennies. Comme l’indique Claire Kerboul, docteur spécialisée en physique nucléaire et auteur de L’Urgence du nucléaire durable (De Boeck supérieur), “de plus en plus de pays vont se tourner vers l’énergie nucléaire. Avec des conséquences concrètes sur l’approvisionnement. Si on prend les engagements de la dernière COP au pied de la lettre et que 20 pays parviennent à tripler rapidement la puissance mondiale, on touchera le “plafond” des ressources identifiées récupérables dès 2040-2050. Dans cette hypothèse, qui prendra le risque de démarrer un EPR dont la durée de vie est d’au moins soixante ans ?”

Actuellement, l’uranium extrait du sol ne répond qu’à 75 % des besoins dans le monde. Nous entrons donc dans une période de tensions. “Quoi qu’il arrive, il va falloir que l’on reprenne les investissements. Il ne faudra pas se rater sur cette partie”, confirme un cadre de la filière minière. La Chine se positionne déjà pour rafler l’uranium du Kazakhstan et d’autres pays producteurs, devenus stratégiques. Avis au futur ministre de l’Energie : Il est temps pour la France de regarder au-delà du Niger et de se pencher sérieusement sur les réacteurs à neutrons rapides, capables de fonctionner avec nos déchets radioactifs.